Lieu de rencontre des hommes politiques et de la culture, mais aussi de la bourgeoisie athénienne le mythique café-brasserie Zonar’s a ouvert de nouveau ses portes il y a quelques mois. Il s’agit du « Deux Magots » athénien qui a été fréquenté, surtout dans les années ’50 et ’60, par toute la jeunesse gâtée de la ville, des gens de pouvoir, des premiers ministres, des ministres, des députés, des diplomates, des artistes, des écrivains, des poètes, des acteurs, grecs et étrangers.
Des hommes politiques y venaient souvent comme Konstantinos Karamanlis, Ilias Iliou, Sofoklis Venizelos, Xenofon Zolotas, Giorgos Gennimatas, Leonidas Kyrkos et bien d’autres. Mais aussi des poètes comme Odysseas Elytis et Nikos Gkatsos, le compositeur Manos Hatzidakis et Melina Merkouri (ils ont même donné une interview en commun à la télévision française depuis la brasserie), des acteurs de passage à Athènes, comme Sophia Loren, Anthony Quinn et Charlotte Rampling, ou des écrivains, comme Lawrence Durrell et Jorge Luis Borges.
La brasserie ressemble au lobby d’un hôtel. Tel était l’intention de son créateur en 1940 et tel est l’ambition des nouveaux propriétaires. Tout près à la fois de la place Syntagma, des grands hôtels historiques, des ambassades des pays étrangers, mais aussi du centre commercial, au croisement de la rue Panepistimiou et de la rue Voukourestiou, désormais piétonne, le café-brasserie est devenu dès sa naissance le lieu de détente de la bourgeoisie athénienne.
La vie de son créateur est aussi fabuleuse que sa création elle-même. Kalliklis Zonaras est né en 1873 dans la région des Quarante Eglises, en Thrace Orientale (en Turquie actuellement). Il fait ses études à la Grande Ecole de La Nation à Constantinople et il va ensuite travailler chez son oncle, en Roumanie. Cependant, il quitte vite l’Europe, à l’âge de 27 ans, pour aller s’installer aux Etats-Unis, à Dayton de Ohio. Là-bas, en travaillant dans une pâtisserie grecque, il apprend l’art du chocolatier et américanise son nom en Charles Zonars. Six mois après, il arrive à ouvrir son propre magasin, spécialisé en pâtisserie et glaces. Malgré les infortunes et les malchances il arrive à créer une chaîne de magasins dans toute la région. Devenant assez riche il invite toute sa famille aux Etats-Unis. Après son succès financier il décide de réaliser son rêve, de voyager partout dans le monde, inspiré par le héro de Jules Verne Phileas Fogg. Il a commencé son voyage par la Californie et puis il a continué à Hawaï, au Japon, en Chine, à Himalaya, en Inde, en Afrique, au Proche Orient, à Jérusalem, à Constantinople, et puis à Paris, avant de rejoindre de nouveau New York et Dayton.
En 1920 il visite Athènes pour explorer l’idée d’une entreprise. Il tombe pourtant amoureux d’une belle Athénienne qui n’avait pas envie de quitter son pays. Il décide donc de rester en Grèce, en vivant avec les virements bancaires qui arrivaient des Etats-Unis, où ses entreprises continuaient à fleurir. Jusqu’à la Grande Dépression qui a tout détruit. Il fallait donc recommencer une nouvelle vie à Athènes.
Il ouvre d’abord une petite pâtisserie en face du Zonar’s actuel, où il vend ses petits chocolats et sa fameuse glace « Chicago », mais il regarde tous les jours de l’autre coté de la rue la construction d’un grand bâtiment, un des plus prestigieux d’Athènes, occupé aujourd’hui par une enseigne de grands magasins, un théâtre et un passage couvert. Zonaras a vu tout de suite le potentiel de cet endroit et il a tout fait pour louer le grand espace au coin de la rue, mentionné plus haut. Il a fait venir les meilleurs architectes et décorateurs pour créer le café-brasserie le plus mondain d’Athènes.
En août 1940 tout est prêt pour l’inauguration, mais une semaine avant, le 15 août, le torpillage du croiseur Elli dans le port de l’ile de Tinos, par un sous-marin italien, présage la participation de la Grèce à la Seconde Guerre mondiale. Le café ouvre ses portes le 23 août et il fonctionnera jusqu’en avril 1941, jusqu’à l’invasion et l’occupation allemande. Le café sera réquisitionné par les Allemands. Quand les Allemands sont entrés à Athènes deux anciens serveurs de Zonar’s se sont présentés devant Zonaras portant l’uniforme Nazi. Ils étaient des espions, appartenant à la cinquième colonne et ils avaient travaillé au magasin pour rassembler des informations de la part des hommes politiques, les journalistes, les diplomates et les Britanniques qui fréquentaient le lieu !
Après la libération, et ce pour cinq années encore, le magasin a été réquisitionné par les Britanniques. Zonaras, avec l’indemnisation qu’il avait reçue, après leur éloignement, a pu rénover le café en 1950, le rétablissant dans toute son ancienne gloire. Il l’a gardé jusqu’ en 1968. Depuis, il a changé de propriétaires à plusieurs reprises.
Raffiné et élégant Zonar’s reprend le fil de son histoire, ayant un poids très lourd à la fois grâce à son fabuleux passé et son fondateur extraordinaire. Seul le nom de ce café, brasserie, resto ou bistrot, nous fait rêver parce qu’il représente une époque disparue, riche en événements politiques et culturels avec les personnes qui l’ont dominée. Bref, Zonar’ s situé au coeur de la ville, fait partie de l’ âme de la ville.
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