Une nouvelle initiative culturelle, la première Biennale des Balkans occidentaux voit le jour à Ioannina (11-14 octobre 2018),  avec la participation de dix pays de la région, mais non seulement : Albanie, Allemagne, ARYM, Bosnie et Herzégovine, Bulgarie, Chypre, Grèce, Italie, Monténégro,  Serbie, USA figurent parmi les participants au cours d’un événement qui ambitionne de  donner une nouvelle souffle à l’ une de plus pauvres régions de l’Europe, à savoir la périphérie de l’Epire.
 
Ayant comme mot d’ordre «La tradition de nouveau», la Biennale est née de la nécessité « d’explorer de nouveau une nouvelle optique sur des questions de tradition, de technologie et d’art contemporain » explique Christos Dermentzopoulos, le directeur de la Biennale dans une interview accordée à GrèceHebdo*.
Christos Dermentzopoulos  est professeur de l’anthropologie de l’art, des études culturelles et de la théorie du cinéma au département des beaux-arts et des sciences de l’art, Ecole des Beaux-arts de l’Université de Ioannina. Dermentzopoulos  a étudié la sociologie en Grèce, l’histoire, l’anthropologie et le cinéma en France. Il est l’ auteur des livres suivants (titres originales en grec) : Le roman populaire sur le banditisme en Grèce, Mythes, représentations, idéologie (Éditions Plethron, 1997) et L’invention du lieu, Nostalgie et mémoire dans le film ‘Une touche d’épice’  (Éditions Opportuna, 2013) et co-éditeur des volumes: Anthropologie, culture et politique  (avec M. Spyridakis, Éditions Metaihmio, 2004) et Aspects de la culture populaire (avec V. Nitsiakos, Éditions Plethron, 2007).
 
A noter que la Biennale est une initiative du Laboratoire d’histoire de l’art de l’École des beaux-arts de l’Université d’Ioannina, placée sous les auspices du ministère de la Culture et des Sports et co-organisée avec la municipalité de Ioannina, avec le soutien financier de la région de l’Epire.
 
chrisdermentzopoulos
 
Quels sont l’origine et les buts de cette Biennale des Balkans occidentaux ?
 
L’idée vient de la nécessité d’explorer de nouveau une nouvelle optique sur des questions de tradition, de technologie, d’art contemporain et plus généralement de cerner  des perspectives des choses communes à l’heure actuelle. Toutefois notre projet initial ne se concentre pas sur la formation d’une  Biennale axée encore une fois sur les arts visuels mais plutôt  sur une Biennale thématique incluant et mettant en valeur l’art contemporain par rapport à de  données offertes par de nouvelles technologies ouvertes et de diverses formes de communautarisme, tels que les « commons ».
 
De plus notre accent est mis sur le dit patrimoine culturel immatériel (intangible cultural heritage) dont on parle beaucoup au cours de ces dernières années et qui mériterait une exploration plus approfondie et en perspective. D’ ailleurs les œuvres du patrimoine culturel immatériel pourraient nourrir de nouvelles tendances artistiques ainsi que de nouvelles liaisons  comme source de création pour les années à venir. Enfin nous insistons également sur la formation d’ un nouveau modèle de gestion du patrimoine culturel immatériel à travers une plateforme et un réseau voués aux œuvres inconnues de la tradition, à la recherche interdisciplinaire quant au champ de l’ héritage culturel et à la formation d’ un espace publique de dialogue non seulement au sein des Balkans occidentaux mais bien au-delà de cette région.
 
BalkanEposNikosGyftakis
“Balkan Epos” par Nikos Gyftakis .
 
Comment la Biennale aborde-t-elle la culture populaire et l’héritage culturel  immatériel ?
 
Le mot d’ordre de la Biennale est «La tradition de nouveau» et porte sur la manière dont on peut regarder de nos jours et plus précisément les éléments du patrimoine culturel immatériel. Nous voulons explorer de nouvelles optiques concernant le corps conventionnel  de la tradition et de donner  de nouvelles perspectives quant à l’usage et la valorisation de ceci. La tradition mérite un nouveau regard par delà les optiques esthétiques, nationalistes etc. qui sont dominantes de nos jours. Une nouvelle visite permettrait de l’apercevoir non comme un cadavre qui flâne d’un festival à l’autre mais comme un facteur vivant de la culture de la quotidienneté.   Une dynamique existe composée d’éléments artistiques, académiques, locales.
 
Cette dynamique  tire son inspiration de la tradition, regarde vers elle, armée d’une nouvelle optique et enfin lui rend de nouvelles perspectives. Le mot d’ordre de la Biennale acquiert sous cet angle un nouvel éclairage afin de discuter, de réfléchir et de proposer de nouveaux axes portant sur l’esthétique, l’art et les modes de coopération.
 
Le sujet du patrimoine culturel immatériel se pose de façon impérative par des Organismes Internationaux et suscite un grand débat quant à la création d’un champ aux contours incertains ainsi qu’à la mise en lumière de nouvelles politiques culturelles.   On revient pourtant sur ce concept qui s’avère fonctionnel afin de revisiter des objets méconnus et des perspectives  utiles à des communautés de créateurs  dans le but de faire renaître des formes dignes d’ être conservées voire acquérir un nouveau potentiel. Force est de constater que le concept de tradition a subi de nombreuses déformations soit par des lectures modernistes soit par des interprétations  nationalistes ; d’ où un grand nombre de significations différenciées ayant leur propre impact sur le dit patrimoine culturel immatériel.
 
Pour en finir, nous tenons à discuter, à clarifier et mettre en lumière le patrimoine culturel immatériel comme un nouvel enjeu qui mérite d’être développé dans un contexte de solidarité, de coopération et d’échange.
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‘Plastique fantastique”, événement principal de la Biennale des Balkans Occidentaux, 2018.
 
Quel est le rapport entre la Grèce et plus particulièrement entre la ville d’Ioannina et les pays voisins ?
 
Le sens de l’identité commune est perceptible dans l’ ensemble des Balkans. Les Balkans occidentaux constituent une entité géopolitique distincte mais on ne peut pas pour le moment parler aussi d’une entité culturelle distincte. D’ ailleurs, l’un des sujets à aborder au cours des journées de la Biennale est précisément l’exploration de l’existence d’une telle identité. Ιl ne faut oublier que les identités sont perçues comme des mélanges, comme des constructions amalgamées  en mouvement perpétuel. Tel est le cas par excellence des Balkans.
 
Thegroundtourproject “The ground project”, Biennale des Balkans Occidentaux, 2018.
 
Comment envisagez-vous d’impliquer la société locale dans la Biennale ? En général, comment pensez-vous que tels événements pourraient-ils toucher des groupes sociaux plus vastes et ne pas rester l’affaire de quelques experts ?
 
L’Epire est la périphérie avec le moindre nombre de festivals en Grèce et en même temps s’inscrit  parmi les périphéries les plus gravement touchées  par la crise économique. Ces éléments soulignent la nécessité de développer de telles institutions. De plus, la ville et plus largement la région possèdent un patrimoine culturel extrêmement riche pour un nombre de raisons : elles se situent à un carrefour qui communique culturellement avec les Balkans Occidentaux ; une très bonne université et une Ecole des Beaux Arts réunissent 25.000 étudiants qui donnent une fraîcheur à ce projet ; la région connaît un développent touristique énorme. Enfin, la coopération entre le Ministère de la Culture – qui a soutenu fermement le projet dès le début – l’Université, la Municipalité, la Périphérie et les institutions locales (entre autres les Archives Historiques-Musée d’Epire, le Théâtre périphérique de Ioannina et l’Ephorée des Antiquités) est très étroite et tous ont accueilli et soutenu la première Biennale des Balkans Occidentaux avec enthousiasme.
 
Notre but est d’impliquer des associations de tous genres dans ce projet. Nous sommes intéressés aux initiatives issues ”de bas en haut” qui pourraient inspirer de nouvelles stratégies et idées pour l’avenir et non pas à l’imposition de modèles du genre “high-art”.
 
Notre vision affecte la formation d’un nouveau champ d’expression culturelle et technologique au centre duquel nous trouvons la culture populaire dans ses facettes multiples et son interconnexion avec les nouvelles technologies. Le projet doit être encadré par le bas par l’élan que les communautés, quelques soient, pourraient lui donner. Ensuite, il est important de construire un réseau de contacts et d’actions vivants dans les Balkans Occidentaux qui pourraient contribuer à la promotion et l’application d’un modèle de développement centré sur la culture dans ces régions.
 
Bien que la première Biennale soit concentrée sur les Balkans Occidentaux, notre volonté est que la deuxième soit ouverte au niveau international sans qu’elle, pourtant, perde son caractère local. Enfin, il est très important que les jeunes, qui connaissent bien les champs que je décris et peuvent contribuer au développement culturel de ces régions, viennent au premier plan à l’aide de multiples réseaux.
 
* Interview accordée à Magdalini Varoucha  [Traduction du grec : Costas Mavroidis et Melina Skouroliakou]
 
INFOS PRATIQUES
Ioannina (11-14 octobre 2018).  
Evénement principal: Bubble
 
BeFunky Collage biennaleWorks
 
M.V.
 

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