À l’occasion du vernissage de l’exposition du jeune peintre grec Juliano Kaglis* Fragments de l’Obscurité”, le 15 décembre à Chypre, Grèce Hebdo** a interviewé Kaglis qui -malgré son jeune âge- a déjà à son actif huit expositions individuelles qui viennent s’ajouter à diverses expositions collectives en Grèce et à l’étranger.

Dans la vie de tous les jours, les stimuli qu’on reçoit de notre environnement s’avèrent souvent complexes et contradictoires. L’abstraction qui caractérise tes œuvres va de pair avec la recherche de l’essentiel. Pourriez-vous nous parler de cette conciliation?

Les premières peintures des gens étaient abstraites. Ce n’est pas du tout quelque chose de nouveau de recourir à l’abstraction. C’est une manière de mettre en ordre tes réflexions sur le œuvre, tout en soulignant les éléments qui t’intéressent et de mettre l’accent sur la raison pour la quelle l’idée est née.

Pour moi ce qui compte avant tout, le grand secret si vous voulez, c’est la révelation de l’œuvre au moment de sa création. Bien qu’au commencement je n’ai qu’une vision vague de ce que je veux faire, je ne veux pas me limiter à l’idée initiale qui est à l’ origine de l’œuvre. Je ne veux pas illustrer cette idée mais de la représenter, en lui procurant sa propre existence devant moi. Il faut donc que le sujet s’analyse aux éléments qui le composent avant de le recomposer dès le début à un autre niveau. À savoir, à un niveau des relations chromatiques et schématiques, des harmonies et des contradictions, qu’on appelle en général recherche plastique. C’est ça ce qui est intéressant dans le processus. Quand toute cette construction obtiendra sa propre entité, le sujet sera «disparu».

Pourtant, en ce qui concerne le spectateur, cette image plus abstraite crée un jeu entre le conscient et l’inconscient avec des résultats qui sont très intéressants.

Vous avez affirmé que “La catastrophe est une activité purement créative qui exprime l’idée selon laquelle la réalité n’est jamais objective”. Que voulez-vous dire par cette affirmation?

Lorsque je parle de “la catastrophe”, j’entends par ce terme un processus long et indispensable qui me permet de redécouvrir ce que je suis vraiment à travers le processus vivant de la peinture. Force est de constater qu’ afin de découvrir la forme qui te convient le mieux il faut détruire ce que toi-même as créé. Autrement dit, l’artiste qui se contente de tout ce qu’il connaît et il se montre orgueilleux pour ses “exploits”, il finit à un système de création qui se situe loin du processus artistique. Pour ce processus il faut prendre du risque, avoir de l’amour pour l’inconnu, mais aussi une sorte de honnêteté bizarre que contient un bon nombre de “fraudes” sans pour autant effacer l’honnêteté. Car le but suprême consiste à créer le mensonge le plus plausible qui contient pourtant une certaine vérité.

mJuliano Kaglis Le lac oil on canvas 180X130 2016

Quelle est votre rapport avec l’art de la magie?

C’est un art extraordinaire et à la fois sous-estimé, dépourvu d’une tradition loin dans temps pour ce qui est dans notre pays. Ma relation avec la magie remonte à mon enfance. Dans la télévision des années ’80, on regardait souvent des grands “illusionnistes”’ lors des festivals internationaux sur l’art de la magie ou l’art de la prestidigitation. J’étais charmé par leur confiance en eux-mêmes et par leur aptitude à faire leur boulot sans faille. Par contre, je n’étais pas attiré par les mages avec des boîtes qui ‘’coupaient’’ les femmes en deux. Moi, j’étais admirateur de tous ceux qui pratiquaient leur art avec leurs mains, tout en gardant un rythme extraordinaire au moment de leur performance.

La difficulté de la technique, l’attachement profond de l’illusionniste à son art est très proche à celui du peintre. Il doit, à son tour, convaincre les autres pour l’impossible. Le dévouement et le temps qu’il a consacré afin de créer, juste pour un seul moment, l’impression de la métaphysique, ce n’est pas une œuvre très noble ? Les gens ont, pour une raison qu’ils ne connaissent qu’eux-mêmes, ont ce besoin, de découvrir à un miracle et l’illusionniste est quelqu’un qui travaille sérieusement afin de les enlever de leur propre quotidien. Disons un tricheur avec de bonnes intentions…. A l’étranger, il y a toujours de grands maîtres de cet art. En dehors de la peinture, c’est mon activité préférée. Mais quoi qu’il en soit, l’une complète l’autre. Je connais pas mal de routines (c’est-à-dire pas mal d’enchaînements d’effets magiques) et je me spécialise aux jeux des cartes. Je suis un collectionneur passionné des vieux livres sur cet art. Mais les représentations se réalisent uniquement pour les amis!

Quels sont vos projets à l’heure actuelle et vos plans pour l’avenir ?

Le vernissage de mon exposition personnelle “Fragments of dark” se tiendra dans quelques jours à Chypre et à Alpha C.K. Art Gallery. Je viens d’achever la préparation des œuvres et j’attends avec impatience leur accueil par le public. On y trouvera une section avec de grands tableaux qui explorent les possibilités de l’obscurité et l’ambiguïté que celle-ci crée. Le processus de création de ces œuvres avait tant de difficultés, de déceptions, de rebondissements mais aussi quelques récompenses. Même si le peintre fait un travail solitaire, il ne s’ennuie jamais.

 
* Juliano Kaglis est né à Athènes, en 1974.
1996-2002: Il fait des études de peinture et de gravure à l’école des Beaux-arts d’Athènes, ayant comme professeurs T. Patraskidis, M. Gavathas et G. Milios.
2003-2005: Il reçoit une bourse par la Fondation Nationale de Bourses pour la promotion du travail artistique.
En 2013, il a été honoré avec le prix pour les jeunes peintres grecs, par l’Académie d’Athènes.
Son travail a été présenté dans de nombreuses expositions individuelles(Ekfrasi-Yianna Grammatopoulou, galerie d’art Athènes / C.K., Galerie d’art Nicosie / Epsilon, Thessalonique). Il a participé à diverses expositions collectives en Grèce et à l’étranger.
 
** Entretien accordé à Irini Anastopoulou
Texte traduit du grec par Irini Anastopoulou et Maria Oksouzoglou

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