Giampietro Campana, directeur du mont-depiété à Rome, a constitué la plus grande collection privée du 19e siècle, la collection Campana, qui rassemblait aussi bien des objets archéologiques que des peintures, des sculptures et des objets de la Renaissance. Cette collection se caractérisait à la fois par sa quantité (plus de 10 000 pièces) et sa qualité, puisqu’elle inclut de nombreux chefs-d’oeuvre, du Sarcophage des Époux à La Bataille de Paolo Uccello et aux sculptures de Della Robbia. À travers cette collection, à nulle autre pareille, Campana mettait en lumière le patrimoine culturel italien, au moment même où émergeait l’Italie comme nation.
” Dans les cités du monde hellénistique subsistent des milliers de bases de statues, mais les statues qui les surmontaient ont pour la plupart disparu. En bronze, elles ont été refondues; en marbre, elles ont souvent fini dans les fours à chaux. De nos jours, on a peine à imaginer à quel point les agoras et les sanctuaires regorgeaient de ces sculptures érigées en l’honneur de citoyens ou de mécènes de la Magna Grecia. Certaines statues, certains vases et objets extraordinaires ont cependant survécu.
L’Exposition qui déifie aujourd’hui la collection du Marquis Campana au Musée du Louvre (et l’été prochain au Musée de l’Ermitage à Saint Petersbourg) est une merveille.
Giampietro Campana (1808-1880) fut une des figures des plus importantes de la grande bourgeoisie romaine du XIXème siècle. Il grandît dans la propriété familiale de la Via San Giovanni du Latran, entouré d’antiquités gréco-romaines récoltées par ses père et grand-père. Après des premières fouilles effectuées à Frascati, le jeune homme eût la bonne fortune de découvrir en 1831, à Rome, près de la Porta Latina, le Columbarium de Pomponius Hylus. Ce succès lui valut de recevoir du Cardinal Pacca (1756-1844) la conduite des fouilles du port d’Ostie, tout en obtenant aussi la direction du Mont-de-piété. Très vite, Campana modernise la vieille institution en un vaste complexe, dans le quartier de Regola, en véritable banque de dépôt et de prêt.
Personnage rocambolesque, le Marquis Campana est arrêté en novembre 1857 pour malversations, confondant l’argent du Pape avec le sien. Après un procès retentissant en 1858, la collection est saisie par le Vatican. L’escroc avait du goût ! Il n’amassait pas de manière insensée : son but était de vouloir donner une idée précise du patrimoine italien, à la fois archéologique, artisanal et artistique. Campana reste l’exemple même de l’érudit Italien, collectionneur du Risorgimento, à l’époque de Cavour, Garibaldi et Verdi.
Le Musée de Kensington (actuel V&A) à Londres, rachète la prodigieuse collection de monnaies grecques et romaines. Le Tsar de Russie acquière des milliers d’antiques pour le Musée de l’Ermitage à Saint Petersbourg, et Napoleon III achète pour le Louvre, 11.835 œuvres d’art! (dont une des plus belles collections du monde de vases Grecs).
L’exposition nous transmet à travers ce rêve d’Italie du Marquis Campana, 500 pièces sublimes. L’érudit romain portait curieusement pour l’époque une attention inédite aux objets les plus humbles, « la dignité du fragment ». Il achetait des trésors aux aristocrates désargentés comme aux pilleurs de tombes du sud de l’Italie. Des fouilleurs clandestins sonnaient quotidiennement à sa porte. On ne sait d’ailleurs pas d’où proviennent certaines découvertes importantes de cette incroyable collection.
La Magna Grecia est omniprésente avec notamment de rarissimes vases comme celui du peintre de Syleus (480 avant J-C) ou le cratère en calice à figures rouges signé par Euphronios (515-510 avant J-C) et des merveilles en marbre comme la Statue d’Apollon (350-300 avant J-C), Venus et Eros (300 avant J-C) ou encore le buste d’Antinoüs. Cette exposition est un bonheur !”
Le texte a été écrit par Loïc Stavridès pour le Bureau de Presse et de Communication de l’Ambassade de Grèce en France