La discussion sur la civilisation grecque semble souvent dominée par l’impact de la création de la Grèce classique. Quel que soit son mérite incontestable, on ne peut nier que la littérature grecque moderne connaisse de grands auteurs et poètes comme Kazantzakis, Cavafy, Seféris (prix Nobel 1963) et Elytis (prix Nobel 1979). Mais la littérature grecque contemporaine d’après guerre est beaucoup plus riche. Les évènements politiques et sociaux –pas toujours heureux- ont influencé un grand nombre de prosateurs et de poètes.
 
La première génération d’écrivains après 1945 a été fortement marquée par la Seconde Guerre mondiale, la résistance, la guerre civile (1945-49) et les problèmes socio-économiques du pays. Cette génération manque de figures de proue en poésie, les artistes se trouvant encore sous l’ombre de grands noms de la génération des années ’30 (Seféris, Elytis, Ritsos etc.). La poésie est caractérisée par l’expression de la perte, de la dépression et de la peur, les poèmes traitant surtout des sujets de la lutte, de la résistance et de l’exil. On distingue: a) la poésie sociale ou de résistance, dont les auteurs sont attachés à l’idéologie de la gauche (Manolis Anagnostakis, Titos Patrikios), b) la poésie existentielle ou métaphysique, les poètes décrivant l’angoisse de l’homme face à la mort (Nikos Karouzos) et c) la poésie néo-surréaliste (Nanos Valaoritis, Ektor Kaknavatos, Miltos Sachtouris). [À gauche quelques revues littéraires de l’époque.] La prose de cette époque se distingue également par son caractère politique et les sentiments de doute et d’angoisse. En même temps, le néo-réalisme est en plein essor; des auteurs comme Costas Tachtsis et Andreas Frangias, veulent dépeindre la réalité en détail, avec une disposition critique.
 
eisagogi 1 webLa deuxième génération de l’après-guerre, qui apparaît dans les années ’60, est marquée par l’instabilité politique de l’époque. Ces poètes (Kiki Dimoula, Manos Eleftheriou, Dinos Christianopoulos, etc.) se sentent ‘vaincus’ et désenchantés, refusent de participer au jeu sociopolitique et ont recours à leur espace intérieur. Leurs textes reviennent plutôt sur l’échec, la solitude et les impasses psychologiques. Avant la dictature de 1967-74 la littérature, influencée par l’évolution littéraire internationale, connaît un véritable épanouissement. On marque un passage du réalisme à l’imaginaire et une révolte de l’homme contre l’absurdité du monde. Des auteurs comme Vassilis Vassilikos, font leur apparition. Certains expriment leurs préoccupations sociales (Stratis Tsirkas, Spyros Plaskovitis, etc.), d’autres ont recours à l’imaginaire pour dépeindre des mondes cauchemardesques (Takis Koufopoulos, Georges Cheimonas, etc.) ou évitent la réalité en se réfugiant dans la prose lyrique des espaces clos. C’est surtout le cas des auteurs femmes (Margarita Lymberaki, Tatiana Gritsi-Milliex, etc.).

La fin de la dictature marque une nouvelle époque. Celles sont les années de la croissance et du consumérisme. Les souvenirs de la dictature et la tragédie de Chypre (1974) sont forts. Ceux-ci influencent la poésie qui se distingue par son caractère rebelle et son opposition à toute forme d’ordre établi. On connaît alors des ‘poètes de la contestation’ (Michalis Ganas, Tzeni Mastoraki, etc.). La prose met l’accent sur le psychisme humain et des auteurs s’intéressant à l’interaction avec les autres nationalités et religions (Nikos Themelis, Rea Galanaki, etc.) connaissent du succès.

A partir de 1990, la littérature grecque moderne gagne le grand public et est traduite à l’étranger.

Dès son prochain numéro, GrèceHebdo présentera l’œuvre des représentants les plus traduits de la littérature grecque de l’après-guerre.