Nikos Koundouros, Source ert.gr

Le grand cinéaste grec Nikos Koundouros (1926-2017), l’un des représentants du courant néoréaliste des années 1950, a commencé à faire son chemin dans les arts visuels en faisant des études de peinture et de sculpture à l’École des beaux-arts d’Athènes, à l’âge de 16 ans. Pionnier et intransigeant, Koundouros a défini le cinéma grec et acquis une renommée internationale en tant que réalisateur, mais en même temps, cette personnalité aux multiples facettes s’est également impliquée dans les arts visuels, toujours sous l’impulsion de son irrépressible instinct créatif. Pourtant, son œuvre cinématographique est marquée par le regard unique d’un peintre. Il ne faut pas oublier que Koundouros a servi ce que l’on appelle le « cinéma d’auteur », c’est-à-dire une fiction cinématographique qui se concentre principalement sur les idées personnelles du réalisateur.

Son professeur à l’École des Beaux-Arts était Michalis Tobros mais Koundouros considérait comme son maitre le grand peintre Yannis Moralis. Son œuvre est inspiré par Fotis Kontoglou qui proposait par son œuvre picturale une approche originale de l’art byzantin. Force est de constater que la peinture de Koundouros est influencée par l’art populaire, la tradition crétoise et la peinture ecclésiastique – surtout l’art post byzantin de Crète, son lieu d’origine. D’ailleurs, son rapport avec l’art ecclésiastique a commencé très tôt, quand son père collectionnait des images religieuses. Il a pourtant développé un langage personnel grâce à son talent et son imagination.

Romanos le musicien, huile sur bois

Si la sculpture, la peinture et l’architecture ont été ses premiers centres d’intérêt, Koundouros s’est finalement tourné vers le cinéma, reconnaissant dans le 7e art le nouveau moyen d’expression qui plaisait au peuple. Déporté de 1949 à 1952 sur l’île de Makronissos, lieu d’exil suivant la guerre civile, il considérait que ce camp d’internement a été pour lui ‘la plus grande des écoles’. C’est lors de ce séjour qu’il choisit le cinéma comme vecteur de son expression artistique.

Autoportrait sur sa palette

« Je voulais être un peintre solitaire. J’avais une foi de moine envers la peinture, l’ascèse; Je rêvais une solitude pleine de lumière… j’ai tout trahi ? Ça m’a brouillé l’esprit la peinture triomphale de l’image en mouvement. Et j’ai fait des films » disait-il. C’est ainsi que le peintre ascétique a fusionné avec le réalisateur exubérant et tous les deux sont devenus une seule personne, en transformant tout ce qu’il avait vécu, tout ce qui l’a défini et formé, en un monde unique, cinématographique et plastique.

Pochette de disque illustré par Nikos Koundouros | “Soleil premier” Poème Odyssèas Elytis, Musique Yannis Markopoulos, 1969

L’œuvre de Koundouros dans les arts plastiques est riche et polyvalente. Il a peint des autoportraits, des portraits, des dessins, des modèles pour ses films, des affiches, des pochettes d’album etc. représentant des femmes nues, en tenue légère ou bien habillées, des personnages masculins et féminins en costumes traditionnels et même des anges dans la chapelle de Saint-Nicolas en Crète. Il a peint des pierres avec des figures de poissons imaginaires, le révolutionnaire irlandais Michael Collins, Che Guevara, Mahatma Gandhi tenant un mouton dans ses bras, faisant allusion au « Bon Pasteur » de l’Antiquité (la fameuse statuette en marbre du « Bon Pasteur » du IVe siècle av. J.-C. avec l’agneau sur le dos) ainsi qu` à la tradition chrétienne. Mais il n’a jamais peint pour vivre ou pour exposer.

Tout au long de sa vie, Koundouros n’a jamais cessé de peindre. Artiste inquiet, politisé dès son plus jeune âge, radical, aux multiples talents, spontané, authentique, charismatique derrière la caméra et l’objectif, il a vécu au rythme du cinéma. Mais il n’a jamais quitté son chevalet, ses pinceaux et ses peintures. Dès qu’il avait terminé un film, il retournait à l’atelier et y respirait le calme de la peinture, acte solitaire et persistant.  

1. Le sommeil de la raison, huile sur bois | 2. Affiche du film de Nikos Koundouros “Vortex”, 1971

Dévoué à la peinture, Nikos Koundouros se demandait souvent s`il était en fait peintre. Dans son livre “Mémoire indiscipliné. Carnets” (ed. Agra) Koundouros écrivait “Une question me traverse l’esprit comme tant d’autres. Suis-je un peintre ou est-ce que je peins tout simplement ? La question voyage également dans mon esprit et celle-ci reste sans réponse. Je vois les vrais peintres et je laisse la question planer dans l’air sans réponse. Je ne peux ou ne veux pas y répondre ? Je me réfère au temps de la question sans réponse, comme tant d’autres. Parfois, je regarde mes peintures et quelque chose comme de l’émerveillement tourbillonne dans mon esprit. Suis-je un peintre ?”  

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