Le 9 février, date anniversaire de la mort du poète Dionysios Solomos, est la Journée mondiale de la langue grecque (hellénophonie) depuis avril 2017,  conformément à la décision conjointe des ministres grecs de l’Intérieur, de l’Éducation, et des Affaires Etrangères.

Le but de cette initiative est de souligner le rôle fondamental joué par la langue grecque dans la culture mondiale à travers les siècles et d’encourager les Grecs de la diaspora et tous ceux qui souhaitent se familiariser avec la culture grecque, à la cerner de façon systématique.

«L’objectif de cette journée mondiale est de mettre en évidence le rôle fondamental que la langue grecque a joué au cours des siècles, contribuant de manière substantielle à la consolidation de la culture européenne et mondiale. La langue grecque depuis l’Antiquité a eu la chance de devenir un véhicule pour la formation et la transmission d’importantes théories scientifiques, pensées philosophiques et textes littéraires. Les textes les plus importants du christianisme ont été écrits en grec pour être diffusés plus tard dans le monde entier. Au fil des siècles, sa contribution a été décisive en tant que moyen de thésaurisation et de diffusion de la culture grecque et elle survit à ce jour, dans sa dernière version, comme l’une des langues vivantes les plus anciennes au monde », indique un circulaire du ministère de l’Éducation.

Selon la décision ministérielle, le ministère des Affaires étrangères assurera la reconnaissance de la Journée mondiale de la langue grecque par des organisations internationales, telles que l’ONU et l’UNESCO.

La Journée mondiale de la langue grecque comprend des événements dans tous les établissements d’enseignement de Grèce, mais également dans les établissements d’enseignement à l’étranger, qui organisent des cours pour apprendre la langue grecque ou des études grecques.

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Lexique grec sur palimpseste, Italie du Sud, XIIIe siècle © Bibliothèque nationale de France.

Dionysios Solomos (1798-1857): le poète de l’hymne nationalde Grèce, qui écrivait initialement en italien

Dionysios Solomos (Zakynthos. Imprégné de culture italienne, il écrit ses premiers poèmes en Italien. Pourtant, il est particulièrement connu pour avoir écrit le poème Hymne à la liberté (l’hymne national grec), en grec, en 1823. Il fut aussi un ardent défenseur du grec démotique.

Dionysios Solomos naîtra dans l’environnement multilingue et multiculturel des îles Ioniennes en 1798, un an après la transition de la longue domination vénitienne à la domination de la République française. Son père, Conte Nikolaos Solomos, était un riche noble d’origine crétoise et parlait italien, comme beaucoup d’Ioniens de son temps et de sa classe. Sa mère, Angeliki Nikli, était une servante dans sa maison beaucoup plus jeune que son père. Solomos naîtra hors mariage, de même que son frère Démétrios (1802), mais leur père s’occupera de leur éducation, les inclura dans son testament, et peu avant sa mort, il épousera leur mère.

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A gauche: Portrait de Dionysios Solomos (auter inconnu, 1856). Source: Musée de Solomos et des personnalités de Zakynthos. A droite: 
Carte des îles Leucade, Céphalonie et Zante, réalisée par Jacques-Nicolas Bellin en 1797. Source : Wikimedia Commons

De Zakynthos à l’Italie (1808-1818)

Solomos apprendra les premières lettres à Zakynthos, suivant des cours privés chez son père et un an à l’école publique (1807-1808), qui avait commencé à fonctionner pendant la période de la République des Sept Îles ioniennes (1800-1807). En 1808, après la mort de son père, il quitte Zakynthos, alors sous domination française,  pour étudier en Italie, comme c’était la coutume à l’époque.

Cependant, le jeune Solomos ne semble pas s’intéresser aux études juridiques. En Italie, il entre en contact avec la riche tradition littéraire italienne et avec le présent dynamique de la littérature italienne du début du XIXe siècle. Il rencontre des poètes et des érudits bien connus, tels que Vincenzo Monti, Giovanni Torti, Giuseppe Montani. Il vit la lutte des Italiens (Lombards et Vénitiens) pour se libérer du joug autrichien mais aussi de l’atmosphère du conflit entre le néoclassicisme dominant et le romantisme naissant. En Italie, il prend également conscience de son inclination poétique et écrit ses premiers poèmes en italien, presque tous à thème religieux. (Tiktopoulou, 2014).

Le retour à Zakynthos (1818-1828): la métamorphose d’un poète italien en poète national de Grèce

Solomos retourne dans son pays natal en 1818 (alors sous domination anglaise) avec l’espoir de revoir sa mère et le désir de devenir poète. Dans un premier temps, il continuera à composer des poèmes en italien, comme l’ont fait de nombreux écrivains ioniens. Solomos se distingue par sa rapidité et sa capacité lyrique et trente de ses sonnets improvisés seront rassemblés par son ami Ludovico Strani voire publiés à Corfou en 1822 (deuxième édition: 1823), dans un recueil intitulé Rime Improvvisate.

Après son retours à Zakynthos, Solomos expérimentera et précisera les domaines thématiques de sa poésie : relation homme-dieu, nature humaine, bien-mal, justice divine, le caractère social de la poésie,  la liberté, la politique et la morale, la satire et le lyrisme etc.

Ces années coïncident bien sûr avec la lutte révolutionnaire des Grecs pour l’indépendance nationale et Solomos semble avoir pris la décision de devenir poète grec progressivement, parallèlement à sa connaissance de l’instrument linguistique et de la tradition littéraire grecque moderne; et en tout cas elle ne semble pas avoir eu lieu avant 1822-1823. Divers d’autres facteurs contribueront à cette décision outre la  révolution grecque (par exemple es idées libérales, l’éducation romantique italienne, les évènements en Europe etc.)  mais il faut aussi mentionner un rencontre décisif:  fin  1822, Solomos rencontra à Zakynthos Spyridon Trikoupis qui lui suggéra d’écrire ses poèmes en grec. Comme Solomos ne maîtrisait pas la langue,  Trikoupis entreprit donc de la lui apprendre.

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 Manuscripts de Dionysios Solomos | A gauche: Les Libres assiégés (1834-1844). A droite:  L’Hymnre à la liberté (1823). Source: Musée de Solomos et des personnalités de Zakynthos.

L’Hymne à la liberté

Du groupe d’œuvres directement liées aux événements de la révolution, on distingue certainement l’Hymne à la liberté, le poème qui fera mieux connaître le jeune Solomos en Grèce et en Europe et que plus tard (1865) lui donnera le titre de « poète national » des Grecs. Écrit d’un souffle en mai 1823, ce poème de 158 strophes fut publié en trois éditions consécutives, en 1825: d’abord à Paris (traduit par Stanislas Julien), puis à Londres, et enfin, dans Messolonghi assiégé, en minuscules italiennes. Le poète, âgé de 25 ans, s’adresse à la fois aux Grecs et aux Européens et décrit la liberté comme une figure allégorique. Ce poème récite les annales de l’asservissement des Grecs aux Ottomans, ainsi que l’exploitation des combinaisons grecques pour la libération de la nation. En 1864, l’ Hymne à la liberté, s’écarte officiellement de l’hymne national grec (musique composée par Nikolaos Mantzaros en 1828). Evidement, seules les deux premières strophes sont jouées et chantées lors de l’élévation du drapeau grec.

Même s’ il consacre depuis l’ essentiel de son énergie exclusivement à la composition de la poésie grecque, il reste presque entièrement bilingue et continue à écrire des textes en italien aussi.

Le 9 février 1857, Solomos mourut à Corfou d’un accident vasculaire cérébral.

Magdalini Varoucha | GreceHebdo.gr

* Image d’introduction: Papyrus du II esiècle avec fragments d’ “Ichneutae” par Sophocle trouvé à Oxyrhynque en Egypte. Source: British Library

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