Le port du Pirée est mieux connu comme le port d’où partent en été des myriades de touristes pour atteindre diverses iles. Mais le Pirée est bien plus que cela ; c’est une charmante ville balnéaire animée, un pôle urbain culturel et social majeur d’une grande importance pour la Grèce avec un rôle significatif dans l’histoire et la croissance économique du pays. Ce riche patrimoine culturel se reflète dans les bâtiments historiques de la ville, les résidences bourgeoises et les villas, mais aussi dans les usines, les hôtels et les bâtiments publics qui servent de repères emblématiques formant l’identité du Pirée.

Le projet d’enregistrement de MONUMENTA

Selon Monumenta, une organisation pour la protection du patrimoine naturel et architectural, environ 3.500 bâtiments construits au cours de la période 1840-1940 existent encore dans la ville du Pirée. Un nombre important de ces édifices sont des bâtiments classés depuis les années 1990 en raison de leur valeur historique et culturelle exceptionnelle. Avec l’aide d’un projet d’enregistrement, Monumenta tente de préserver la mémoire architecturale de la ville, puisqu’un grand nombre de ces bâtiments sont vétustes. Contrairement à sa riche histoire et aux nombreux témoignages, l’enregistrement documenté des caractéristiques du Pirée moderne est limité. L’objectif de Monumenta est de conserver une trace détaillée de ces constructions avec l’ambition d’empêcher leur démolition à l’avenir.

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“Le Pirée est une galerie d’architecture pour les résidences de la classe moyenne et de la petite-bourgeoise mais aussi pour les résidences de la classe inférieure” explique Stamatina Malikouti, professeur d’architecture à l’Université d’Attique de l’Ouest ayant consacré une grande partie de ses recherches scientifiques à l’abondant patrimoine architectural du Pirée. Une promenade sur la route côtière du port de Zéa à la rue Tzavela, au Stade de la Paix et de l’Amitié, révèle des bâtiments, plus beaux les uns que les autres, qui représentent l’évolution de l’architecture, les 100 dernières années en Grèce », affirme-t-elle Stamatina Malikouti.

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Le théâtre municipal du Pirée, un bâtiment néoclassique construit par l’architecte Ioannis Lazarimos en 1895. Photo: Melina Peratinou, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons

L’exemple le plus éclatant du passé néoclassique de la ville est le théâtre municipal, qui est redevenu un point de référence pour la vie culturelle de la ville depuis sa restauration complète et sa rénovation en 2013. D’autres bâtiments caractéristiques sont l’Académie Navale Hellénique, conçu par le célèbre architecte allemand Ernst Ziller, l’institut Hatzikyriakio, l’ancien hôpital de la marine qui était une villa de 1875, etc.

L’identité architecturale du Pirée

Le premier plan du Pirée moderne a été élaboré en 1834 par les architectes Kleanthis et Schaubert et était basé sur les principes néoclassiques. Au début du 20e siècle, le port maritime d’Athènes, bien que « satellite » commercial de la capitale, s’est transformé en un centre régional autonome et remarquable.

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Au début du 20e siècle, le Pirée, à travers l’élément néoclassique qui dominait les bâtiments publics et privés, dégageait la force et l’esthétique de la bourgeoisie et des armateurs qui y avaient leurs bureaux maritimes. Avec une grande zone industrielle, un secteur d’activité économique important, de vastes zones résidentielles et une vie sociale et culturelle animée, le Pirée a développé une identité « locale » forte et créative dérivée de sa population mixte.

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Résidence à Castella – Source page FB Destination Piraeus

La physionomie de la ville s’est traduite par une identité architecturale aux multiples facettes et une esthétique urbaine distinctive. Ces caractéristiques sont fondées sur la coexistence de diverses catégories de bâtiments en association avec le relief particulier qui combine à la fois des éléments urbains et balnéaires. Des résidences permanentes et villas, conçues par le célèbre architecte Allemand Ernst Ziller ou d’autres architectes célèbres, ont été construites jusqu’à la fin des années 1930 sur la côte de Pasalimani, de Freattyda et de Néo Faliro, ou sur la colline de Castella surplombant le golfe Saronique. Ces bâtiments de style colonial ont accueilli des rois, des premiers ministres, des industriels, des intellectuels et des artistes.

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L’hôtel emblématique “Aktaion” construit en 1903 par l’un des élèves de Ziller, l’architecte P. Karathanasopoulos, sur la côte de Néo Faliro. Gravement endommagé pendant la Seconde Guerre mondiale, l’hôtel a ensuite été progressivement démoli.

La construction de ces bâtiments s’appuyait sur la tradition classiciste, tout en intégrant des éléments d’éclectisme. On peut encore trouver des exemples représentatifs de cette architecture mixte, où le néoclassicisme de haut niveau et le néoclassicisme populaire s’articulent avec l’éclectisme polycentrique et l’architecture pittoresque dans un syncrétisme entre les différents éléments morphologiques et l’idiome architectural local.

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Exemples représentatifs d’architecture mixte avec des éléments de néoclassicisme populaire et de néoclassicisme de haut niveau (en haut) et d’architecture éclectique (en bas) à Neo Faliro. Source : Ioannis Georgikopoulos

La dimension sociale des édifices du Pirée est extrêmement intéressante. Les typologies des édifices, l’utilisation de nouveaux matériaux, la volonté manifestée des résidents du Pirée d’aller au-delà de l’architecture athénienne, les aspects parfois exagérés des éléments décoratifs, montrent que l’architecture est liée à l’histoire d’un lieu. L’étude de ces édifices offre une belle opportunité d’explorer, dans l’espace et dans le temps, l’identité de la mémoire architecturale locale en la reliant à des enjeux géopolitiques et sociaux plus larges.

L’histoire des bâtiments c’est l’histoire de la ville

Monumenta a déjà réalisé deux enregistrements pilotes au Pirée, alors qu’elle est en train de recueillir des récits personnels sur l’histoire des bâtiments ainsi que sur l’histoire de leurs résidents et leurs propriétaires. Selon la responsable de Monumenta, Irene Gratsia, l’organisation vise à révéler toutes les histoires concernant la vie des bâtiments et de leurs résidents, des histoires qui racontent en fait l’histoire de la ville.

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Bâtiment néoclassique (1907), appartenant initialement au marchand, banquier et homme politique Georgios Stringos. Réquisitionné pendant l’occupation par les troupes allemandes, siège du Club des officiers de la Marine Royale après la guerre et siège ensuite de l’Institut français du Pirée. Le bâtiment abrite aujourd’hui la bibliothèque de la Fondation Aikaterini Laskaridis – Source page FB Fondation Aikaterini Laskaridis

« Les bâtiments ne sont pas faits uniquement de matériaux de construction. Ils intègrent autant d’éléments immatériels tels que les pensées et les émotions des personnes qui les ont conçus, qui les ont construits, qui les ont habités ou abandonnés » conclut Irene Gratsia. Monumenta a enregistré des bâtiments ainsi que des récits personnels aussi à Thessalonique, Kalamata, Syros, Naxos, etc. alors que l’organisation a déjà achevé avec succès l’enregistrement de 11.200 bâtiments de la période 1830-1940 à Athènes. Le Pirée reste donc une ville mal connue à découvrir. 

Photo d’introduction : Le bâtiment principal de l’Académie navale hellénique, achevé en 1904, d’après les dessins d’Ernst Ziller. Source Page FB Destination Piraeus

SOURCES
François Loyer, L’architecture de la Grèce au XIXe siècle (1821-1912). École française d’Athènes, Athènes, 2017, 361 p. ; Yannis Tsiomis,
Piraeus: A new city founded at the dawn of the 19th century, around the birth of the Greek state,Design/Arts/Culture, 2, Moira, M. (2022) (en anglais)
The Seaport of Athens: Planning and Urban Space, Stamatina G. Malikouti Technological Education Institute of Piraeus, Dpt of Civil Engineering, Greece (en anglais)
Piraeus 1834-1912. Operational town-building and town-planning evolution, Stamatina Malikouti, Athens 2004, 344 p (en anglais)
 
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