Le patrimoine culturel ne s’arrête pas aux monuments et aux collections d’objets. Il comprend également les traditions ou les expressions vivantes héritées de nos ancêtres et transmises à nos descendants, comme les traditions orales, les arts du spectacle, les pratiques sociales, rituels et événements festifs, les connaissances et pratiques concernant la nature et l’univers ou les connaissances et le savoir-faire nécessaires à l’artisanat traditionnel.

Source: Photo par Steve Johnson sur Unsplash

La Conférence générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture “UNESCO” a adopté en 2003 la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Les buts de la Convention sont :
– la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel ;
– le respect du patrimoine culturel immatériel des communautés, des groupes et des individus concernés ;
– la sensibilisation aux niveaux local, national et international à l’importance du patrimoine culturel immatériel et de son appréciation mutuelle ;
– la coopération et l’assistance internationales.

Selon l’Unesco, le patrimoine culturel immatériel est traditionnel, contemporain et vivant à la fois comportant également les pratiques rurales et urbaines contemporaines, il est inclusif stimulant un sentiment d’identité qui aide les individus à se sentir partie de la société au sens large, alors qu’il est représentatif et fondé sur les communautés.

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La Grèce, faisant partie à la Convention depuis 2007, compte 10 inscriptions sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco dont la moitié concerne des inscriptions liées à la musique, la danse et les fêtes traditionnelles. La liste comporte des pratiques collectives transmises des anciennes aux plus jeunes générations de manière informelle renforçant l’identité culturelle de la communauté et contribuant à faciliter l’intégration sociale. Ces pratiques collectives offrent souvent l’occasion de faire durer la mémoire collective, par la chanson, la danse et la narration de vieux contes et histoires. La plus récente inscription de la part de la Grèce a été effectuée en 2022 et elle concerne les fêtes du 15 août (Dekapentavgoustos) dans deux communautés montagnardes du nord de la Grèce: Tranos Choros (la grande danse) du village Vlásti en macédoine occidentale et le Festival de Syrráko, un petit village en pierre perché en l’Épire.

Trouvez ci-dessous toutes les inscriptions grecques concernant des musiques et des fêtes traditionnelles de la Grèce inscrites au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO:

Tranos Choros à Vlásti et le Festival de Syrráko (2022)

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Tranos Choros à Vlasti (à gauche) – Le Festival de Syrráko (à droite)

Tranos Choros (signifiant en grec la grande danse) et le Festival de Syrráko sont des célébrations pour commémorer la Dormition de la Vierge Marie. À l’origine, ces fêtes orthodoxes marquaient à Vlásti et Syrráko la réunification annuelle des communautés montagnardes, avant que les bergers  descendent dans la plaine pour la transhumance hivernale. Même si la population de la plupart des communautés montagnardes a fortement diminué, ces fêtes sont aujourd’hui l’occasion pour les habitants des villes de revenir dans leurs villages d’origine. Le principal attrait de ces fêtes sont les danses rituelles. Pour la danse Tranos à Vlásti, des participants de tous âges forment un grand cercle et dansent en se tenant par la main, en suivant un rythme lent et solennel et en chantant a cappella. Pendant le Festival de Syrráko, des musiciens et des chanteurs accompagnent les danseurs.

La “Caravane polyphonique”, un projet pour la promotion du chant polyphonique de l’Épire (2020)

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La “Caravane polyphonique” – Source: ich.unesco.org © Alexandros Lampridis, 2008

Cette candidature grecque a été sélectionné en 2020 sur le Registre de bonnes pratiques de sauvegarde. La “Caravane polyphonique” est un projet de longue durée consacré aux recherches, à la sauvegarde et à la promotion du chant polyphonique de l’Épire. Pratiqué depuis des siècles, le chant polyphonique de l’Épire est interprété par un groupe de chanteurs jouant deux à quatre rôles distincts. Il existe des chants polyphoniques évoquant presque tous les aspects de la vie : enfance, mariage, deuil, événements historiques et vie pastorale. Les principaux objectifs du “Caravane” sont la sensibilisation à l’élément, la documentation grâce à des recherches approfondies sur le terrain, la multiplication d’interactions par-delà les générations et les frontières géographiques, et le rassemblement de tous les praticiens du chant polyphonique de l’Épire.

Le chant byzantin (2019)

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Source: https://www.byzantine-music.org.gr/

Cette inscription est partagée entre Chypre et la Grèce. Art vivant qui perdure depuis plus de 2 000 ans, le chant byzantin constitue à la fois une tradition culturelle significative et un système musical complet faisant partie des traditions musicales communes qui se sont développées dans l’Empire byzantin. Mettant en valeur, sur le plan musical, les textes liturgiques de l’Église orthodoxe grecque, le chant byzantin est étroitement lié à la vie spirituelle et au culte religieux. Cet art vocal se concentre principalement sur l’interprétation du texte ecclésiastique. Le chant byzantin doit sans aucun doute son existence à la parole (logos). En effet, chaque aspect de cette tradition contribue à la diffusion du message sacré. Transmis oralement de génération en génération, il a préservé ses caractéristiques au fil des siècles.

L’art psaltique a toujours été lié à la voix masculine mais les chanteuses sont nombreuses dans les couvents et sont actives, dans une certaine mesure, dans les paroisses. Outre sa transmission à l’église, le chant byzantin prospère grâce au dévouement d’experts et d’amateurs – musiciens, membres des chœurs, compositeurs, musicologues et universitaires – qui contribuent à son étude, à sa représentation et à sa diffusion. Force est de constater que les éléments orientaux de la musique byzantine ont influencé la mélodie de rebétiko alors que le chant byzantin a également été source d’inspiration pour les grands compositeurs grecs tels que Manos Hadjidakis et Mikis Theodorakis.

Le rebétiko (2017)

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Des rébètes au Pirée, 1933 – Source: Wikimedia Commons

Le rebétiko est une forme d’expression musicale et culturelle directement associée à la chanson et à la danse. Tradition musicale urbaine, le rebétiko est né de la rencontre de deux populations différentes, à savoir les réfugiés venus de l’Asie Mineure après 1922 et l’échange des populations imposé par le traité de Lausanne et les “autochtones” des bas-fonds des centres urbains (Athènes – Pirée). Les réfugiés ont ramené en Grèce tous les codes de la musique orientale utilisant des instruments tels que le bouzouki et le baglama mais aussi la guitare, le violon, le santouri, le kanonaki, l’outi et l’accordéon. Le style musical de rebétiko est principalement triste et lent ayant des similarités avec le flamenco, le fado et le blues. Comme l’auteur français Jacques Lacarrière le décrit: “le rebétiko c’est d’abord une atmosphère autant qu’un chant, des visages silencieux et marqués autant que des danses ou des cris, des odeurs mêlées de vin résiné, d’ouzo, de sciure fraîche sous les tables, de mégots refroidis”. Dans un premier temps le rebétiko concernait seulement des gens insoumis en marge de la société mais graduellement s’est transformé en genre “national”, adressé à l’ensemble de la société grecque.

La Momoeria, fêtes du Nouvel An dans huit villages de la région de Kozani (2016)
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Source: ich.unesco.org © Alexandros Lampridis, 2008

Entre le 25 décembre et le 5 janvier à Kozani au nord-ouest de la Grèce en Macédoine occidentale, des danseurs, des acteurs et des musiciens se produisent dans les rues des villages et passent chez les habitants pour fêter la nouvelle année. Cette pratique vise principalement à souhaiter une année prospère à la communauté avec des enfants en bonne santé et de bonnes récoltes. Les 30 danseurs de la Momoeria attirent particulièrement l’attention. Ils représentent les prêtres du dieu Momos (dieu du rire et de la satire) ou les commandants d’Alexandre le Grand. Ils portent un casque, une jupe plissée, des chaussures traditionnelles et brandissent un bâton en dansant sous les ordres de leur dirigeant pour convaincre les forces de la nature d’épargner les villageois. Les acteurs entourent les danseurs et jouent une pièce satirique très connue, faisant apparaître des personnages tels qu’un vieil homme et le diable (avec des variations suivant les villages), que le public est invité à taquiner, ce qui crée une atmosphère joyeuse.

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I.E. 

 

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