A partir de 1974 de nouveaux collaborateurs (Michel Dimopoulos, Christos Vakalopoulos, Nikos Savatis) assurent la direction de cette revue toute en s’appropriant d’autres choix esthétiques qui contestent le style sophistiqué du maitre Angelopoulos en faveur d’un cinéma plus matériel. Ce cinéma est représenté par des metteurs en scène tels que Damianos, Tornès, Tsiolis etc. “Synchronos Kinimatografos” continue à paraitre jusque au début des années 1980, lorsque des productions vidéo de mauvaise qualité prennent le pas sur les films des auteurs.
Les revues cinématographiques comme miroir d’une époque
L’essor du cinéma commercial dans les années 1950 et l’apparition du cinéma d’auteur à la même époque ne s’accompagnent pas des revues consacrées exclusivement au septième art. La première revue traitant des sujets sur le cinéma a été la “Revue des Arts” parue en 1954, qui consacre au delà de la critique des romans et des poèmes des articles sur le cinéma. Y participent surtout des personnalités des lettres telles que Titos Patrikios, Dimitris Raftopoulos, Tassos Livaditis etc. qui s’efforçant d’articuler un discours, tendance gauche non-dogmatique sur les questions de l’Art.
Il faut attendre 1969 pour que la première revue purement cinématographique voit le jour. Il s’agit de “Synchronos Kinimatografos” (“Cinéma Moderne”), fondée par le critique de cinéma Vassilis Raphailidis. Cette revue suit les pas du Nouveau Cinéma Grec voulant se situer à l’écart du cinéma commercial et proche de nouveaux courants du septième art. Influencé par la Nouvelle Vague française, le Nouveau Cinéma Grec représente une tendance cinématographique plus politisée et expérimentale, alors que la Grèce est sous le joug des colonels. Y participent entre autres Theo Angelopoulos, Frieda Liappa, Tonia Marketaki, Fotos Lambrinos et d’autres créateurs du cinéma.
Toutefois, force est de constater que “Synchronos Kinimatografos” comme les autres revues de cinéma font l’écho d’une époque où le discours théorique sur le cinéma souvent s’avère plus important que le cinéma lui-même, en suscitant de discussions virulentes politiquement et esthétiquement colorées. Au cours des années 1970 et 1980 un grand nombre de revues sur le cinéma paraît en Grèce, alors que de 1969 à 2000 presque 1000 livres sont publiés sur le cinéma, reflétant le climat de l’époque.
Parmi toutes ces revues, on peut mentionner “Film” du cinéaste Thanassis Rentzis, sortie en 1974 avec des articles sur la théorie du cinéma, critiquée souvent pour son caractère trop avant-gardiste. En 1978, une revue tournée vers la gauche, intitulée “Le cinéma progressiste” fait son apparition, dirigée par Nikos Vergitsis et Babis Aktsoglou. Ce dernier, assure seul la direction des “Cahiers cinématographiques” influencés aussi par la revue homonyme française. Plus accessible au grand public et moins avant-gardiste les “Cahiers cinématographiques” avec la revue “Écran”, parue dès 1979 en Thessalonique, sont devenus de vrais points de repère pour les faits cinématographiques en Grèce.
Une autre revue sortie à Thessalonique a été “Tsonta” (traduction du mot français “supplément”), circulée du Club de Cinéma de Thessalonique de 1976 à 1985. Les fondateurs de la revue ambitionnent de compléter le programme des projections avec des textes théoriques. Les projections des films du Club attirent un grand nombre de spectateurs, surtout des étudiants, un public exigeant qui participe souvent sur place à des discussions avec des réalisateurs après la fin des projections.
Notre historique des revues cinématographiques en Grèce ne pourrait pas omettre la revue “Cine fantastiko”, une revue “cult” consacrée au cinéma fantastique, publiée en 1983 par le réalisateur du genre Vagelis Kotronis. Ces revues, fruits d’une autre époque où l’osmose entre créateurs, auteurs et public caractérisait la production cinématographique, n’ont par survécues de nos jours où la révolution digitale a conduit à d’autres formes d’expressions. Pourtant pour celui qui voudrait comprendre comment a évolué le cinéma contemporain en Grèce, un feuilletage de ces revues saurait être une expérience riche et enrichissante.