Un siècle après la révolution grecque, l’helléniste Hubert Pernot, directeur des Archives de la Parole, avec Melpo Logothetis – Merlier constituent une équipe scientifique franco-grecque et réalisent la première grande campagne scientifique d’enregistrements des traditions musicales et vocales grecques. GreceHebdo revisite cette histoire intéressante et méconnue.
En 1924, l’helléniste et spécialiste du grec moderne Hubert Pernot (1870-1946) devient directeur de l’Institut de Phonétique et des Archives de la Parole, qui deviendront en 1927 le Musée de la Parole et du Geste.
Hubert Pernot, Melpo Merlier, une femme du village et une interprète, photographie de terrain, 1930. Source: BnF-Gallica. Archives du département de l’Audiovisuel.
En 1898 et 1899, Hubert Pernot effectue des premiers enregistrements de la langue et des traditions grecques sur l’île de Chio (son livre sur Chio, paru en 1903, est disponible en ligne ici), à l’aide d’un petit graphophone Columbia à cylindres. A l’hiver 1930, il retourne en Grèce afin de réaliser, avec le Centre des Archives ethnologiques musicales d’Athènes fondé en 1930 par la musicologue et linguiste Melpo Logothétis-Merlier (1889-1979), une campagne phonographique d’envergure du patrimoine oral et musical grec.
Melpo Logotheti Merlier. Source: Search Culture IIE/EIE
Cette équipe franco-grecque d’Hubert Pernot et de Melpo Logothétis-Merlier est aussi composée des musicologues et linguistes Mady Lavergne, Samuel Baud-Bovy et Dimitrios Loukopolos, ainsi que plusieurs ingénieurs de la maison Pathé qui assure le financement le projet. Les missions de Pernot s’inscrivent dans un contexte national et international oeuvrant pour la reconnaissance et l’institutionnalisation des arts et traditions populaires, dont les orientations ont été définies lors du Congrès international des arts populaires de Prague de 1928. Dans cette perspective figure la recommandation de l’enregistrement phonographique des chants et musiques populaires et de la création d’un répertoire de ces enregistrements.
A gauche: des partitions des enregistrements depuis Chios. A droite: femme à la fontaine de Pyrghi vers 1900. Spurce: Hubert Octave Pernot, En pays turc. L’île de Chio, ed.J. Maisonneuve, 1903.
En 1930, le gouvernement grec d’Eleftherios Venizelos, un comité de personnalités grecques et Hubert Pernot, confient à Melpo Logotheti – Merlier la préparation de cette campagne d’enregistrements qui aura comme objectif de recueillir la musique traditionnelle grecque, populaire et religieuse, avec une attention toute particulière portée à celle des populations grecques réfugiées d’Asie Mineure. Cette équipe enregistrera ainsi des chants de mariage, de fêtes, de bergers, des saisons, des chansons historiques et issues de la littérature grecque, des berceuses, des chants et musiques de danse, des chants religieux, ainsi que des enregistrements du célèbre poète national Kostís Palamas et de Simon Karas, musicologue spécialiste de la musique byzantine. Dans la collection, les régions sont représentées selon l’ordre suivant: le Péloponnèse, l’Attique, la Béotie et la Grèce centrale, l’Épire, la Macédoine, la Thessalie, la Thrace, la région de Trébizonde et les autres régions du Pont, l’Anatolie (régions de Kars, d’Ionie, de Cappadoce etc), les îles des Sporades, des Cyclades, du Dodécanèse et enfin, la Crète.
Cette importante collection est disbonible aujourd’hui sur le site de la Bibliothèque nationale de la France et se compose de 222 disques, répertoriant 573 chansons interprétées par des chanteurs originaires des provinces grecques les plus intéressantes et les moins explorées ; sur ces 573 chansons, 256 sont interprétées par des réfugiés de Thrace et d’Asie Mineure et seront à l’origine de la création du Centre d’Etudes de l’Asie Mineure d’Athènes, fondé en 1930.
Magdalini Varoucha | GreceHebdo.gr
* Photo d’introduction: Hubert Pernot (au centre) dans les Archives de la Parole – Musée de la Parole et du Geste, (1924-1930), Paris. Source
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