Dominique Cardon, professeur à l’EHESS, intervient à la table ronde “Internet, Démocratie et Espace public”, organisée le 8 novembre par l’IFA avec le soutien du Grèce Hebdo. A propos, il nous a fait part de quelques-unes de ses réflexions:

1. De quelles manières le web social affecte-t-il la circulation des idées politiques et des informations par rapports aux moyens classiques (médias traditionnels, partis politiques, think tanks…) ?

Sur Internet, les réseaux sociaux font se rejoindre deux univers autrefois dissocié : celui des médias de masse et celui de la conversation entre les individus. Traditionnellement, les individus étaient exposés aux grands médias d’information (presse, télévision et radio) et transportaient ensuite leurs impressions au sein de leur réseau familial, amical ou professionnel en parlant, critiquant ou moquant ce qu’ils avaient lu, entendu ou vu. Avec le web social, il existe un point de passage entre la conversation des individus et la circulation publique des informations. Les messages « venant du haut » peuvent connaître une diffusion virale, être commenté ou critiqué. Mais les expressions « venant du bas » peuvent aussi, dans certaines circonstances, rencontrer un écho favorable, circuler et exercer une influence sur le débat public.

2. Quels sont les enjeux pour l’espace public en termes de démocratie et de gouvernance soulevés par les nouvelles pratiques numériques ?

Cette nouvelle forme de l’espace public pose au moins deux questions de gouvernance : vu du haut se présente le risque d’une parole libérée et sans contrôle ; vu du bas, celui d’une menace sur la vie privée des individus. Mais ce que les nouvelles pratiques numériques ont sans doute le mieux mis en avant, ce sont des formes originales d’auto-organisation des internautes au sein des communautés du web comme dans le monde du logiciel libre ou dans la fabrication collective des articles de Wikipédia.

3. Pensez-vous que les transformations de l’espace public issues de l’essor du web social peuvent représenter un atout pour la promotion de l’image nationale, et si oui comment ?

Ce à quoi le web peut contribuer c’est à désinstitutionnaliser ce genre de politique. Il favorise des prises de parole plus ouverte pour de nouveaux acteurs. On peut imaginer qu’émerge des communautés transnationales d’internautes soucieuses de mettre en valeur par des récits, des textes ou des photos certains traits singuliers d’une culture nationale. On trouve sur le web beaucoup de ressources réunies par les internautes pour cartographier le pays, rassembler des documents iconographiques de toute sorte ou confronter des sources historiques. Mais le propre de cette politique patrimoniale des internautes est qu’elle se construit sans ordre, ni plan d’action coordonné.

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