Né dans le quartier de Tatavla à Constantinople (actuellement Kurtuluş) en 1901, Thrassos Kastanakis, après des études au Lycée National Francohellénique de Constantinople, se rend à Paris pour s’inscrire à la Sorbonne et fait des études auprès de Yannis Psycharis, puis devient enseignant à l’Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO) au sein du département de grec moderne et byzantin que dirige Psycharis.
Pendant ses années d’enfance à Tatavla, il rencontre Lyssandros Prassinos, professeur de français et un des éditeurs du magazine politique ”Logos”. Cette amitié fait naître chez Kastanakis un amour pour la littérature française, qui l’a poussé vers sa première tentative d’écrire, une nouvelle intitulée “Âme craintive” (1918). En même temps, il publie une étude sur Arthur Rimbaud, à l’époque peu connu en Grèce.
Parmi les romans ou nouvelles qu’il a rédigés lors de son séjour parisien dans les années 1920, on peut citer :Οι Πρίγκηπες (Les Princes, 1924), Στο χορό της Ευρώπης (Au bal de l’Europe, 1929), Το Παρίσι της νύχτας και του έρωτα (Le Paris de la nuit et de l’amour, 1929). A travers ses livres, on a l’image d’une ville cosmopolite à géométrie et expression variées. Paris se profile aussi comme la capitale de l’excentricité, un lieu où la rêverie de l’individu s’enrichit.
Kastanakis peut être considéré comme un littéraire de la Diaspora, qui, pourtant, maintient dans l’ensemble de son parcours tout un air de grécité, comme il est souvent le cas chez ses contemporains. Dans son œuvre, comme dans celle de représentants de la Génération des années ’30, la Grécité occupe une place prépondérante, non pas comme un espace mais comme une idéologie. De plus, on y trouve des influences d’une culture européenne mais aussi de son positionnement politique vers la Gauche.
L’œuvre la plus connue de Kastanakis est, sans doute, ”Manouil le hadji” (1956). Kastanakis nous entraîne à un rythme endiablé dans une Constantinople ballottée entre rêve et cauchemar, terrain de déploiement des plus insoupçonnables excès. Le roman a été adapté en série pour la chaîne de radiotélévision publique ERT dans les années ’80 mais beaucoup plus tôt, en 1964, il a été adapté pour le cinéma français (Les chiens dans la nuit de Willy Rozier ).
A propos de Kastanakis, l’écrivain Stratis Tsirkas avait noté que ”cet homme charismatique a conduit le roman loin de l’immobilité d’une écriture éthographique, et en même temps, il a essayé d’éliminer la confusion entre romans et nouvelles”. Dans son œuvre, Kastanakis a voulu ‘’capturer’’ la complexité de l’Homme et de la vie d’une façon similaire à celle des impressionnistes. Il esquisse ses personnages d’une manière particulière et réussit à passer dans l’écrit le flux de leur conscience.
Par ailleurs comme Hervé Georgelin constate dans sa préface pour ”Manouil le hadji”, Kastanakis constitue ”un fin connaisseur observateur et analyste des désirs humains les plus sauvages, alors que son roman est plein d’érotisme, d’appétits de pouvoir et de lucre”. L’ anatomie de l’ âme humaine connaît donc un éclairage insolite et en même temps si profond.
Thrassos Kastanakis meurt à Paris en 1967.
m.o.
A relire sur GrèceHebdo: Interview | Thrassos Kastanakis, le méconnu, raconté par Hervé Georgelin
A regarder sur les archives de ERT le documentaire sur la vie et l’œuvre de Thrassos Kastanakis (en grec) https://archive.ert.gr/8635/
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