
Archéologue et historien, Charles Lenormant (1802-1859) était un grand amoureux de la Grèce qui avait, entre autres, participé à la grande expédition scientifique de Morée en 1828. Selon son désir, il est enterré dans le quartier du Kolonos, où le philosophe Platon avait vécu et enseigné. L’héritage de Charles Lenormant, mais aussi de son fils, l’archéologue et helléniste François Lenormant (1837-1883), restent vivants non seulement dans l’histoire de l’archéologie, mais aussi dans la ville d’Athènes, où la rue Lenormant perpétue leur nom et leur lien indéfectible avec la Grèce.
Faits biographiques et études
Né à Paris le 1er juin 1802, Charles Lenormant a fait des études de droit, poursuivant la tradition familiale. Cependant, à la suite d’un voyage en Sicile au début des années 1820, il se familiarise de près avec les antiquités grecques, et décide d’abandonner le droit et de se consacrer à l’archéologie.
Élève de l’École normale et disciple du célèbre égyptologue Jean-François Champollion (1790-1832), il se distingua très tôt par son érudition classique et son intérêt pour les civilisations anciennes, notamment la Grèce et l’Égypte.
En plus, son épouse, Amélie Cyvoct, qui était membre éminent des cercles philhellènes parisiens, exerce une influence importante sur les conceptions politiques, intellectuelles et culturelles de Lenormant. Le couple avait quatre enfants, parmi lesquels le futur archéologue et helléniste, François Lenormant (1837-1883).


Amélie Cyvoct-Lenormant en 1826, (source: Wikimedia Commons) et François Lenormant en 1864, source.
Le voyage fondateur en Grèce (1828-1830)
La Grèce occupe une place centrale dans la vie et l’œuvre de Lenormant. En 1828, Lenormant accompagne Jean-François Champollion en Égypte. De là, il se rend dans la Péloponnèse, comme directeur adjoint du département d’archéologie, dans l’expédition de Moree. Cette mission, parallèle à la section militaire de l’expédition sous le général Maison, visait à étudier les vestiges archéologiques du Péloponnèse et à dresser une cartographie scientifique du pays libéré.

Olympie en 1831. Abel Blouet Expédition de Morée. source : Wikimedia Commons
Dans ce contexte, Lenormant a parcouru la région passant de Messène, Sparte, Olympie et d’autres sites majeurs, contribuant à la première grande documentation moderne sur le patrimoine grec. Ses notes et dessins témoignent d’un regard à la fois savant et profondément ému par la renaissance d’une nation héritière d’un passé glorieux.
Dans les années suivantes, Lenormant exerce successivement comme directeur du département des Beaux-Arts au ministère de l’Intérieur, conservateur à la Bibliothèque de l’Arsenal à Paris, puis comme directeur au département des monnaies à la Bibliothèque nationale de France.

Messène, 1831. Abel Blouet Expédition de Morée, Source
Un esprit formé par l’Antiquité
En 1836, François Guizot (1787-1874) ministre de l’Éducation et titulaire de la chaire d’Histoire contemporaine à la Sorbonne, offre à Lenormant l’opportunité d’enseigner l’Histoire ancienne à la célèbre université. En 1839, Lenormant fut élu membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Deux ans plus tard, Guizot, alors ministre des Affaires étrangères, l’envoya en mission de recherche en Grèce. Cependant, sous couvert d’une mission culturelle, Lenormant effectue une mission diplomatique en Grèce, accompagné de Jean-Jacques Ampère et de Prosper Mérimée (1803-1870). La mission a pour objectif un rapport au sujet de l’influence de l’Angleterre, l’Allemagne et la Russie sur le gouvernement du jeune roi Othon.
Au cours de sa longue carrière de recherche et universitaire, Lenormant manifeste un intérêt particulier pour les civilisations anciennes, grecque et surtout égyptienne, laissant en héritage de nombreuses études monographiques et articles dans des revues scientifiques (Annales de l’Institut Archéologique de Rome, Revue de Numismatique, Mémoires de l’Académie des Inscriptions).
De retour en France, Lenormant conserve des liens étroits avec les savants et les institutions grecques. Il soutient les études helléniques au Collège de France et à la Sorbonne, forme des élèves passionnés par l’archéologie grecque, et participa à la publication de travaux sur les inscriptions et les monnaies grecques.
Sa collaboration avec la Société archéologique d’Athènes, fondée en 1837, renforce la coopération scientifique entre la France et la Grèce, tout en encourageant aussi la création de la future École française d’Athènes (fondée en 1846), dont l’esprit correspondait parfaitement à sa vision : unir la rigueur scientifique à l’amour de la civilisation grecque.

La rue Lenormant (Athènes) en 1955. Source
Lermonant meurt le 22 novembre 1859 à Athènes, à l’issue d’une courte maladie lors de ce qui se révéla être sa dernière tournée dans l’Argolide.et il est enterré, selon sa dernière volonté, dans la région du Kolonos (Colone), où le philosophe Platon avait vécu et enseigné. Ainsi, le maire de l’époque Georges Skoufos adressa une lettre à son fils, François Lenormant, demandant que le cœur de son père soit enterré dans un lieu spécialement aménagé à l’ Académie de Platon, à côté d’un monument érigé en l’honneur du poète allemand et philhellène Wilhelm Müller (1794-1827).

Les monuments funéraires de Lenormant et Müller à Kolonos (Athènes, 2014). Source : Wikimedia Commons
En effet, le cœur de Lenormant fut placé dans une hydrie en marbre, évoquant un monument funéraire ancien. Le dévoilement du monument a eu lieu en 1860. Toutefois, les années suivantes, le monument subit des dommages irréparables, car il fut utilisé comme cible de tir. Finalement, en 1936, à l’initiative une nouvelle fois de la Municipalité d’Athènes, le sculpteur et plus tard professeur à l’École supérieure des Beaux-Arts, Michalis Tómbros (1889-1974), exécuta une copie du monument, qui se dresse aujourd’hui sur la colline de l’« Ippios Kolonos ».
Magdalini Varoucha | Grecehebdo.gr
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M.V.
TAGS: archeologie | Culture | Grèce
						
			
			
			
			
			
			
			
			
			

