Interview | Seta Théodoridis, présidente de la Communauté Hellénique de Paris et des Environs

La Communauté Hellénique de Paris et des Environs, fondée en 1946, regroupe les ressortissants Grecs ainsi que les Français d’origine grecque visant au développement de l’amitié franco-hellénique. A travers une activité culturelle riche et notamment des expositions, des séminaires, des projections de films ainsi que des cours de langue grecque, la Communauté contribue à la promotion de la culture grecque. Cette année à l’occasion de la célébration du centenaire de l’hellénisme organisé à Paris la Communauté a présenté une grande exposition d’œuvres d’artistes grecs ayant vécu à Paris intitulée « Osmose – Artistes grecs à Paris »* (du octobre au 4 novembre) sous les auspices de l’Ambassade de Grèce à Paris.

GrèceHebdo** a parlé avec la présidente de la Communauté Hellénique de Paris et des Environs Seta Théodoridis qui est la première femme présidente de la Communauté et élue pour la 1ère fois en 1997. Mme Théodoridis nous a parlé de la présence des Grecs dans la capitale française, de la nouvelle vague d’immigration vers Paris ainsi que de relations franco-helléniques et des projets à venir de la Communauté.

Seta Théodoridis est née à Salonique où elle a suivi sa scolarité du 1er cycle de l’enseignement secondaire. Quand elle avait 15 ans, ses parents ont émigré à Marseille. Elle y a poursuivi ses études secondaires tout en s’investissant dans l’étude du chant classique, au Conservatoire National de Région, étant élève de Fernand Lagarde, Francis Dresse et Alice Denat, dans leurs classes respectives d’Art Lyrique, Opérette et Chant classique.

En tant que présidente, elle aspire à rénover la Communauté dans son ensemble et la faire rentrer dans la modernité, rallier l’ensemble des Hellènes vivant à Paris, pour qu’ils s’intéressent de nouveau au mouvement associatif, afin de préserver les droits acquis au cours des décennies passées et accroitre les possibilités d’agir ensemble pour des problèmes touchant les Grecs de la Diaspora.

Cette année marque les 100 ans de l’hellénisme organisé à Paris. Pourriez-vous nous parler de l’histoire de la Communauté Hellénique de Paris et des Environs et de la présence des Grecs dans la capitale française au fil des années ?

La présence des grecs à Paris est attestée très tôt, depuis le 17^ème siècle. (Il s’agit surtout d’intellectuels qui travaillent à la Bibliothèque Royale). Aux 18ème et 20ème siècles leur présence est plus marquante; pendant la Révolution Française puis pendant la guerre d’indépendance grecque, ils contribuent au renforcement du mouvement philhellène dans toute la France. Dès la fin du 19^e et surtout au début du 20^e siècle nous avons la première association professionnelle des Fourreurs de Kastoria « Orestias » qui joue un rôle très important au renforcement des liens entre les grecs de Paris. En 1923, les premiers réfugiés arrivés d’Asie Mineure fondent l’association des « Hellènes de Paris ». La Communauté Hellénique de Paris fondée en 1946, hérite du capital financier et culturel de ces deux associations qui lui confient leurs missions : la gestion et la promotion des écoles pour l’apprentissage de la langue grecque (Orestias) et la solidarité entre tous les grecs indépendamment de leur profession ou statut social (Association des Hellènes de Paris).

Entretemps deux églises ont été érigées : L’église St Stéphane, (1895) et qui devient siège de l’Évêché en 1953 et l’église des Sts Constantin et Hélène (1936).

Après la deuxième guerre mondiale nombreux sont les grecs qui cherchent du travail en France (pe : 3000 ouvriers aux usines Citroën à Paris, des nombreux tailleurs, restaurateurs etc.) Ils renforcent ainsi la Communauté Hellénique qui compte encore aujourd’hui les descendants de ces grecs dynamiques qui ont réussi à s’intégrer tout en gardant leur identité hellène.

Titre de séjour octroyé à Iannis Xénakis en 1949. Archives de la préfecture de police de Paris, IC 28/1 791 169. Source : OpenEditionBooks

Dans le cadre des célébrations du centenaire, vous avez récemment organisé une grande exposition d’œuvres d’artistes grecs ayant vécu à Paris. Qu’est-ce qu’on peut précisément entendre par le titre de l’exposition “Osmose” à propos de l’interaction entre l’art français et l’art grec ?

L’exposition « Osmose- Artistes grecs à Paris » rassemble des artistes grecs ou français d’origine grecque qui contribuent tous à l’osmose entre l’art français et l’art grec, mais aussi à renforcer les relations franco-grecques.

Malgré le fait que pendant plus d’un siècle, Paris et la France sont des lieux d’accueil et la référence artistique de dizaines d’artistes grecs, ces derniers n’ont jamais pu être exposés dans leur ensemble dans la capitale française. C’est pour cette raison que nous avons accueilli avec une grande fierté et une grande joie la collection de Dimitris Fatouros et Ana de Albuquerque, qui font partie de la lignée de ces grands collectionneurs grecs qui ont réussi à constituer un patrimoine précieux, représentatif de l’évolution de l’art grec, dans toute sa richesse et sa diversité.

Nous avons pu ainsi réunir, sur les cimaises de la Maison de la Grèce, un très grand nombre d’artistes et offrir au nombreux public français la possibilité de les découvrir.

Nous remercions Dimitris Fatouros et Ana de Albuquerque pour leur générosité et leur passion.

Paris a toujours été une destination artistique et intellectuelle, allant du voyage légendaire de Mataroa, qui a ramené en 1945 un bon nombre d’intellectuels importants grecs vers la France, aux flux des auto-exilés Grecs pendant la dictature de 1967. Quelles sont, selon vous, les éléments principaux qui caractérisent les Grecs vivants ou migrants vers Paris aujourd’hui et quel est le rôle de la communauté hellénique de nos jours ?

Les grecs qui ont migré depuis la guerre civile et la dictature ont formé l’ossature culturelle de la Communauté. Un des plus grands présidents de la Communauté Hellénique de Paris fut Aristide Zizicas, (1979-1990), qui était justement passager du légendaire Mataroa. Un autre grand président fût Robert Manthoulis (1990-2000), installé à Paris depuis 1967, en fuyant justement la dictature des colonels. Aujourd’hui l’hellénisme de Paris est un hellénisme multiforme composé de commerçants, de cadres d’entreprises, de médecins, d’intellectuels et d’employés. Depuis la crise de 2010 nous avons accueilli une nouvelle vague d’immigration qui constitue un nouvel enjeu majeur pour la Communauté Hellénique : Assurer la continuité de l’apprentissage de la langue grecque aux enfants de ces nouveaux immigrés et offrir à ces enfants et à leurs familles des manifestations culturelles de qualité en langue grecque. (Présentation de livres, expositions, ateliers de théâtre pour enfants en langue grecque, atelier théâtre pour adultes, préparation d’une grande bibliothèque qui sera mise à leur disposition très prochainement, etc.).

Manifestation des étudiants et travailleurs hellènes devant l’ambassade de Grèce à Paris le 27 avril 1967. Archives de la préfecture de police de Paris, F^D 68. DR. – Source: OpenEditionsBooks

Les relations franco-helléniques demeurent excellentes, tant entre les deux pays qu’entre les deux peuples. D’après votre expérience, quelle est l’image que les Français ont de la Grèce aujourd’hui ? S’agit-il seulement d’une destination touristique attrayante ou c’est beaucoup plus que cela ?

Les relations entre les grecs et les français ont toujours été excellentes. En ce qui concerne notre Communauté, les français que nous côtoyons sont plus intéressés par la civilisation classique et moderne, ils voient en notre pays bien plus qu’un lieu de villégiature pour leurs vacances. Ils sont très nombreux à venir à la Maison de la Grèce où la Communauté organise avec un très grand succès des cours de grec pour adultes. Elle joue ainsi le rôle d’intermédiaire et de promoteur de la langue grecque en France.

Quels sont les projets de la communauté hellénique pour l’année à venir ?

La Communauté a un programme de manifestations culturelles très chargé pour l’année à venir.

Or, je voudrais insister sur les deux points les plus importants sur lesquels nous allons nous concentrer dans un très proche avenir :

le meilleur encadrement des écoles de langue grecque, car le manque d’enseignants est devenu chronique et constitue une menasse très sérieuse pour l’apprentissage de notre langue par les nouvelles générations et surtout pour les élèves qui ont pour projet de retourner en Grèce.
La levée de fonds pour aider l’État grec à se décider à effectuer le ravalement plus que nécessaire de la Maison de la Grèce, siège de notre Communauté, lieu de rassemblement des grecs de Paris et lieu de toutes nos manifestations. Nous méritons un centre de l’hellénisme digne de ce nom.

* L’exposition “Osmose” présente un total de 88 peintures et gravures de la collection de Dimitris Fatouros et Anna de Albuquerque, créées par 76 artistes grecs des XIXe et XXe siècles qui ont vécu et créé dans la capitale française. Parmi eux, Dimitrios Galanis, Lycurgos Kogevinas, Mania Mavrou, Georgios Gounaropoulos, Ten Florias, Polycleitos Regos, Celeste Polychroniadis, Mayo, Thanos Tsigos, Tassos, Marios Prasino, Konstantinos Andreou, Alkis Pierrakos, Nonda, Dickos Vyzantios, Paris Prekas, Kostas Tsoklis, Konstantinos Xenakis, Georges Mustaki, Sarantis Karavouzis, Pavlos Samios, Pavlos Hampidis et d’autres.