Robert Manthoulis est né en Grèce en 1929, mais il vit à Paris depuis 1967. Figure emblématique du cinéma grec, il est cependant bien connu au public francophone notamment en tant que réalisateur pour la télévision. En fait, il a mis en scène de nombreux téléfilms et documentaires pour la télévision française, souvent en coproduction avec la télévision suisse, allemande et grecque. Principalement consacré à des documentaires, il a pourtant réalisé six films de long métrage pour le cinéma (voir sa filmographie complète), transmis ou distribués dans la plupart des pays européens, au Canada, en Australie et aux États-Unis.
Il tourne son premier film de long métrage en 1960, la comédie ‘Madame la Maire’ (I Kyria Dimarchos – vidéo). Dans une île pittoresque de la mer Egée, le conflit incessant entre deux taverniers voisins, Anargyros et Aspasia, atteint son climax lors des élections municipales. Les deux y sont candidats et commencent à promettre monts et merveilles. L’antagonisme entre nos deux héros les conduits à des actions exorbitantes. Ce qui complique les choses est l’amour entre leurs enfants, qui offre finalement la solution à cette tragicomédie, à travers -quoi d’autre?- un mariage. La persistance d’Aspasia, énergétique et déterminée à tout faire pour gagner, fait le drôle de l’histoire, en mettant l’accent sur le thème du ‘combat éternel des sexes’. Le film fait aussi un commentaire charmant sur les mœurs de la vie provinciale des années ’50-’60, marquées par les débuts du féminisme en Grèce.
En 1962, il tourne son film majeur, ‘Haut les mains, Hitler‘, œuvre caractéristique d’un humanisme populaire. Deux amis se retrouvent après des années et se rappellent les instants comico-tragiques passés ensemble pendant l’occupation, instants qui ont resserrés leur amitié sous des conditions angoissantes. Le film passe souvent à la télé grecque et suscite toujours la même profonde émotion.
Par la suite, Manthoulis change de style cinématographique et tourne le film ‘Face à Face’ (Prosopo me Prosopo, 1966), une satire implacable du nouveau-richissime urbain des années ’60, considéré parmi les films modernistes du cinéma grec. C’est l’histoire d’amour sans avenir d’un jeune professeur d’anglais pour son élève, riche, gâtée et destinée à un mariage de raison avec un homme d’affaires. Déprimé par l’hypocrisie de l’entourage, le jeune homme devient désespéré et violent.
Suite à la dictature militaire établie en Grèce en 1967, Manthoulis quitte le pays pour la France. Sa carrière vire décisivement vers la télévision. Il met en scène une série de documentaires, comme ‘En remontant le Mississippi’ et ‘Le blues entre les dents’, tous les deux sur la musique des blues fleurie dans le Sud américain. Il a aussi tourné pour la télé l’adaptation de la trilogie ‘Cités à la dérive’ (Akyvernites Politieies, 1985) de l’auteur grec renommé Stratis Tsirkas. Jusqu’ à ce jour, le téléfilm a été diffusé 50 fois sur TF1.
Son dernier film, ‘L’Histoire de Lilly’ (Lilly’s Story, 2002 – vidéo), se base sur sa propre vie en tant qu’expatrié, ainsi qu’aux expériences de son entourage des années ’70, à savoir la communauté des intellectuels grecs résidant à Paris, ayant quitté la Grèce pour s’enfuir du régime militaire. Le récit se concentre sur la préparation d’un film sur la vie d’une résistante grecque pendant qu’un groupe d’intellectuels contribue au scénario et à la production. Cette idée principale du ‘film dans le film’ a été aussi dictée par des événements réels. Début des années ’70, Melina Mercouri (déjà une star suite au film ‘Jamais le dimanche’) se trouve à Paris. Là, elle a eu l’idée pour Manthoulis de tourner un film se référant à la condition politique en Grèce. Manthoulis n’a pu jamais matérialisé le film avec Merkouri dans le rôle principal, mais 20 ans plus tard, il a pu tourner l’histoire de cette idée et de l’époque qui l’a faite naître.
Comme Manthoulis lui-même le pose, ‘il s’agit d’une époque et d’une situation personnelle, un film basé sur mon vécu et celui de mes amis. Ce n’est pas un document d’époque à 100%, puisque c’est avant tout une fiction, mais une fiction inspirée de la réalité […] C’est ça l’art, c’est ça son rôle. L’artiste prend les éléments, il les recompose et donne à voir un nouveau monde, le sien, qu’il propose de mettre à la place de celui qui est là.’