Née en 1946 à Thessalonique, Rena Molho est historienne spécialiste du judaïsme grec. Suite à ses études à l’Université hébraïque de Jérusalem et l’Université Aristote de Thessalonique, elle a obtenu son doctorat à l’Université de Strasbourg.
Rena Molho a enseigné l’histoire de la communauté juive grecque à l’Université Panteion à Athènes. Elle a également travaillé comme chercheuse de terrain, coordinatrice et conseillère historique pour les programmes de la Shoah Visual History Foundation, de Centropa et de United States Holocaust Memorial Museum.
Son travail porte sur les différents aspects de l’histoire et de la civilisation juive ottomane et grecque et plus particulièrement sur les Juifs de Salonique. Son premier livre Les Juifs de Thessalonique, 1856-1919: une communauté hors norme a reçu le prix de l’Académie d’Athènes en 2000. Pour sa contribution à la culture française, elle a reçu la distinction “Ordre des Palmes académiques” en décembre 2010 et en janvier 2015, elle a reçu le Prix Alberto Benveniste à Paris.
Elle a organisé et participé à plusieurs conférences et a publié plus de 60 études dans des revues scientifiques grecques et internationales sur des sujets du judaïsme grec. Son deuxième livre, ” Salonica and Instanbul: Social, Political and Cultural Aspects of Jewish Life“, est paru aux éditions Isis (Istanbul) en 2005. En collaboration avec la professeure d’architecture Vilma Hastaoglou-Martinidis, elle a écrit un guide touristique intitulé Jewish Sites in Thessaloniki: A Brief History and Guide (Lycabettus Press, 2009) ou “Jewish Sights in Thessaloniki” (Lycabettus, 2010). Son livre « The memoirs of doctor Meir Yoel : an autobiographical source on social change in Salonika », (Editions Isis, 2011) est paru en grec sous le titre : « Les mémoires du docteur Meir Yoel » aux éditions Patakis en mai 2012.
En juin 2015, son livre sur l’Holocauste des Juifs grecs est paru aux éditions “Patakis” et en 2019 elle a participe à l’organisation de l’exposition du Consulat de France à Thessalonique «Souvenirs de Salonique, histoires françaises d’hier à aujourd’hui »
GreceHebdo* a interviewé Rena Molho sur la longue histoire et les caractéristiques de la communauté juive de Thessalonique à l’occasion de la Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste, le 27 janvier.
Le 27 janvier, l’anniversaire de la libération du camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz-Birkenau, a été officiellement proclamé Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste par l’Assemblée générale des Nations Unies. Quelle est la signification de cette Journée ?
Vu que je suis née juste après la libération, j’étais toujours très consciente des aventures de la libération mais surtout de l’Holocauste, la Shoah. Il n’y a pas uniquement une date qui me définisse. Bien sûr que c’est la date de la libération d’Auschwitz, le camp où la plupart des juifs grecs ont été assassinés. Et pour cette raison-là, je vous prie de ne pas utiliser les termes “camp de concentration” ou “camp d’extermination”. Ce sont des camps de la mort. L’ “extermination” c’est un terme nazi, on n’extermine que les insectes ou les souris et non pas les personnes. Alors, j’étais définie par toute cette conscience de la persécution et de la mort parce que mes parents parlaient et discutaient, bien qu’ils soient tous des survivants qui s’étaient enfuis, cachés et sauvés en Grèce. Pourtant, c’était des gens qui avaient perdu toute leur famille. C’est à dire, il s’agissait d’un accident de “bonne chance” qu’ils se soient sauvés. Parce qu’à Salonique, qui est ma ville natale et leur ville natale aussi, pendant des siècles – c’est à dire de tous nos ancêtres – 96% des juifs ont été condamnés à mort. Il n’y a eu que 4% qui a survécu, soit par l’aide des non-juifs pour se cacher (comme c’était le cas de mes parents et des parents de mon époux), soit parce qu’ils se sont évadés ailleurs, en Palestine par exemple, pour éviter la rage nazie qui n’avait qu’un seul but : faire disparaitre tous les juifs de la terre, partout, même en Afrique du Sud. C’est ce point précis qui différencie l’Holocauste des autres génocides. La souffrance est partout la même, la persécution est la même. Mais aucun peuple, même pas les Roma, n’ont pas été persécutés partout où ils habitaient, où ils se cachaient aussi. C’est ça qui fait la différence.
Quels sont les jalons majeurs de la présence juive à Thessalonique ?
Salonique avait des juifs depuis le premier jour de sa fondation ; ceci grâce à la politique de Cassandre, qui a fondé la ville en tant que port naturel quand il a gagné la guerre de succession avec les autres généraux d’Alexandre le Grand. Alors Cassandre était une personne très intelligente qui a suivi la politique d’Alexandre le Grand ; pour peupler la nouvelle capitale, Salonique, il a invité tous les petits groupes ou communautés si vous voulez, ce qu’on appelle aujourd’hui des communautés, qui habitaient tout autour de cette ville qui a été créée du premier moment en tant que ville capitale du Royaume de la Macédoine en prenant la place de Pella. Pour cette raison, comme Cassandre avait promis aux gens qui habiteraient à Salonique l’exemption des impôts, tout le monde courait peupler Salonique. Parmi eux, les juifs. Ces juifs étaient des Gréco- juifs, c’est à dire des juifs qui étaient installés dans la région qu’on appelle aujourd’hui la Grèce et qui parlaient le grec et ils parlaient le Gréco-juif, c’est à dire une langue grecque avec des prêts de l’hébreu pour pratiquer la religion. Ce groupe s’appelle aujourd’hui dans la bibliographie les Romaniotes.
Jusqu’à l’arrivée de judéo-espagnols au 15ème siècle il y avait juste des Gréco-juifs (Romaniotes) à Salonique ?
Exactement, jusqu’à 1492, il n’y avait que cette petite communauté (500 familles à peu près). Quand les juifs de l’Espagne sont arrivés (une population d’environ 20 000) ils ont absorbé les Romaniotes. À noter que Salonique, après la conquête Ottomane avait une population de 2000 personnes, dont la moitié était des juifs.
C’est pour cette raison là que les judéo-espagnols ont choisi Salonique ?
Non, ce n’est pas uniquement Salonique. Ils ont choisi l’Empire Ottoman parce qu’il y avait la tolérance. Les Ottomans étaient intéressés uniquement aux impôts (plus élevés pour les non musulmans). Autrement, ils laissaient les communautés pratiquer leur religion, leur langue etc.
Après l’installation des judéo-espagnols à partir de 1492, comment se déroule-t-elle la vie sociale de la communauté juive à Salonique ?
Grâce aux juifs qui se sont installés là-bas, il y a eu plusieurs non-juifs qui sont retournés en ville (parce qu’ils s’étaient cachés dans les montagnes pour éviter les représailles Ottomanes, etc.) et tout d’un coup, Salonique était peuplée. Mais toujours, depuis l’installation des juifs espagnols (Sépharades) à Salonique jusqu’à la première guerre mondiale, le 50% de la population de la ville était juive.
En arrivant à Salonique en 1492, les juifs ont emporté avec eux plusieurs métiers qui jusqu’alors n’y existaient pas : fabrication de savons, de tissus, la médicine, etc. et tout cela a fait revivre la ville. Salonique est devenue la seule ville qui a été conservée pendant l’occupation Ottomane dans le territoire qu’on appelle aujourd’hui la Grèce. Toutes les autres petites villes ou communautés sont disparues. Il y avait en Grèce des villes comme Athènes, Corinthe etc. où ils ont demandé aux Ottomans de ne pas permettre l’installation des juifs (pas par antisémitisme mais par antagonisme, car ils pratiquaient les mêmes métiers, ils étaient des commerçants).
En ce qui concerne les couches sociales dans la communauté juive et les relations entre les Romaniotes et les Sépharades, est ce qu’on peut parler d’une identité commune ?
Non, c’est tout à fait différent. Les Romaniotes étaient des Grecs, en fin du compte, ils avaient la langue, la mentalité, la civilisation grecque. De plus, c’était une communauté toute petite et très pauvre. Cependant, les juifs arrivés en 1492, plusieurs parmi eux étaient des intellectuels et c’est pour cette raison là que dans une période de 100 ans ils ont absorbé les Romaniotes. Pourquoi ? Parce que toutes les écoles étaient de langage judéo-espagnol et d’un niveau plus élevé.
Alors, pour revenir à votre étude « Juifs de Salonique, 1856-1919 », à la fin du 19ème siècle, est-ce que la structure sociale de la communauté juive de Thessalonique était à peu près similaire à la structure sociale de l’ensemble de la population de la ville ou est-ce qu’il y avait des particularités ?
Les couches sociales de la communauté juive faisaient la pyramide complète : il y avait plusieurs couches sociales, puisqu’il s’agissait de la plus large communauté (dans une ville de 150.000 habitants juste avant les Guerres balkaniques, 75.000 étaient des juifs, 30.000 orthodoxes, 40.000 musulmans – les juifs définissaient la physionomie sociale et politique de la ville). En 1919, par exemple, sur la base de la pyramide on trouve 9000 chefs de famille qui sont les plus pauvres.
Quelles sont les caractéristiques sociales de la communauté juive au début du 20ème siècle et quelles étaient les relations que celle-ci a pu maintenir avec les autres communautés de Salonique ?
Ce qui n’est pas très connu pour cette période-là c’est que ceux qui étaient en danger à Salonique, ce n’étaient pas les juifs, c’était les orthodoxes pour plusieurs raisons. Tout d’abord, parce que c’était la communauté la plus petite. De plus, les orthodoxes ils se croyaient avoir des droits en tant que locaux – entre temps les juifs étaient devenus les vrais locaux. Alors, les orthodoxes [grecs] étaient menacés par tous les peuples balkaniques tout autour parce qu’eux aussi avaient des visions sur la mer Méditerranée, la mer Egée et par cela sur la mer Méditerranée. Salonique était une ville convoitée. Alors, quand ils étaient sous menace de « disparition » à Salonique (alors qu’ils avaient une communauté très bien organisée, des écoles grecques, etc.), ils cherchaient la protection de la communauté juive. Ils cherchaient par exemple à démentir les statistiques bulgares, roumaines, etc. pour faire montrer qu’ils existaient, alors qu’il y avait aussi des visions, à la libération de Salonique, pour la rendre grecque. À ne pas oublier qu’à l’époque les juifs de Salonique avaient aussi plusieurs journaux (35 journaux en judéo-espagnol et 5 journaux en français) et ils publiaient des statistiques confirmant qu’il y existait une communauté organisée de 30.000 orthodoxes [grecs] à Salonique. Dans la même période, les musulmans, se sentaient sûrs parce que c’était les juifs qui constituaient la communauté majoritaire. Donc, ils cherchaient à sociabiliser avec les juifs, qui occupaient toute les classes sociales, et à apprendre leur langue.
Passons à l’éducation. Vous avez récemment participé à l’organisation de l’expo (et la publication du catalogue) « Souvenirs de Salonique, histoires françaises d’hier à aujourd’hui » avec le consulat de la France à Thessaloniki. L’expo, entre autres, fait ressortir le rôle de l’école de l’Alliance israélite universelle à Salonique qui devient un des centres de la promotion de la culture française dans la ville. Pourquoi la langue française est-elle attirante pour la communauté juive à l’époque ?
Jusqu’en 1856, quand Salonique commence à gagner sa physionomie commerciale a cause de la guerre de Crimée qui éclate à ce moment-la, les juifs avaient des écoles traditionnelles religieuses ou ils apprenaient à étudier le Talmoud en hébreu, même si la langue maternelle était l’espagnol. Dans ce contexte là, Allatini a importé un rabbin moderne de Strasbourg pour enseigner la lingua franca qui était le français. Mais plus tard, quand les rabbins locaux ont perdu leur pouvoir politique (parce que c’est un pouvoir politique quand-même, celui de pouvoir enseigner les enfants) ils ont été obligés de se limiter à leurs devoirs uniquement religieux. Alors Allatini a pu, avec l’aide de l’Alliance Israélite Universelle, qui fut fondée à Paris dans le but d’aider les juifs du proche Orient à se moderniser, installer des écoles de l’Alliance à Salonique, écoles qui suivaient le système français.
Les enseignants étaient français ?
Non, les enseignants étaient juifs, formés à Paris et avec des diplômes français d’enseignant, et ils étaient par la suite renvoyés, pas dans leurs propres communautés (où ils avaient des liens familiaux), mais dans d’autres communautés juives et comme ça l’Alliance a pu fonder 580 écoles partout dans l’Empire Ottoman. Donc les juifs étaient enseignés par le Juifs instruits en France et étaient modernisés à travers la langue et les institutions françaises.
Est-ce que la politique de l’Alliance Israelite était en relation avec la politique culturelle de l’État français ?
C‘est une très bonne question. L’Alliance n’était pas en relation politique avec la France, mais Crémieux (le fondateur de l’Alliance) était un homme politique. Il y avait l’impérialisme français qui anticipait l’écroulement de l’Empire Ottoman. De plus, les juifs de France avaient honte du niveau de vie des juifs du proche orient (pauvreté, manque d’éducation, ignorance, préjugés, etc.). C’est pour cela que plusieurs ont investi et sont devenus membres de l’Alliance Israélite Universelle, qui finançait les écoles en partie (le 50% était financé par la communauté locale, l’autre 50% par l’Alliance). Pour ce qui concerne les élèves, il y avait ceux qui payaient (environ 60%) et les autres, les plus pauvres (environ 40%), qui ne payaient pas.
Le gouvernement français ne payait pas pour ces écoles, n’est ce pas ?
Non, c’était une organisation toute à fait juive où l’idéologie consistait à ce que les juifs reçoivent une éducation moderne mais aussi religieuse, apprennent la langue du pays (dans le cas de Salonique ceci était un problème puisque la ville était majoritairement juive et la langue était le judéo-espagnol), et des métiers pour ne pas être persécutés par les antisémites et pour être intégrés dans la société plus large.
En parlant d’intégration de la Communauté dans la société nationale, du point de vue de l’identité collective, qu’a signifié le passage de l’Empire Ottoman à l’État grec et à l’ère des États nations ?
C’est un sujet très sensible. Les juifs de Salonique avaient une identité pas de « juifs errants », mais de locaux. Les locaux à Salonique étaient les Juifs, par excellence. Les populations arrivées à Salonique de l’Asie, du Proche Orient étaient les refugiés. En Grèce, jusqu’aujourd’hui, ils les appellent les refugiés, chose que les juifs sionistes ne pouvaient pas comprendre, c’était inconcevable, parce que c’était une exception dans l’histoire de Juifs, ils n’étaient pas des juifs errants. Une des raisons pour laquelle la plupart des juifs de Salonique n’a pas su se défendre contre les nazis c’était exactement cela. Quand j’ai demandé à mon père comment ça s’est fait que tu t’es enfui et les autres sont restés, est-ce que tu étais plus intelligent ? Il m’a répondu « Rena, les juifs ne connaissaient même pas Lagada », un village à 15 km de la ville, ils étaient des vrais locaux ». Le bureau central de l’Organisation Sioniste Internationale a dit : une fois que les Grecs vont vous donner tous les droits que les autres Grecs auront, vous êtes bien sûrs d’être là, on n’a pas besoin de vous défendre. Les Juifs de Salonique voulaient, ils ont essayé à ce que la ville devienne une ville internationale, comme Tanger par exemple, pour ne pas perdre le contrôle qu’ils exerçaient au sein de la ville.
Chose qui ne s’est pas passée, parce qu’après le Traité de Bucarest, quand Salonique fut rattachée à la Grèce, tout d’un coup, les Juifs étaient effrayés : ils étaient une communauté pluraliste et ils comprenaient qu’une fois Salonique rattachée à un État national, ils auraient un traitement comme citoyens de deuxième qualité. Mais, comme Papanastasiou avait obligé les écoles de l’Alliance à fermer et comme à ce moment-là, comme toujours d’ailleurs, c’était la langue qui définissait la nationalité, ils se sont vus obligés à transformer les écoles communales en écoles grecques où le grec était la langue d’enseignement. Et lentement, les juifs sont devenus grecs à travers la langue. Pour donner un exemple, dans la même famille: mon père qui né en 1908 qui allait à l’école de l’Alliance et a été instruit dans la langue française, il passait son temps libre à résoudre les mots croisés en français, alors que ma maman qui était plus jeune et qui a été instruite dans les écoles où la langue d’enseignement était le grec, elle faisait des mots croisés en grec !
Quelle langue est-ce que vous parliez chez vous avec vos parents ?
Moi, je suis née après la guerre, je voulais être grecque, si possible chrétienne pour être comme tous les autres enfants. Mes parents entre eux parlaient le judéo-espagnol et moi j’ai commencé à comprendre le judéo-espagnol très vite parce que je voulais savoir ce qu’ils disaient. Je parlais le grec avec tous mes amis, et je me sentais grecque, 100%. Et j’avais honte que mes parents parlent le judéo-espagnol et je m’éloignais d’eux. Pire que ca, mes parents croyaient à une chose : la culture et la civilisation française qui avaient donné des droits d’égalité à tous les juifs, c’est le premier État en Europe. Depuis que j’avais trois ans, même si on habitait dans une chambre, toute la famille, moi j’avais une demoiselle qui me gardait et me parlait en français et m’apprenait la langue française et le code de comportement de la civilisation française. Alors j’ai appris l’alphabète français avant d’apprendre l’alphabète grec.
Certains historiens affirment qu’«il est très difficile de parler en termes généraux de l’extermination des juifs de Grèce pendant l’occupation». Quels étaient les éléments particuliers de la persécution et l’extermination de la communauté juive de Thessalonique? Pourquoi l’historiographie grecque a ignoré la Shoah en Grèce pendant des décennies ?
Salonique c’est un cas a part. Par exemple, elle était la première ville ou les Nazis sont entrés et utilisaient une langue codifiée. 50.000 juifs. Ils avaient le temps de donner des informations … aussi aux grecs non-juifs qui étaient des nécessiteux de collaborer avec eux.
Chose qui fait que plusieurs qui étaient en état de refugié et que l’État grec n’a pas pu héberger tout au long de vingt ans, plusieurs sont tombés dans le piège et ont collaboré –ceci n’est pas pour les excuser, mais on ne peut pas juger des gens… Le résultat était que la plupart des juifs de Salonique ont été assassinés dans les camps de mort. Pourtant, il y a eu des cas de non-juifs qui ont pu aider des gens, comme ce fut dans le cas de mon père.
Quand les survivants sont rentrés a Salonique (moins de 2000), ils ont trouvé les 12000 appartements et entreprises occupés par des refugiés.
La Loi grecque a voulu à ce que les fortunes soient retournées aux juifs, mais ceux qui avaient occupé les entreprises ont posé des questions légales… C’était eux qui votaient et alors les gouvernements n’ont pas vraiment soutenu les réclamations juives. Heureusement, mon père a eu un ami avocat qui était dans la Résistance…. Fusil sur l’épaule, il reprit la fortune de mon père, et ceux qui avaient occupé son magasin sont partis, ils étaient des officiers de la police grecque.
Mais il y a eu des autres exemples de villes grecques ou les gens ont pu aider les juifs à s’enfuir, comme Zakynthos, Katerini, Volos, Athènes etc. Ceci montre que là où il y a la volonté, il y a des moyens à le faire.
Les Forces de l’occupation ne jouaient pas un rôle ?
C’est vrai, dans les régions occupées par les italiens il y a eu plus de possibilités d’aider puisque les italiens ne persécutaient pas les juifs et ne les renvoyaient pas aux camps. Mais il ne faut pas oublier qu’en septembre 1943, Athènes et toute la Grèce est tombée sous l’occupation nazie et la guerre ne s’est pas terminée jusqu’en octobre 1944. Beaucoup de choses se sont passées pendant ce temps-là. Imaginez-vous, déportation de Rhodes, de Crète, ceci s’est passé en été 1944 quand la guerre était finie pour les nazis… Là où la ville était grande, comme à Athènes, où la communauté était petite, comme à Zakynthos, les juifs ont été aidés.
Quelle est pour vous l’importance de l’enseignement de la Shoah ?
On fait des séminaires pour des enseignants, comment enseigner la Shoah aux élèves, je dis souvent que l’Holocauste a sa propre histoire mais c’est aussi un exemple extrême de l’injustice. Alors ça concerne non pas seulement les juifs mais les non-juifs aussi. Parce qu’on n’a pas un autre exemple d’une injustice extrême au niveau universel. Et c’est possible que cela arrive de nouveau. Il faut toujours être conscient et avertir les gens à faire attention. C’est possible que ça arrive à des êtres humains qui, par rapport aux animaux, possèdent en plus la logique. Les animaux ne sont pas capables d’une telle cruauté. Notre défi en tant qu’êtres humains, c’est de combattre l’injustice.
* Interview accordée à Dimitris Gkintidis et Magdalini Varoucha