Le Parlement grec a aboli mardi le 9 janvier le régime spécifique qui réglait les affaires familiales de la minorité selon les règles de la charia. Il s’agit d’une réforme réclamée de longue date par les défenseurs des droits de l’Homme. Le projet de loi a été adopté, tous les partis s’étant prononcés en sa faveur au cours des débats, à l’exception du parti de l’extrême droite Aube Dorée.
Le recours à la juridiction islamique, sous la compétence de trois muftis, des juges religieux nommés par l’État grec, ne devient désormais possible qu’en cas d’accord de tous les intéressés.
“Le projet de loi sur la charia élargit l’égalité devant la loi à tous les Grecs” dans le “respect des caractéristiques de la minorité”, installée en Thrace, dans le nord-est du pays, souligne dans un communiqué le premier ministre Alexis Tsipras, qui parle d’un “pas historique”. “En tant que membre de l’UE, notre pays s’est volontairement engagé avec des traités précis, tels que la Convention européenne des droits de l’Homme”, qaffirme M. Tsipras, en précisant qu ‘”avec la présente disposition, le gouvernement remédie à des injustices ayant eu lieu par le passé aux dépens de membres de la minorité musulmane de Thrace, en les excluant du statut des garanties juridiques et des libertés individuelles dont jouissent tous les citoyens grecs, mais en respectant toutefois les caractéristiques spécifiques de la minorité”.
L’initiative gouvernementale intervient alors que la Cour européenne des droits de l’Homme doit se pencher pour la première fois sur cette question en 2018, suite à la plainte d’une veuve de la minorité, Molla Salli, 67 ans. Cette dernière avait recouru à l’instance européenne après que ses droits à hériter de son mari selon la loi grecque ont été déniés par un jugement de la Cour suprême grecque. Saisie après un recours des sœurs du défunt, la Cour avait renvoyé en 2015 Mme Salli sous la juridiction du mufti.
La nouvelle loi vise à imposer désormais la compétence d’office des tribunaux civils pour le règlement des mariages, divorces et héritages de la minorité, qui compte environ 110.000 personnes d’origine turque, rom ou pomaque. Le recours au mufti n’est plus possible qu’en cas d’accord de tous les intéressés aux affaires jugées.
Charia en Grèce : un bref historique
Depuis près d’un siècle, les affaires familiales de la minorité musulmane en Grèce relevaient de la compétence des muftis, au détriment notamment de l’égalité des sexes. Ce statut avait été mis en place après le Traité de Lausanne de 1923 fixant les frontières entre la Grèce et la nouvelle Turquie issue de l’empire ottoman.
Dans un entretien accordé à Greek News Agenda sur le sujet de Charia, le professeur Konstantinos Tsitselikis, explique :
“Au moment de la fin de la guerre gréco-turque de 1919-1922, après la chute de l’Empire ottoman et la naissance de la République turque, la Conférence de Lausanne adopte des mesures imposées par le droit international qui effectivement conduisent au nettoyage ethnique dans le but de créer des nations-états homogènes en Grèce et en Turquie. L’échange de populations entre les deux pays a été décidé comme un contrepoids à l’expulsion de la population orthodoxe grecque de l’Asie Mineure – déjà accomplie a l’époque. Donc, plus de 400 000 musulmans de Grèce ont été contraints d’émigrer vers la Turquie. Toutefois, en vertu de la Convention de Lausanne (Janvier 1923), les musulmans de Thrace occidentale ont été exemptés de l’échange de populations, tout comme les Grecs orthodoxes d’Istanbul (et aussi les Grecs des îles Imvros et Ténédos).
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