Les ponts ont toujours été des constructions qui relient non seulement les personnes, mais aussi les idées, les histoires et les cultures facilitant les communications. Ils deviennent des symboles de connexion et d’évolution qui résistent à l’épreuve du temps, créant des liens entre les personnes et les lieux. La nécessité de traverser la rivière a conduit à l’invention des ponts, l’un des premiers exemples de l’ingéniosité humaine.

La première période commence à la préhistoire et se termine à l’époque romaine. À l’origine, un pont était le prolongement naturel d’un chemin, inspiré par la nature elle-même. Sans les connaissances techniques nécessaires, les premiers ponts étaient construits à partir de matériaux fournis par l’environnement naturel, tels que le bois et la pierre, avec peu d’intervention humaine et en tissant des cordes. Les premiers ponts étaient simplement des poutres soutenues, comme des pierres plates ou des troncs d’arbres.

On pense que l’homme du Néolithique était déjà capable d’imiter les arcs naturels. Il travaillait de grosses pierres et les disposait en forme de courbes, créant ainsi des structures qui suivaient le principe de l’arc.

Le pont d’Arkadikos, également connu sous le nom de pont de Kazarma, est un pont mycénien situé près du village d’Arkadikos en Argolide, sur l’ancienne route de Nauplie à Epidaure. Il est considéré comme le plus ancien pont d’Europe encore en service et le plus ancien pont à travée unique. Il a été construit selon la technique cyclopéenne, c’est-à-dire avec d’énormes pierres brutes, sans aucun liant.

Le pont mycénien de Kazarma dans le village d’Arkadiko – Source :
Jeanatos
CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons

La deuxième période commence à l’époque romaine et se termine au début du 19e siècle. Ce sont les Romains qui ont commencé à construire systématiquement des ponts pour soutenir leurs opérations militaires et pour faciliter la liaison entre Rome et les provinces de l’Empire. Les Romains, outre l’utilisation de dalles travaillées, utilisaient également l’arc en plein cintre pour la construction de ponts et surtout d’aqueducs. La découverte et le développement du béton ont permis la création de ponts plus durables et plus complexes.

Dans la Grèce préindustrielle, le principal matériau de construction était la pierre et l’un des problèmes les plus importants auxquels étaient confrontés les habitants du continent et, dans une moindre mesure, ceux des îles, était le passage en toute sécurité des voyageurs et de leurs moyens de transport sur les rivières, les ruisseaux et les torrents. Jusqu’au XXe siècle, le seul projet technique réalisable mais fonctionnel que l’artisan sans instruction de l’époque pouvait construire pour résoudre le problème de transport qui le concernait lui-même, mais aussi tous ses concitoyens sans exception, était un pont en pierre.

Le pont de Preveli, en Crète – BAUD-BOVY, Daniel, BOISSONNAS, Frédéric. “Des Cyclades en Crète au gré du vent”, 1919
Source : Bibliothèque de la fondation Aikaterini Laskaridis

De nombreux ponts construits en Grèce, principalement aux XVIIIe et XIXe siècles, sont d’importantes œuvres d’architecture populaire et des monuments de la tradition, tout en se distinguant par leur simplicité et leur fonctionnalité. Aujourd’hui, au moins 1 500 ponts en arc et en pierre sont préservés dans toute la Grèce. Situés dans des paysages pittoresques et en parfaite harmonie avec l’environnement naturel, ils offrent des images d’une esthétique exceptionnelle, tout en étant une source d’inspiration pour les légendes, les croyances, les créations poétiques, etc.

Traditionnellement, les villageois d’une communauté faisaient appel aux maîtres artisans avec leurs « boulοukia », des groupes d’artisans qui concevaient et construisaient le pont. Les principaux matériaux utilisés étaient l’ardoise, le calcaire et le grès, tandis que le matériau placé entre les pierres était constitué d’un mélange de tuile broyée, de chaux éteinte, de pierre ponce, de terre, d’eau et d’herbe séchée. Pour améliorer l’efficacité de ce mélange, on y ajoutait de la laine animale et du blanc d’œuf.

L’un des ponts les plus célèbres et les plus impressionnants d’Épire est celui de Kokkoris ou Noutsos, construit en 1750, d’une longueur d’environ 24 mètres et d’une hauteur de 13 mètres. Source : ChrLoukop via Wikimedia Commons

Les ponts en pierre les plus célèbres de Grèce se trouvent en Épire. Les ponts en pierre sont des bâtiments caractéristiques et remarquables de l’architecture populaire locale de l’Épire. Les plus anciens et les plus intéressants ponts se trouvent dans la région de Zagori.

Les ponts ont été construits pour des raisons purement liées à la circulation. Toute la région de l’Épire est traversée par des rivières qui, en hiver, deviennent très sauvages et déchaînées. Les ponts relient les villages entre eux et les quartiers de chaque village aux lieux de travail – les champs, les vignobles, les pâturages. Lorsque les Épirotes ont commencé à voyager et à transporter des marchandises par caravanes vers différents pays d’Europe, les ponts sont devenus indispensables pour traverser les rivières. Au début, les structures étaient simples, en bois. Progressivement, et surtout à partir du milieu du XVIIIe siècle, elles ont commencé à être construites en pierre. La construction d’un tel pont coûtait beaucoup d’argent. Il était financé soit par les communautés voisines qui seraient servies par le projet, soit par des particuliers, des métropolitains, de riches immigrés, des pachas, des marchands. D’ailleurs, nombre de ces ponts portent le nom de la personne qui les a financés.

Pour ce qui est de la construction, les ponts étaient d’abord montés sur un bâti de bois, en partant des deux bords, jusqu’à mettre en place la clé de voûte, la pierre qui est placée au sommet de l’arc. Ensuite, le remplissage du pont est fait sur l’arc avec des pierres sèches (sans mortier). Le pont est construit de manière à pouvoir résister à la pression de l’eau. La fondation est un élément important de la construction. Des pierres de petite taille sont utilisées, à l’exception de celles utilisées aux points d’appui sur les rochers, qui sont plus grandes. Les échafaudages sont construits de manière à réduire la déformation des voûtes et le temps de construction, ainsi qu’à minimiser le volume de bois nécessaire.

Sources de la rivière Voidomatis – Pont d’Aristi, en Épire, Photo : Eleni Kalogeropoulou via Wikimedia Commons

Les ponts se distinguent par leur forme. Ils diffèrent par la taille et le nombre d’arches. Les arches peuvent être une, deux, trois ou plus, semi-circulaires ou aiguës et caractérisent chaque pont. Elles résultent de la largeur de la rivière (lorsque la largeur est faible, une seule arche suffit à franchir la distance), mais aussi de la créativité de l’artisan.

La construction d’un pont était une tâche difficile et souvent de nombreux ponts étaient effondrés (par la force de l’eau, par des erreurs de construction) et devaient être reconstruits dès le début. Cela créait chez les maçons de la peur et de l’anxiété face à l’inattendu et à l’inconnu attribuant les catastrophes à des forces surnaturelles. Les événements inattendus qui se produisaient lors de la fondation, en particulier des grands ponts, la croyance en la présence d’éléments maléfiques et de « dragons hostiles » cherchant à obtenir satisfaction lors de la construction, ont rendu les maçons et le reste du monde superstitieux. A noter que le sacrifice d’un animal sur les fondations de l’édifice, souvent d’un coq, est une coutume habituelle surtout dans les Balkans afin d’apporter de la prospérité et de la longévité.

Le pont d’Arta et la légende du sacrifice de l’épouse du Premier Maître

Photo : ΜαριάνναΣταυρούλα via Wikimedia Commons

L’histoire du pont commence avant l’époque romaine, probablement à l’époque du roi d’Épire, Pyrrhus (IIIe siècle av. J.-C.). Ce point de vue est renforcé par la construction de ses fondations avec de grosses pierres, selon le système isodomique (siginifiant un système qui utilise de pierres de taille uniforme). La plus ancienne référence écrite proviendrait de Pline (1er siècle après J.-C.). Le pont d’Arta en Épire est peut-être le plus connu de tous, en raison de la légende du sacrifice de l’épouse du Premier Maître qui lui est liée. Lors de la construction du pont pendant l’occupation ottomane en 1606 celui-ci s’écroulait immanquablement pendant la nuit qui suivait le jour de son achèvement, sans cesse. Le pont qui mesurait 145 mètres de long était construit dans des conditions difficiles (sol mou et plat au milieu de la plaine). En effet, les difficultés de sa fondation étaient telles que, selon la légende populaire, la femme du Maître d’œuvre a dû être sacrifiée sur les fondations du pont pour qu’il puisse être construit.

Le pont d’Artotiva en Évrytanie

Source : Dimos Thermou

Le pont d’Artotiva (« Kamara » ou « Venetiko »), point de référence pour les habitants, est inextricablement lié à l’histoire, à l’économie et à la vie sociale de la région de Thermos, du nord de la Nafpaktia et du sud-est de l’Evritania. Construit ou reconstruit, selon la tradition locale, pendant la première occupation vénitienne (1407-1499), il est l’un des plus anciens ponts encore debout en Aitoloakarnanie et l’un des plus anciens de Grèce. Il a été récemment réparé et a été classé monument historique.

Le pont de Pyli en Thessalie

Source : odysseus.culture.gr – Ministère de la Culture

Le pont est situé au 22ème km de la route nationale Trikala – Arta, dans la communauté de Pyli. Il surmonte la rivière Portaikos et, jusqu’en 1936, il était la seule liaison routière entre la plaine de Thessalie et les villages de Pindos. Aujourd’hui, c’est le deuxième plus grand pont de la région de Thessalie parmi ceux qui ont été construits avant le XXe siècle. Le pont date de 1514 et sa construction est associée au nom de Saint Vissarion, fondateur du monastère voisin du même nom et métropolite de Larissa. Il s’agit d’un pont à travée unique avec une arche semi-circulaire de 28 m de portée. La travée est en grès ébréché, tandis que le reste du pont est en maçonnerie d’argile élaborée. Dans le passé, plusieurs interventions ont été effectuées pour renforcer le pont et les parapets ont été reconstruits.

Le pont de Paleokarya en Thessalie

Source : Dimos Pylis

Le pont de Paleokarya, construit au XVIe siècle, est un magnifique pont à arche unique avec deux impressionnantes chutes d’eau, créant un paysage naturel unique. Pertouli, connue pour ses paysages couverts de sapins, propose des activités telles que la randonnée, l’équitation et le ski dans sa petite mais pittoresque station de ski. La région combine beauté naturelle et architecture traditionnelle, ce qui en fait une destination idéale en toute saison.

Le pont de Plaka en Épire

1. Le pont historique de Plaka avant 2015 – Photo : Salamouras Spyros via Wikimedia Commons | 2. Le nouveau pont de Plaka après sa restauration en 2020 – Photo : Lutravidra via Wikimedia Commons

Le pont historique de Plaka a été construit en 1866 par le maître d’œuvre Konstantinos Bekas et est considéré comme le plus grand pont à arche unique des Balkans. Il est situé à 50 km de Ioannina et relie Tzoumerka à Katsanochoria sur la rivière Arachthos. Le pont de Plaka a servi de frontière entre la Grèce et la Turquie de 1880 à 1912. En février 2015, l’arche du pont s’est effondrée en raison de fortes pluies. Aujourd’hui, l’impressionnant pont est de nouveau en place, après sa restauration achevée en 2020. Il convient de noter qu’il a été reconstruit en utilisant la même technique ancienne des tailleurs de pierre et qu’il a reçu la distinction Europa Nostra 2021 de la part de l’Union européenne.

Le pont de Plakidas ou Kalogeriko en Épire

Photo : Ziegler175 via Wikimedia Commons

L’un des ponts les plus célèbres et uniques de Zagori, le pont de Plakidas ou Kalogeriko était à l’origine en bois, mais il a été converti en pierre en 1814 grâce au financement d’un moine du monastère de Vitsas, d’où son deuxième nom (kalogeros signifie moine en grec). Ce qui impressionne ceux qui le voient de près, c’est que ses trois arches en demi-cercle, alignées harmonieusement, créent un mouvement de lumière, donnant l’impression d’une chenille en mouvement.

Le pont de Preveli en Crète

Source : ert.gr

Le pont de Preveli, un paradis terrestre au sud de la préfecture de Rethymnon. Le pont en arc a été construit au XVIIIe siècle par les moines du monastère de Preveli pour traverser la Grande Rivière (Mégalos Potamos) qui se jette dans la mer de Libye, entourée d’une forêt de palmiers naturelle.

Le pont en pierre en arc d’Atsicholo, Péloponnèse

Sur la route de Karytaina se trouve le vieux pont en pierre d’Atsicholos, en Arcadie. La tradition veut qu’il ait été construit par les grands maçons du village Lagadia, probablement au début du XIXe siècle, et qu’il soit l’un des plus beaux ponts en pierre couronnant la rivière Loussios.

*Photo d’ introduction : Le grand pont à arche unique de Konitsa, en Épire, juste à l’entrée de la gorge d’Aoos, construit en 1870-71 par une équipe de 50 maçons. Le pont en pierre actuel a une portée de 36 mètres et une hauteur de 20 mètres. Sous son arche, on peut voir la petite cloche qui avertissait les passants de ne pas traverser le pont lorsqu’un vent fort soufflait de l’intérieur de la gorge.

-Grassos Georrgios “Les ponts en arc et en pierre de la Grèce”, Centre d’éducation environnementale de Makrinitsa, 2007 (en grec)
-Spanopoulou Katerina, “Ponts et Rivières : Traditions – Histoires et une Proposition pour des activités pédagogiques”, Centre
d’éducation environnementale de Makrinitsa (en grec)
-SearchCulture.gr – Agrégateur national grec de contenu culturel numérique – “Ponts : Reliant les lieux et les peuples”
-Athens News Agency – Macedonian News Agency amna.gr – Walking Greece (en grec)

ΙΕ

TAGS: architecture | Grèce | traditions