Nausicaa est un long métrage moitié documentaire et moitié fiction d’Agnès Varda (30 mai 1928- 29 mars 2019), basé sur des conversations avec des exilés grecs vivant en France pendant la dictature des colonels.
Le film, tourné en 1970, est resté inachevé (a été retiré de mains de Varda, pour des raisons politiques, au moment du montage) et n’a jamais vu le jour jusqu’en 2017. Quelle est l’histoire derrière ce film et comment une copie de ceci a été sauvée par la Cinémathèque de la Belgique ?
Nausicaa était une commande de l’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF) de 1970. Pourtant, les ministères français des Affaires étrangères et de l’Economie ont interdit la diffusion du film, à cause de la critique faite à la dictature des colonels en Grèce (notamment les témoignages des victimes de torture tels que Periklis Korovessis). Le film censuré d’Agnès Varda, est resté perdu pendant des décennies, jusqu’à ce que le workprint est retrouvé en Belgique.
Heureusement, Varda a réussi à sauver une copie de l’œuvre, qui a servi pour une seule et unique projection publique du film, en 1971 à Bruxelles, lors d’un événement contre la dictature.
C’est alors que la Cinémathèque de Belgique a fait une copie de la charge de travail et l’a gardée précieusement dans ses archives.
Depuis le film a été oublié. Varda a poursuivi sa carrière et, tout à coup, il y a quelques années, Nausicaa est réapparue. C’était une participation inconnue et inattendue dans le coffret DVD “Tout (e) Varda” regroupant tous ses films. Cette édition est sortie en 2012.
En avril 2017, le film fait finalement son avant-première mondiale en Grèce, a l’institut Goethe d’Athènes, dans un grand événement avec le soutien de The Books Journal et de l’Institut français de Grèce avec la coordination du metteur en scène Stavros Kaplanidis.
Quelques mois après, en décembre 2017 le Festival Entrevues de Belfort au sein d’une rétrospective intitulée “Histoire secrète du cinéma à la télévision française” fait ressurgir en France, parmi d’autres films rares, le film perdu d’Agnès Varda, “Nausicaa”. C’est donc 47 ans après les tournages en 1970 que le film fait son avant-première en France.
Le film
Le titre fait référence à la mythologie grecque, et pourtant Nausicaa, la jeune fille qui trouve le naufragé Ulysse nu sur une plage de la Phéacie, selon l’Odyssée. En revanche, les éléments autobiographiques sont évidents : le personnage principal s’appelle Agnès, étudie à l’Ecole du Louvre et a un père grec.
Ecrit en 1967, Nausicaa tourne autour d’une date : le 21 avril de cette année-là, c’est-à-dire le début de la dictature en Grèce (1967-1974). Quand le tournage commence, beaucoup d’intellectuels grecs ont déjà dû fuir le pays et Varda les fait parler devant sa caméra. Elle leur donne la parole et interroge aussi des gens dans la rue, leur demande « Ça vous gêne, ce qui se passe en Grèce ? — C’est de la politique », répondent beaucoup.
Synopsis : une histoire d’amour entre une étudiante française et un intellectuel grec. Rencontre, conversation, première nuit d’amour pour elle, nuit unique pour les deux. Tout au long du récit, des parenthèses sous forme de témoignages, d’interviews, de confidences d’intellectuels et d’artistes résidant à Paris ou de réfugiés politiques récents authentifient la fiction et lui fournissent son contexte historique (in Varda par Agnès).
A noter que dans le film figurent, côté grec: Stavros Tornes, Periklis Korovesis, Vassilis Vassilikos, Andreas Staïkos, Yorgos Votsis, Gisèle Prassinos, Vlassis Caniaris, Iannis Angelopoulos etc. Côté français, Catherine de Seynes, France Dougnac, Myriam Boyer et le jeune Gérard Depardieu incarnent les rôles principaux. La musique est composée par Mikis Theodorakis.
M.V.