Mario Prassinos (1916 – 1985) est un artiste-peintre, dessinateur et graveur d’origine grecque dont l’œuvre de style non-figuratif est très diverse. Né à Constantinople (Istanbul, Turquie) en 1916 dans une famille grecque, il a été obligé de quitter le pays avec ses proches afin de fuir les persécutions que les Grecs de Turquie ont subi en 1922 suite à la fin de l’Empire ottoman. Prassinos s’est donc installé à Paris à l’âge de 6 ans avec son père Lysandre Prassinos, avocat, écrivain, professeur, et sa sœur Gisèle Prassinos, devenue ensuite une grande poétesse surréaliste.
Prassinos a poursuivi ses études au lycée Condorcet et à l’École des Langues orientales et à l’âge de 16 ans il fréquente aussi les couloirs du théâtre Charles Dullin où il passe du temps avec les étudiants de son père, également originaires de Constantinople, ce qui lui donne le goût du théâtre.
Gisèle Prassinos lisant ses poèmes au groupe surréaliste. De gauche à droite : Mario Prassinos, André Breton, Henri Parisot, Paul Eluard, Benjamin Peret, René Char, Gisèle Prassinos. 1935 –Source: Centre Pompidou
En 1934, sa sœur Gisèle Prassinos, née en 1920, écrit ses premiers textes publiés dans la revue “Minotaure”. Dans ce milieu artistique Prassinos rencontre alors les poètes surréalistes, André Breton, Paul Éluard, René Char et Benjamin Péret, puis les peintres Max Ernst, Salvador Dalí, Hans Arp et Marcel Duchamp, alors qu’il commence à fréquenter Miro, Victor Brauner, Giacometti, et peu après Balthus.
Les premières œuvres de Mario Prassinos
Les premières œuvres de Prassinos sont des illustrations pour les poèmes de sa sœur, chez Guy Lévis Mano (1934). Il se cherche, à la frontière du spontanéisme lyrique et de l’analyse figurative, et en 1937 il expose à L’Art cruel avec Picasso, Masson et Dali. Ses peintures à cette époque-là comme La Bataille de Fontenoy (1937) ou Guerrier grenouille (1938) mélangent des influences expressionnistes, cubistes et surréalisantes. Ce n’est d’ailleurs que le lendemain de la Seconde Guerre mondiale que Prassinos se concentre sur son style personnel.
Arbres, 1983 (Huile sur papier) Mario Prassinos – Source @nikias.gr
En 1942 il se lie avec Raymond Queneau et entame une riche collaboration avec la Nouvelle Revue Française des éditions Gallimard, période qui dure jusqu’en 1950 et pendant laquelle il dessine des maquettes de reliures pour des exemplaires de tête, comme Paul Bonet ou Jean Cocteau (Les « cartonnages de la Nrf »). Il réalise encore des gravures pour illustrer des textes de Queneau, Sartre, Apollinaire, Rimbaud et Poe alors qu’il rencontre Albert Camus et Jean-Paul Sartre (dont il illustre Le Mur).
The Raven (Le Corbeau), Edgar Allan Poe, 1952, Éditions Pierre Vorms, Centre d’Archives, Mario Prassinos
Mario Prassinos crée en 1947 ses premiers costumes pour une pièce de Paul Claudel montée par Jean Vilar (premier Festival d’Avignon). Il se lie avec le peintre Alberto Magnelli et rencontre Myriam Prévot, future directrice avec Gildo Caputo de la Galerie de France où il expose par la suite régulièrement. Il réalise à partir de 1951 ses premières tapisseries, exposées en 1956 à la Galerie La demeure, ainsi que des décors et costumes pour Macbeth mis en scène par Vilar à Avignon et, à Paris, au Théâtre National Populaire. Sa découverte de la Provence l’amène, en 1951, à faire l’acquisition d’une maison à Eygalières (Bouches-du-Rhône), comme résidence d’été. Pendant cette période, la nature méditerranéenne, notamment ses arbres, gagne une place nouvelle dans son œuvre.
La croisière en Grèce avec Camus et Gallimard
Après une croisière dans les îles de la mer Égée en 1958 avec Albert Camus et Michel Gallimard, il loue pour quelques mois une maison dans l’île de Spetses. Ce séjour sera déterminant pour son travail conduisant au renouvellement de sa peinture. Cette année-ci Prassinos réalise la série des Cyprès dont l’aboutissement sera la peinture « Meltem » en 1959.
Cyprès de Spetsai, 1958 (Huile sur papier d’Arches) – FNAC 35270 Donation Mario Prassinos / Centre national des arts plastiques / Dépôt au musée Estrine, Saint-Rémy-de-Provence © Sucession Mario Prassinos / Adagp, Paris 2021
La nouvelle période est marquée par l’austérité, qui se manifeste par la volonté de revenir au noir et blanc et par le souci de l’austérité classique. Le pointillisme noir et blanc est concrétisé et perfectionné. Ensuite il a réalisé plusieurs séries à l’encre et à l’huile : Alpilles (1951-1976), Arbres (1959,1980-1984), Paysages (1959), Bouquets (1962-1963) et Paysages turcs (1970-1980).
Il y a en fait une histoire intime derrière cette fameuse série des “Paysages turcs” qui s’appuie sur les souvenirs d’enfance du peintre. Citant les propres paroles de Mario Prassinos “ dans ces paysages, il y a toujours un arbre ou quelque chose qui ressemble à un arbre ou qui peut être pris pour un arbre. C’est un souvenir d’enfance. La campagne autour de Constantinople est relativement plate et parsemée de groupes d’arbres isolés. J’ai voulu revisiter l’image d’un horizon coupé par un arbre, un arbre qui se dresse à contre-jour”.
Paysages turcs, 1971 (Huile sur toile) – Source: nikias.gr
A partir de 1962, il poursuit un travail sur le portrait commencé dans les années 1940. Cette fois-ci, il s’agit de la tentative du portrait de la chanteuse Bessie Smith (1962-1964). Puis, il entreprend le portrait de sa famille. Il choisit pour commencer son grand-père Lecomte Prétextat mosaïste et peintre qui a vécu dans les années 1890 à Constantinople.
A gauche Propro (1973), à droite Prétextat (1966), Mario Prassinos – Source: Wikiart
De 1972 à 1974, le thème des Prétextats produit des avatars : les Proprotextats, où se mélangent l’image du grand-père et celle de Propro, le chien du peintre, et les Pèretextats, mélange de portrait de son père, d’un masque Baoulé et de l’image du Suaire de Turin. La série des Suaires se concrétise en 1974 et 1975. Ces dessins de grand format à l’encre de Chine abordent le portrait de son père Lysandre.
Les écrits de Mario Prassinos
C’est au cours d’une longue maladie, en 1970, qu’il écrit Les Prétextats, réflexion sur la série des Prétextats, où l’influence de son ami Queneau est présente dans ses variations verbales sur les Proprotextats et les Pèretextats. Notons que Prassinos, qui avait fait des études à la faculté des lettres de Paris, et non à l’École nationale des beaux-arts, était écrivain en même temps que peintre, comme le prouvent L’Enfant grec dans un paysage turc et La Colline tatouée (Grasset, 1983). Prassinos a commencé la rédaction de ce dernier livre sous forme d’autobiographie lors d’un long séjour à Mycènes en Grèce en 1976.
Détail de la tapisserie Turquerie, Mario Prassinos, tissage atelier Goubely, 1967, collection du Centre national des arts plastiques en dépôt au Musée Estrine.
Il meurt le 23 octobre 1985.dans sa maison d’Eygalières, après avoir travaillé jusqu’à la fin à une nouvelles série, Peintures du Supplice, pour décorer la chapelle Notre-Dame de Pitié, à Saint-Rémy-de-Provence. C’est là que sont exposées les œuvres qu’il a réalisées à partir de 1958 pour les offrir pqr lq suite à l’État.
A noter que Mario Prassinos avait reçu en 1949 la naturalisation française ainsi que la Croix de guerre comme il a été blessé en tant qu’engagé volontaire pendant la seconde guerre mondiale. En 1961, il est fait Chevalier des Arts et des Lettres, puis Chevalier de la Légion d’honneur en 1966
Synthèse (Technique mixte sur papier), Mario Prassinos – Source: nikias.gr
Ses œuvres font partie des collections de la Galerie nationale – Musée Alexandros Soutsos et de la Fondation culturelle de la banque nationale de Grèce à Athènes (MIET), du Centre Pompidou, du Musée d’art moderne de la Ville de Paris et du Fond national d’art contemporain à Paris, du Musée Picasso à Antibes, du Victoria & Albert Museum à Londres, du MoMA et du Solomon R. Guggenheim Museum à New York, et de bien d’autres encore.
Le Musée Mario Prassinos à Athènes
Dès 2021 un appartement au cœur de la vieille ville d’Athènes, au 18 de la rue Miniac à Philopappou, a été transformé en Musée consacré au grand artiste Mario Prassinos. L’avocat et collectionneur Stelios Garipis a décidé d’exposer les œuvres qu’il possédait afin de faire connaitre ce grand artiste au public. Selon Garipis il ne s’agit pas d’un un lieu de vente d’œuvres d’art mais plutôt d’un lieu où les personnes intéressées par l’œuvre du grand artiste peuvent poser des questions, discuter et exprimer leurs pensées. Son but n’est pas seulement d’acquérir, de préserver et d’exposer des œuvres d’art, mais de donner aux visiteurs l’occasion d’étudier des centaines de catalogues, de livres et de magazines épuisés, de consulter des manuscrits rares, de toucher des objets et des œuvres d’art qui existaient dans ses maisons à Paris et aux Eygalières dans le sud de la France, en fait de “ressusciter” le monde et l’esthétique de Prassinos.
Le Musée Mario Prassinos au 18 de la rue Miniac à Philopappou – Source: Page FB du Musée
Le Musée Mario Prassinos n’est donc pas une surface d’exposition d’œuvres, avec des gardiens, des réserves pour les collections, des alarmes avec des rideaux lumineux qui se déclenchent dès que l’on s’approche des œuvres. Il aspire à être un musée démocratique au rôle social, comme ceux qui ont commencé à apparaître en Amérique et en Europe à l’époque de Mario Prassinos, à partir de l’entre-deux-guerres et surtout après 1968, dans le but de s’ouvrir à de nouveaux publics, à l’éducation, à la communication et à l’interaction, un musée vivant, créatif, attentif aux questions contemporaines. C’est pour cela que le Musée est aussi ouvert aux autres collectionneurs qui souhaitaient exposer des œuvres de Mario Prassinos.
Infos pratiques
Musée Mario Prassinos
18, rue Miniac (Philopappou), Athènes
Horaires
Mercredi – jeudi – vendredi – samedi :
12:00 – 18:00
https://www.facebook.com/MuseumMarioPrassinos
Sources:
https://www.universalis.fr/encyclopedie/mario-prassinos/
http://www.marioprassinos.com/
https://www.peramuseum.org/blog/istanbul-paris-istanbul-mario-prassinos-/1547
https://www.hellenicdiaspora.org/artist-bio/?artist=mario-prassinos
Photo d’ introduction: Atelier de Mario Prassinos, Eygalieres, Provence 1973, Photo : Alain Desvergnes, Centre d’Archives
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