Le poète et écrivain Christos Armando Gezos,  né en 1988 réçoit le Prix d’État d’Auteur Émergent en 2013 pour sa collection poétique « Des craintes inaccomplies » (Ανεκπλήρωτοι Φόβοι) (éditions Polytropon, 2012). Il a aussi publié le roman “La Boue” (éditions Melani, 2014). 
 
GrèceHebdo* l’a rencontré et lui a posé des questions sur la littérature, la poésie et la création en Grèce aux temps de crise.  
 
Que signifie être jeune écrivain grec aux temps de crise?
Rien d’autre que la volonté de créer dans un contexte devenu suite à la crise plus difficile, quasi hostile envers les écrivains. L’appui de l’Etat pour ce qui est de la production littéraire demeure quasi inexistant, ce qui témoigne de l’absence de l’intérêt essentiel de sa part pour l’univers des lettres. Quoi qu’il en soit et par délà la situation économique actuelle, le public de la littérature  reste restreint et de nos jours le nombre des acheteurs des livres ne cesse de diminuer. D’ autre part on assiste à des essais remarquables, à une abondance créatrice dans tous les domaines de l’art, ce qui nous permet de rester optimistes pour les années à venir. Cette ambiance d’asphyxie qui règne actuellement parvient à inciter l’écrivain à chercher la beauté là où vraiment celle-ci existe. 
 
Ton parcours te conduit de la poésie  au roman. Pourquoi ce déplacement ?
Parlons tout d’ abord des vertus de la poésie. D’ après moi, la poésie se caractérise par la densité, la netteté, la clarté et sa capacité de bouleverser le lecteur ; en somme, par son habileté de dénuder la réalité et de révéler ses aspects secrets, fascinants et parfois douloureux. La poésie donne sens et forme à l’indéfini. Le poète est, selon Cortázar, le scrutateur de l’existence.
Dès le début, j’écrivais tant de la prose que de la poésie, alors le fait que mon deuxième livre était un roman, n’était pas vraiment une transition, mais plutôt un changement de substance en ce qui concerne l’imagination et le langage. Mon premier livre était un recueil de poèmes qui représentaient à l’époque un matériel digne d’être lu. J’avais aussi terminé un autre roman auparavant, que j’ai décidé au dernier moment, de ne pas publier parce que ceci avait pas mal de faiblesses, en tant que premier effort. Mon premier recueil de nouvelles, La balançoire, paraîtra en automne aux éditions MELANI ; je l’attends moi aussi avec impatience.
 
Est-ce que le terme « les âges de l’écriture » existe ? C’est-à-dire, est-ce que tu découvres des différentes étapes de ta vie en relisant tes œuvres ou d’autres œuvres, ou penses-tu que l’écriture est un processus atemporel ?
Je pense que le terme «les âges de l’écriture»  a un veritable sens. Mes premiers poèmes et nouvelles, avant d’être publiés, étaient influencés par Poe. On y retrouve une émotivité reconnaissable aux post-adolescents marquée par un lyrisme fort et des éléments de romantisme noir. Peu à peu, je me suis éloigné de ces caractéristiques et j’ai rapproché un style plus dur et sobre. Mais le lecteur, il a, lui aussi « des âges différents » ; Hanif Kureishi a dit, en exagérant peut-être, que : le pire qu’on puisse faire à Kerouac, c’est de le relire à l’âge de 38 ans.
L’homme, en tant qu’unité psycho-physiologique, se détruit et se recontsruit constamment, ainsi que sa conception et son appréhension du monde qui changent avec l’âge et l’accumulation des expériences ; donc, l’écriture, qui est un processus émotif et mental avant tout, ne peut guère rester intacte.
 
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Tu aimes voyager ? En France, à l’étranger ? Comment peut-on découvrir un pays à travers les livres ? Quel rôle jouent les livres pendant un voyage, un parcours ?
J’adore les voyages même si je n’ai pas encore voyagé autant que je voudrais. Chaque fois que je retourne d’un voyage, je réalise de plus en plus  que je fais  partie de ce monde, que j’ai plongé mes pieds un peu plus dans la mer où nous voyageons tous. Notre planète est si grande et fascinante que je ne crois pas que je puisse jamais dire que je l’aie connue davantage ; c’est l’art qui remplit les lacunes, cette transposition esthétique et émotionnelle dans des temps et des lieux différents.
Je pense aussi que, si on veut vraiment connaître un pays et ses habitants, il faut vivre dans ce pays, même si la durée n’est pas longue. J’ai passé 6 jours à Kiev en avril, à l’occasion de l’Expo Internationale du livre, et j’en ai beaucoup joui ; cela va aussi de mon séjour à Vienne.
Je voudrais absolument visiter la France, pas seulement Paris, mais aussi la  province que je découvre peu à peu à travers des films comme La loi du marché , ( qui présente une réalité très proche à la grecque ) , les livres, le vin et surtout les fromages, car il faut avouer que j’adore le roquefort !
 
* Entretien accordé à Magdalini Varoucha (Traduction: Despoina Dimopoulou/ Costas Mavroidis).