Samos est une île grecque avec une histoire riche et variée. Située presque à 1 km de l’Asie mineure et des côtes turques, Samos possède un héritage remarquable, allant du centre commercial et maritime de l’Ionie dans l’antiquité, à la revendication de son indépendance de l’Empire ottoman sous les ordres des “Carmagnoles”, un mouvement inspiré par la Révolution française. Touchée par l’industrialisation du 19ème siècle et fameuse pour ses vins exportés dans tout le monde, ayant même dans le passé le privilège de produire le « vin de messe », Samos est à la fois une destination touristique attrayante grâce à ses beautés et sa nature splendide.

Carte de l’île de Samos (Marie-Gabriel-Florent-Auguste Comte de Choiseul-Gouffier / Domaine publique / Wikimedia commons)

Les traces de Samos dans l’antiquité

Riche d’histoire et de beautés naturelles, l’île de Samos, située à l’est de la mer Égée proche de l’Asie mineure et séparée de l’Anatolie par environ 1 km de large, possède un héritage particulier à travers le temps. Peuplée dès le Néolithique et plus tard, dans la période archaïque, par des Ioniens venus de Grèce continentale, l’île a pris son nom, selon le géographe et historien grec Strabon, par le mot phénicien sama qui signifie “haut”, probablement à cause du relief montagneux de l’île. Samos faisait aussi partie de la Confédération ionienne, une alliance de douze cités grecques ioniennes de la côte d’Asie mineure et des îles adjacentes, qui unifiait les Grecs de la région contre les Perses.

A partir du 7ème siècle avant J.C. l’ile est devenue une puissance maritime et commerciale importante établissant des colonies sur les côtes ioniennes, en Thrace at à l’ouest de la Méditerranée. Selon l’historien et géographe grec Hérodote les Samiotes étaient même les premiers Grecs à franchir les colonnes d’Hercule (Gibraltar).

800 Samos Pythagoreio 0838 ThermaiPythagoreio / Bukvoed / CC BY.  Wikimedia commons Source

Samos dans l’antiquité était une île particulièrement riche et puissante connue pour ses vignobles et sa production de vin, ses poteries rouges, ses mines de fer, son artisanat d’art avec des fabriques de bronzes et de bijoux, sa production des fruits et de l’huile d’olive. L’ île a été le lieu de naissance où de résidence de célèbres personnalités de l’antiquité telles que le philosophe grec et mathématicien Pythagore connu pour son théorème de géométrie, le philosophe Épicure, l’astronome Aristarque, qui a été le premier à proposer que la Terre tourne autour du soleil, l’historien et géographe grec Hérodote, le fabuliste Ésope etc.

Au cours de son apogée au 6ème siècle avant J.C., l’ancienne ville de Samos a réalisé des progrès techniques et artistiques exceptionnels utilisant des méthodes innovantes. L’aqueduc d’Eupalinos, un tunnel de 1 km de longueur fournissant la ville de Samos en eau douce, a été caractérisé une merveille d’ingénierie ancienne. Sa construction est particulièrement remarquable car il est le premier tunnel de l’histoire à être méthodiquement creusé par les deux extrémités. L’aqueduc d’Eupalinos, restauré en 2017, est actuellement ouvert aux visiteurs et accessible dans toute sa longueur.

eupalinos tunnel 1024x680L’aqueduc d’Eupalinos

Le deuxième grand ouvrage est le grand temple d’Héra (Héraion), une structure colossale ornée de splendides sculptures faisant de Samos l’un des grands centres de sculpture du monde ionique. L’Héraion et Pythagoreion, l’ancienne ville où se trouve l’aqueduc d’Eupalinos, sont inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO dès 1992. Samos a continué d’être une ville marchande importante tout au long des périodes hellénistique et romaine contestant avec Smyrne et Ephèse le titre de « première ville d’lonie ».

Les périodes byzantine et ottomane

Dans le cadre de l’Empire byzantin, l’île appartient au thème maritime sous le nom « le thème de Samos », dont le siège est sur le continent, à Smyrne. En 1346, les Génois s’emparent de Chios, Samos et Icarie et en délèguent l’administration à la famille génoise des Giustiniani.

Samos est passée sous la domination ottomane en 1475, époque à laquelle l’île a été pratiquement abandonnée en raison des effets de la piraterie et la peste. L’île est restée déserte pendant près d’un siècle avant que les autorités ottomanes, ayant pris le contrôle de la mer Égée, se sont efforcées à repeupler l’île avec des colons qui sont venus s’installer provenant de toute la Grèce. Les colons ont été attirés par la concession de certains privilèges tels qu’une exonération fiscale et une autonomie dans les affaires locales. L’île a récupéré progressivement, pour atteindre une population d’environ 10.000 au 17ème siècle, étant encore concentrée principalement dans des zones montagneuses inaccessibles à l’intérieur de l’île. Il a fallu attendre le milieu du 18ème siècle pour que la côte commence à être densément peuplée.

800 TournefortJoseph Pitton de TOURNEFORT “Relation d’un Voyage du Levant, fait par ordre du Roy. Contenant l’histoire ancienne & moderne de plusieurs Isles de l’Archipel, de Constantinople…” (vol. I, Paris, Imprimerie Royale, 1717)

Joseph Pitton de Tournefort, un éminent botaniste et médecin français a visité Samos pendant un voyage dans l’est de la Méditerranée de 1700 à 1702. Envoyé en mission d’étude par Louis XIV étant considéré comme observateur attentif, Tournefort écrivait dans ses mémoires : « On ne compte aujourd’hui dans cette île que dix à douze mille habitants presque tous grecs ; ils ont un évêque qui l’est aussi de Nicaria (Icarie), et qui réside à Cora. Les Turcs y tiennent seulement un cadi et un voïévode, pour exiger la taille réelle ».

Le combat de Samos vers l’indépendance

La domination ottomane a été interrompue pendant la guerre russo-turque de 1768-1774, quand l’île est passée sous contrôle russe en 1771-1774. Le Traité de paix de Küçük Kaynarca signé le 21 juillet 1774 entre l’Empire russe et l’ Empire ottoman contenait des clauses qui ont permis une grande expansion des activités commerciales de la population orthodoxe grecque de l’Empire ottoman. Les marchands se Samos ont également profité de ce fait, et une classe bourgeoise basée sur le commerce et le transport à commencé à se développer.

À travers leurs voyages dans la Méditerranée les Samiotes ont pris contact avec les idées progressistes de l’ époque des Lumières et de la Révolution française résultant à la formation de deux partis politiques rivaux, le progressif radical Karmanioli («carmagnoles», du nom de la chanson révolutionnaire française Carmagnole) et le réactionnaire Kallikantzari («gobelins») qui représentait la plupart du temps les élites oligarques. En 1807 Karmanioli, sous la direction de Lykourgos Logothetis, ont pris le pouvoir dans l’île introduisant des principes libéraux et démocratiques ayant comme but de donner des puissances à l’assemblée populaire locale au détriment des oligarques qui étaient aux côtés des Ottomans. Ce mouvement a été renversé par les autorités ottomanes en 1812 et ses dirigeants ont été expulsés de l’île.

800 simaies new
Commençant par la gauche : Blason et Drapeau de la Principauté Autonome, Drapeau de la Révolution de Samos contre l’occupation ottomane en 1821

La Principauté Autonome de Samos, une étape vers l’indépendance

Quand la révolution grecque contre l’occupation ottomane a éclaté en mars 1821, Samos a vite rejoint le soulèvement sous les ordres de Logothetis et Karmanioli formant un gouvernement révolutionnaire avec sa propre constitution. Les Samiotes ont repoussé avec succès trois tentatives ottomanes pour reconquérir l’île en 1821, 1824 et 1826 assistés par les victoires navales grecques dans la région. Pourtant, lors de la création de l’état grec indépendant par le Protocole de Londres en 1830, l’île de Samos a été exclue du territoire grec. Les Samiotes ont refusé d’accepter une nouvelle subordination au sultan déclarant l’île comme un état indépendant, réussissant finalement, en raison de la pression de grandes puissances, la déclaration officielle de Samos en 1834 comme Principauté Autonome sous la suzeraineté du sultan ottoman.

Samos est devenue alors un état semi-indépendant de l’Empire ottoman obligé de payer la somme annuelle de £ 2,700. Elle était gouvernée par un chrétien d’origine grecque bien nommé par la Porte, qui portait le titre de « Prince ». Le prince a été aidé dans sa fonction de directeur général par un Sénat de 4 membres désignés par les quatre régions de l’île: Vathy, Chora, Marathokampos et Karlovassi. La capitale moderne de l’île était, jusqu’au début du 20ème siècle, Chora, à environ 3 km de la mer et du site de la ville ancienne avant d’être transférée à Vathy, à la tête d’une baie profonde sur la côte nord, devenu aussi le port principal de l’île.

Samos pendant le 19ème siècle, connait un développement industriel remarquable en même temps qu’il fleurit dans les domaines du commerce et du transport maritime grâce à ses industries du tabac à Vathy, de la tannerie à Karlovassi, de la production du vin etc. Cette prospérité économique, principalement due à l’autonomie de l’ile, a eu comme résultat la création d’une classe bourgeoise importante mais aussi d’une classe ouvrière. Des Chambres de commerce ainsi que des syndicats et des mouvements ouvriers one été crées, renforçant mouvements socioéconomiques déjà présents au sein de la population de l’île.

800 karlov
Vues diverses de Karlovassi, ville de Samos connue pour ses industries de tannerie (photos par le site web du Musée de la Tannerie – Municipalité de Karlovassi). Source

Les Samiotes n’ont pas cessé d’aspirer à l’unification avec l’état indépendant grec et lors de la première guerre balkanique, en 1912, Thémistocle Sophoulis, homme politique grec et député de Samos, s’est emparé de l’île avec une poignée de volontaires grecs. Après avoir chassé l’administration ottomane et les membres de la famille princière phanariote vers la France où ces derniers résidaient depuis presque un siècle, Sophoulis a libéré Samos obtenant la reconnaissance du rattachement à la Grèce en 1913. La souveraineté de la Grèce sur l’île de Samos ainsi que sur les iles de Mitylène, Chios et Icarie, a été confirmée par le Traité de Paix de Lausanne, le dernier traité résultant de la Première Guerre mondiale, signé en 1923 entre la Turquie et les puissances Alliés.

800px Distribution of races in the Balkans c.1910
Répartition des races dans la péninsule balkanique et en Asie mineure vers 1910, tirée de la collection de cartes de la bibliothèque Perry Castaneda. Les changements territoriaux provisoires depuis la Première Guerre mondiale (à la date de publication de 1923) sont indiqués en rouge (Wikimedia Commons)

Une terre fertile produisant le vin fameux de Samos

Bien que largement montagneuse -le centre de l’île culmine à 1.095 m- Samos a plusieurs grandes plaines relativement fertiles. Dès l’antiquité Samos a été fameuse pour ses richesses de la nature possédant tout ce qu’une terre peut offrir : de l’eau en abondance, du bois, l’huile la plus pure du monde grec et toutes sortes de produits agricoles. Une grande partie de l’île est couverte de vignobles et son vin, en particulier celui de Vathy (cépage malvoisie), jouit d’une excellente réputation jusqu’à nos jours et s’exporte dans tout le monde.

800 UWC Samos

Les vins de Samos collectionnent des centaines de distinctions obtenues dans des concours et expositions internationaux. L’appellation d’origine contrôlée du vin de muscat de Samos est l’une des plus anciennes d’Europe (AOC). La production du « vin de Muscat » était mentionnée par le voyageur français Tournefort en 1700 et l’Allemand Frisemann en 1787. Il est à noter que les puissances européennes ont commencé à s’intéresser au commerce du vin établissant des consulats, à cet effet, sur l’île dès 1562. À la fin du 19ème siècle, Samos fournit la plupart des marchés de l’Orient et l’Occident avec ses vins éponymes alors que Samos a été accordée le privilège de produire le « vin de messe » utilisé par l’Église Orthodoxe et l’Église Catholique.

Une île aux multiples facettes

800 Samos beachPlage de Megalo Seitani, Samos@Wikipedia Project / CC BY-SA. Source

Samos ne compte pas seulement des monuments importants et des contes historiques. Elle est aussi une destination fascinante possédant des beautés naturelles écrasantes avec une végétation impressionnante et un paysage vierge où prédominent les couleurs et la lumière. Les visiteurs de l’ile découvrent à chaque pas des endroits sublimes parmi eux des montagnes imposantes, des plages magnifiques, des sentiers de randonnée et de cyclisme. L’île attire aussi des ornithologues amateurs qui aiment photographier des hérons, des pélicans dalmates et des flamants roses qui se reposent ici avant de poursuivre leur migration. Tant de raisons donc pour faire la connaissance de cette ile extraordinaire.

Ioulia Elmatzoglou | GreceHebdo.gr

LIRE PLUS
GRECEHEBDO | L’aqueduc d’Eupalinos ouvert aux visiteurs de l’île de Samos
GRECEHEBDO Les sites grecs classés patrimoine mondial de l’Unesco: Pythagoreion et Heraion de Samos (1992)
GRECEHEBDO |Vins ambassadeurs grecs – Vin blanc doux AOP Samos

I.E.