Vous avez écrit des livres ayant comme titres les noms de vos deux bars préférés (Enoikos, Au Revoir) et d’un café (Ouzomafsoleion Kapetan Michalis). Qu’est-ce que les lieux de rencontres représentent pour vous ?
Les lieux de rencontre constituent mon souffle, et en même temps le prolongement de mon atelier / bureau. Mes amis et moi, nous nous y rencontrons, dans ces lieux sacrés, sanctifiés par le temps, tout au long des années, voire des décennies, où des innombrables heures sont consommées à leur intérieur. Dans ces endroits nous nous y sommes reposés du travail quotidien, nous y avons fait énormément de projets concernant des livres, des films, des disques et tout autre que vous pourriez imaginer. A Enoikos, la bande d’amis comprenait, parmi d’autres, Kostis Papagiorgis, Christos Vakalopoulos et Ilias Lagios qu’ils ne sont plus à la vie, et l’auteur poétique Evgenios Aranitsis. Nous écoutions de la musique jazz, tout en battant des records successifs dans la consommation de whiskey. Chez Capetan Michalis, lieu de nos rencontres même aujourd’hui, une bande d’écrivains, poètes, peintres, photographes et philosophes, se réunit toujours sous la « présidence » de l’écrivain Tassos Goudelis.
Vous affirmez: « La ville est l’usine qui suscite des mémoires. » Pourquoi croyez-vous que la mémoire se produit uniquement dans la ville et non pas dans la nature aussi ?
La mémoire est omniprésente, tant dans la ville que dans la nature. Le fameux Walden de Thoreau est la mémoire de la nature. Les romans de Thomas Bernhard constituent de leur part la mémoire de la ville. Il incombe a la ville de nous proposer l’ouverture a l’énigme, selon Maria Mitsora, et pour ce qui me concerne, depuis des décennies, je m’adonne aux énigmes de la ville, a ses surprises successives et aux retrouvailles fascinantes que celle-ci nous offre.
Vous affirmez que vous êtes adepte de la flânerie urbaine et de la dérive au sens situationniste du terme, sans pour autant effectuer vous-mêmes des voyages. Expliquez-nous pourquoi.
Auparavant le voyage faisait partie de mes intérêts. Pour donner un exemple, le voyage Athènes-Paris était une sorte de banalité pour moi, comme un trajet régulier qui fait le tram athénien. J’adorais errer dans la ville d’André Breton, de Jacques Prévert et de Guy Débord pendant des heures. A la place d’une carte de la ville, j’utilisais comme guide certaines de mes œuvres littéraires bien-aimées comme « La fête éternelle » d’Hemingway et le « Tropique du cancer » de Henry Miller. En me baladant je me perdais souvent, ce qui constituait une situation très agréable. Toutefois, au cours des dix dernières années, ce qui me fascine le plus est de voyager sans cesse dans la ville d’Athènes. Ici, je me trouve vraiment chez moi, comme si Athènes est une extension de mon séjour ou de ma cuisine. Aujourd’hui, ce sont des endroits familiers qui m’attirent le plus, accompagnés par des personnes proches et bien aimées qui m’intéressent et que j’aime revoir, en approfondissant ma relation avec eux ce qui permet de découvrir chez eux de nouveaux aspects.
Donc, La vie est belle, et facile ?
Tout ce que nous avons dit auparavant demeure toujours valable. Oui donc, la vie est belle et facile. Il suffit de rester fidèles à nos obsessions, d’être loyales à nos convictions et d’honorer les choses qu’on aime.
Quels sont les livres (les vôtres ou d’autres) à recommander à quelqu’un qui veut faire la découverte d’Athènes d’aujourd’hui ?
Je propose les livres d’Eugenios Aranitsis et de Christos Vakalopoulos, notamment Détails pour la fin du monde (E. Aranitsis, éditions Nepheli) et Nouvelles histoires d’Athènes (Ch. Vakalopoulos, éditions Estia). Quand à mes livres, je pense que dans le Dénigrement (éditions Estia) et A travers nos paupières (éditions Bibliothèque), on peut profiter d’un regard oblique sur le paysage athénien.
Si vous avez le choix, quel serait l’œuvre musicale et l’image avec lesquelles vous voudriez accompagner cette interview ?
Musique: San Michele de Thanasis Papakonstantinou. Photos: les photos de Marili Zarkou dans le livre Hidden Track/ Les niches de la ville (éditions Gavriilidis).
* Entretien accordé à Magdalini Varoucha (GreceHebdo) et Ioulia Livaditi (GreekNewsAgenda). Traduction du grec : Magdalini Varoucha
M.V.
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