Vassilis Alexakis n’a pas besoin d’être introduit au public francophone. En effet, il est un cas à part, car il est par excellence le plus français des écrivains grecs, dont le travail surmonte la barrière de la langue. Né à Athènes le 1943, il fait ses études de journalisme à Lille au début des années ’60 et il s’installe définitivement à Paris en 1968. Il travaille comme journaliste et dessinateur en collaboration avec plusieurs journaux et radios, comme Le Monde, La Croix et France Culture. Il a aussi réalisé des films et des pièces radiophoniques.
Son premier roman, Le Sandwich, paraît en 1974, suivi par deux autres, Les Girls du City-Boum-Boum et La Tête du chat, tous rédigés en français. Comme il remarque lui même : ‘‘J’ai écrit en français les trois premiers romans, où le contact avec la langue est encore relativement distant. Il m’est plus facile de faire de l’humour en français, du coup ce sont des livres plus légers. Il y a, ensuite, un virage avec Talgo, le premier livre écrit en grec où je fais la preuve que ma manière d’écrire reste la même en passant d’une langue à l’autre, que je ne trahis aucune de deux langues et qu’aucune ne me trahit.’’ Ensuite, tous ses romans paraissent simultanément en grec et en français et il gagne plusieurs prix littéraires. Il est Commandeur de l’Ordre des Arts et des Lettres, ainsi que de l’Ordre de Phénix.
En tant que grec de la diaspora, le partage inévitable entre deux langues et deux cultures constitue un motif quasi omniprésent dans son œuvre. La langue maternelle, qui lui a apporté le prix Médicis, fait hommage à la langue grecque. Paris-Athènes, un roman autobiographique, décrit par Stock, son éditeur, comme la petite odyssée de l’auteur à travers deux langues et évocation bouleversante des drames et des bonheurs qu’engendre un tel voyage.
Mais Alexakis ne se borne pas seulement aux questions liées à la langue, son usage et son importance pour la vie. L’histoire de l’antiquité et de la philosophie grecque ancienne le passionne, surtout en corrélation avec l’aujourd’hui. On trouve ce motif dans La langue maternelle, mais l’œuvre consacrée à sa passion pour l’antiquité grecque est dans doute le roman Après J.C. qui lui apporte le Grand prix du Roman de l’Académie française pour 2007. Dans ce roman, Alexakis traite l’imposition du christianisme sur le monde ancien. Le mont Athos, la communauté moine en Grèce, où l’accès reste interdit aux femmes, fait la scène de l’histoire.
Dans Les Mots étrangers et Le premier mot, son dernier roman, nominé pour le Prix Goncourt 2010, il revient à la question de la langue comme substantif de l’identité, comme une valeur humaine en soi, quelle que soit la langue en question. Comme il écrit dans Le Premier mot racontant l’enquête pour les origines de la toute première langue humaine, ‘‘Les mots dégagent une perspective, ils désignent un espace de liberté.’’