Directeur de recherche au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) et membre du Centre de recherches politiques de Sciences Po Paris, Elie Cohen est l’un des économistes français les plus connus et appréciés.
Le 29 octobre, il se trouvera à Athènes pour donner une conférence à l’Institut français d’Athènes, intitulée “Euro : Une crise de gouvernance”, un événement qui s’inscrit dans le cycle des rencontres de spécialistes français et grecs que l’Institut propose sur la question de la gouvernance.
A propos de cet événement, GrèceHebdo a posé à Elie Cohen quelques questions :
La crise de l’euro constitue principalement une crise financière ou aussi une crise de la classe politique et de sa capacité d’apporter des réponses aux problèmes complexes causés par la mondialisation?
La crise de l’euro est d’abord une crise de gouvernance et d’architecture institutionnelle. Aucun des paramètres économiques fondamentaux n’est mauvais si l’on considère la zone euro comparée au Royaume Uni, au Japon, ou aux USA (Taux de change, ratio de déficit, ratio de dette, balance courante). La crise actuelle est l’œuvre collective de ceux qui ont conçu et fait fonctionner la zone euro.
Comment évaluez-vous la manière dont l’Union Européenne a fait face à la crise galopante de l’économie grecque?
L’UE a mal géré la crise au moment de son émergence (hésitations sur la politique à suivre compte tenu du silence des textes, appel ou non au FMI, mise en défaut ou non de la Grèce). Elle a ensuite voulu faire un exemple (taux punitifs du premier plan, initiative malheureuse de la restructuration de la seule dette privée). Elle a enfin persévéré dans une politique d’austérité qui provoquait récession et aggravation de la dette! Chacune de ces initiatives peut se comprendre, l’effet global est négatif.
Un changement de paradigme en ce qui concerne la gouvernance au niveau européen demeure encore envisageable à l’heure actuelle? Si oui, de quels éléments ce paradigme saurait se composer?
L’UE est en train de bricoler de nouvelles institutions à la faveur de la crise : une Banque Centrale qui commence à assumer une fonction de préteur en dernier ressort, un fonds Monétaire Européen en formation pour venir en aide aux pays en difficulté (FESF et MES), une union budgétaire basée sur le contrôle à priori des budgets nationaux, des comités budgétaires indépendants et l’adoption d’une règle d’or de nature constitutionnelle, une union bancaire (superviseur unique, spectre large de contrôle, esquisse d’un fonds de résolution), un budget fédéral pour la zone euro est évoqué. Enfin, en matière politique le renforcement de l’exécutif (avec la fusion des Présidences de la Commission et du Conseil) et du législatif (élection sur listes européennes) avec gouvernement majoritaire fait son chemin.