Qu’est ce qui se passe à Athènes au cours de ces dernières années ? Quelle est l’identité particulière de la ville et pourquoi suscite-elle  l’intérêt international ?  En pleine crise économique, la capitale grecque reste une ville intéressante et contradictoire avec une scène culturelle florissante et beaucoup d’initiatives provenant de  la société civile qui conduisent à des résultats originaux. Un exemple récent, le marché couvert de Kypseli qui vient d’être rouvert après presque dix ans des aventures : ce bâtiment historique de l’entre-deux-guerres a risqué d’être démoli en 2004 pour donner place à un garage. Suite à des protestations des habitants du quartier et des organisations civiles qui géraient le bâtiment pendant presque cinq ans, le marché couvert de Kypseli a pris une nouvelle vie : pendant ces cinq ans, l’ancien marché des poissons et des légumes  a opéré comme un espace publique modèle à travers des réunions ouvertes qui décidaient collectivement pour un bon nombre d’ événements culturels tels que des représentations théâtrales, des événements musicaux et des concerts, des expositions de photos, des présentations de livres, ainsi que des séminaires gratuits dans une sorte d’ « école publique » et des nombreuses discussions, mais aussi du travail social,  des cuisines collectives, des cours de langue grecque pour les immigrés, des bazars gratuits etc.
 
Suite à des problèmes de maintien, la mairie d’Athènes a pris l’initiative de rénover le marché historique de Kypseli et au bout des travaux qui ont été achevés en 2016, le marché a été rouvert en décembre dernier en collaboration avec les groupes et les initiatives locales.
 
GrèceHebdo a interviewé*  la maire adjointe de la société civile pour la municipalité d’Athènes Amalia Zepou sur le projet de Kypseli mais aussi sur l’identité contemporaine d’Athènes. On a parlé de la notion  de « citoyen actif » mais aussi des contradictions d’une ville en transformation qui est « une des villes les plus intéressantes dans le monde en ce moment », selon Mme Zepou.
 
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Vous êtes Maire adjointe de la société civile: qu’est- ce que cela veut dire précisèment ?
Maire adjointe dans le secteur de la société civile est un secteur nouveau pour la municipalité d’Athènes que notre Maire, Yiorgos Kaminis, a créé en 2014. C’est un champ un peu en dehors de ce qu’on a vu jusqu’à présent dans la mairie. C’est le secteur où un mécanisme assez systématique est construit entre l’administration de la municipalité et les acteurs, les citoyens, les initiatives/organisations etc. Les municipalités par tradition ont ces mécanismes pour rassembler  les problèmes de la ville, de  leurs citoyens. Ce que nous n’avons pas jusqu’à présent, c’est un système pour collecter les solutions que les citoyens peuvent amener à la ville. Donc, la municipalité d’Athènes d’une manière assez innovante, a créé ce mécanisme dont j’ assume actuellement la responsabilité .
 
En ce qui concerne la rénovation des Halles de Kypseli,  vous visez à établir des solutions qui ne sont pas compatibles avec le premier usage du lieu. Pourquoi ?
Le marché de Kypseli était un marché de légumes et de poissons, construit dans les années ‘30 pour devenir un marché comme ceux qui existent dans les villes de toute l’Europe. Ce bâtiment là donc opérait en tant que marché jusqu’au début des années 1990 mais avec la compétition, les changements de la société (nouveaux super marchés dans le quartier etc.) et l’évolution de l’économie qui a développé comme partout ailleurs, le marché a commencé à ne plus pouvoir survivre et se soutenir en lui-même. Les petits magasins de légumes, de poissons et de viande qui étaient à l’intérieur ont commencé à fermer et pendant un certain temps, une dizaine d’années presque, ce bâtiment était géré par des groupes, des organisations du quartier, jusqu’à ce que le bâtiment commence  (à partir de 2005) à avoir des problèmes, les gens qui s’en occupaient  ne pouvaient plus payer pour que le bâtiment soit en bon état. La mairie d’Athènes a pu prendre un programme européen pour pouvoir le rebâtir. Le bâtiment a été donc rebâti (il a été fermé pendant quelques années, depuis 2011) et s’est rendu à la municipalité en 2016 avec la grande question : « Quelle sorte d’activités peuvent être incluses dans le bâtiment pour pouvoir avoir un modèle économique qui lui donne vie dans les années qui viennent ? » Le modèle qu’on a choisi est un modèle basé sur la collaboration de trois secteurs : la société civile, les entrepreneurs sociaux  et les services de la municipalité. On a choisi un modèle qui fait collaborer la municipalité avec la société locale, avec les petites organisations, avec la communauté civile du quartier pour pouvoir justement arriver à ce but : que le bâtiment re-appartienne au quartier, aux gens qui sont créatifs, actifs dans ce quartier. Mais cette fois avec un système bien organisé, beaucoup plus méthodique et en collaboration avec la municipalité pour implémenter ce modèle de « business sociale ».
 
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Dans un de vos entretiens vous souligner que vous préférez le terme « citoyen actif » par rapport au terme « volontaire ». Pourriez-vous nous préciser  qui est le  « citoyen actif » ?
Ici il faut une traduction culturelle. Les connotations du mot « volontaire »/ volontarisme en grec ont un côté négatif: on imagine des gens qui travaillent sans être payés pour les jeux olympiques par exemple.  Par contre, les Grecs, beaucoup de citoyens à Athènes, sont énormément actifs d’une manière qui serait décrite comme « volontarisme » à travers les yeux d’un Allemand ou un Français. En grec, je n’aime pas utiliser le terme « volontarisme » parce que les gens n’aiment pas être identifiés à cela à cause de ces connotations. Le mot que j’emploie en grec pour décrire ce qui se passe à Athènes en ce moment, c’est plutôt « citoyen actif ». Avec cela on parle des  initiatives de communautés de quartiers. Très souvent il s’agit  d’organisations qui sont informelles.  Même le mot « activisme » n’est pas juste pour décrire ce qui se passe à Athènes parce que ce mot a des connotations politiques et souvent les citoyens ne veulent pas être identifiés à cela non plus. On est donc à la recherche d’une nouvelle identité.
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Alors, qu’est ce qui se passe maintenant à Athènes ?
Pas seulement à Athènes, partout dans le monde de l’Ouest en ce moment, on voit une nouvelle relation entre les citoyens et les affaires qui appartiennent au domaine public.  La relation des citoyens avec le domaine public est beaucoup plus énergétique, pleine d’initiatives et de créativité. Je pense que c’est un phénomène nouveau qui va bien au delà du volontarisme tel qu’on le connaissait jusqu’à présent.
 
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Vous croyez que ce phénomène nouveau dont vous parlez est nourri par la crise ? A Athènes par exemple, en temps de crise, on a plus de citoyens actifs qu’avant ?
C’est peut-être une généralisation qui n’est peut-être pas assez juste. Oui, on peut dire qu’aux temps de crise les gens essaient de trouver des solutions pour leurs vies quotidiennes etc. mais c’est injuste de dire que ce n’est que ça. Le modèle du monde change en ce moment. Et il change autant dans une vile comme Athènes qui traverse plusieurs crises à la fois, que dans la ville d’Amsterdam. On voit le même type de « citoyen actif » (le même groupe d’âge, entre 25 et 35 ans) le même genre d’activités dans le domaine public partout dans le monde. Donc, ce n’est pas seulement la crise, je pense qu’on est dans un monde de transformations sociales assez profondes. On cherche de nouvelles identités, une raison « d’appartenir ». Les gens ont envie d’appartenir là où ils vivent, ils cherchent donc de participer aux décisions publiques, aux décisions des affaires du domaine public.
 
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La ville d’Athènes  est souvent associée à des images laides, beaucoup de trafic etc. Que diriez vous a un visiteur potentiel de la Grèce. Pour quelles raisons ça vaut la peine de visiter Athènes?
Merci pour cette question. Je viens de rentrer de la Municipalité  où on a présenté « This is Athens », la nouvelle  campagne pour Athènes. Il s’agit d’un nouveau profil d’Athènes en tant que destination indépendante du reste du pays, des îles etc. Moi franchement je dirais qu’Athènes est une des villes les plus intéressantes dans le monde en ce moment. J’ai beaucoup vécu à l’étranger dans plusieurs villes en Europe et en Amérique et je dois dire vraiment, honnêtement, que je trouve qu’Athènes est une de villes les plus humaines, les plus intéressantes en ce moment. C’est une ville en transformation qui a un côté extrêmement humain. Athènes a  un caractère de vie qui n’est pas facile à mesurer. Par exemple on n’a pas ces banlieues sans esprit qu’on trouve dans d’autres villes, par exemple en France, en Angleterre, dans l’Europe centrale. C’est vraiment une conglomération de villages  et de petits quartiers où tout le monde se connaît. On ne trouve pas cela facilement dans d’autres coins du monde.  Je pense qu’il y a une qualité de vie ici qui est très intéressante et très différente, avec le climat bien sûr qui va avec. Mais c’est  une ville qui va au delà de son ancienne image, qui est d’ailleurs très intéressante, c’est  une ville en train de transformation qui offre beaucoup d’expériences à ses visiteurs, dans des petits quartiers cachés. Les touristes aujourd’hui sont à la recherche d’expériences de vie. La participation des gens au domaine publique dont on a parlé tout à l’heure est aussi une bonne raison pour plusieurs jeunes touristes de venir à Athènes. Il y a par exemple des gens qui viennent à Athènes pour aider aux initiatives pour les refugiés.  C’est assez phénoménal.
 
* Entretien accordé à Magdalini Varoucha 
 
[L’article traduit en anglais par Greek News Agenda ici]
 

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