Aujourd’hui, mecredi le 9 mars 2022, la présidente de la République hellénique, Katerina Sakellaropoulou inaugurera l’exposition « Nikos Engonopoulos. L’Orphée du surréalisme », à la Fondation V. & M. Theocharakis.

Cette grande exposition présente cent quarante-huit œuvres d’Engonopoulos prêtées par des Pinacothèques, Fondations et collections privées. Des œuvres majeures comme Orphée, Hermès et Eurydice (1949), Argo (1948), Orphée (1957), Le peintre et son modèle (1970), Orphée (1968), Olympia (1970), Mercurio Bua (1971), Nico hora ruit (1939), Concert (1960), Cavafy (1948), Casanova (1968), Muse Méditerranéenne (1984), Les Incorruptibles (1967) démontrent les multiples facettes de l”œuvre engonopoulienne.

Nikos Engonopoulos. L’Orphée du surréalisme 

Hélène Glykatzi-Ahrweiler écrit dans le catalogue de l’exposition : « Si quelqu’un me posait la question qui est pour moi le surréaliste absolu, étranger ou grec, je répondrais sans aucun doute Nikos Engonopoulos. En tant que poète ou peintre il a fait que le mot et l’image, respectivement, obéissent à sa propre syntaxe et grammaire et composent une réalité contemplative et esthétique particulière. Si, d’un autre côté, quelqu’un se demandait qui, selon moi, est  à choisir, Engonopoulos en tant que poète ou en tant que peintre, je répondrais que la question est mal posée. Engonopoulos fait de la poésie en peignant et crée de l’art visuel en écrivant des poemes ».

Selon, Takis Mavrotas, commissaire de l’exposition : « Engonopoulos, avec réflexion et vision, passe du présent au passé, du rêve au mythe et de la réalité aux fantasmes. D’une honnêteté et d’un altruisme sans faille par rapport à la vie, il a courageusement affronté ses critiques, en opposant sa peinture et sa poésie, fortement liées aux rêves et aux mécanismes du rêve, à l’absurde et à la folie (“zourlia”,  en grec, un mot qu’il a souvent utilisé lui-même). Cet univers mystérieux exprime sa propre vérité, un vaste monde qui reflète sa passion pour tout ce qui est beau, mais aussi son attitude critique envers les grandes erreurs. Ainsi, les souvenirs des années difficiles de l’occupation sont devenus des images et des vers avec une vivacité et une intensité émotionnelle remarquable. (…)
 
Orpeus Hermes Euridice
Nikos Engonopoulos, Orphée, Hermès et Eurydice (1949), collection privée

Les protagonistes d’Engonopoulos sont des figures humaines, droites, bien formées, avec des mouvements expressifs, mais sans caractéristiques faciales particulières. Ces figures sans visage nous plongent dans le temps et nous font discuter tantôt avec des héros solitaires tantôt avec des couples d’amoureux, issus de la mythologie et de la littérature, de l’histoire et de la poésie, avec des références qui vont vers Orphée, Eurydice, Hermès, Io, Hercule, Ulysse, Calypso, Thétis et Pélée, Jason et Médée voire vers Anthémius de Tralles et Isidore de Milet ».

Brève biographie

Nikos Engonopoulos est né à Athènes en 1907 et est mort en 1987. Il a étudié à l’école des beaux-arts d’Athènes auprès de Konstantinos Parthenis, Dimitrios Biskinis, Thomas Thomopoulos et Yannis Kefallinos. Grâce à son apprentissage auprès de Fotis Kontoglou et Alexandros Xygopoulos, il est entré en contact avec la tradition et l’essence de l’art byzantin et post-byzantin. En 1967, il est nommé professeur à la chaire de peinture de la faculté d’architecture d’université polytechnique nationale d’Athènes. En 1939, il présente sa première exposition personnelle, à la résidence de Nicolas Kalamaris (Nicolas Calas), provoquant de vives réactions de la part des critiques. Viennent en suite toute une série d’expositions personnelles et des participations à des expositions collectives et internationales. En 1954, il a représenté la Grèce à la Biennale de Venise et, un an plus tard, il a participé à la Biennale de São Paulo. En 1958, il a reçu le premier prix de poésie du ministère de l’éducation et en 1966, il a été décoré de la Croix d’or de George Ier pour sa peinture.

Le surréalisme grec

En Grèce, le surréalisme apparait pendant l’entre-deux-guerres, une période qui signale de grands changements sur le plan politique et économique, sur l’image de soi des grecs ainsi que sur la manière avec laquelle ils imaginent la relation entre la Grèce et l’hellénisme. Dans la scène littéraire s’imposent de nombreux écrivains de la génération de 1930, à savoir Theotokas, Varnalis, Seféris, Ritsos, Embirikos, Elytis, Engonopoulos, Kazantzakis etc. Au niveau des idées, commence un dialogue sur la relation entre la poésie « traditionnelle » et la poésie moderne et il y a un échange des idées sur le contenu du sens de l’ « hellenicité ».

Entre 1935-1938 on assiste à un effort de diffusion du surréalisme en Grèce entrepris par Andreas Embirikos, Nicolas Calas et Nikos Engonopoulos. Les trois surréalistes opèrent dans des contextes différents du surréalisme. Ils écrivent des essais, de l’histoire et de la critique d’art, des études psychanalytiques, de la poésie et de la prose, sans pour autant meconnaître le poids particulier de la peinture.

En tant que mouvement, le surréalisme en Grèce a été de courte durée. Ceci a fonctionné surtout comme une tentative de critique du positivisme linguistique, philosophique et scientifique ainsi que comme un effort pour établir un nouveau paradigme critique dans la littérature grecque moderne. Les surréalistes formulent une nouvelle proposition pour la tradition et l’évolution de  la litterature en Grèce en remplaçant Palamas par Cavafy comme le poète moderne par excellence de la langue grecque (Chrysanthopoulos, 2012).

Νίκος Εγγονόπουλος Ο Καβάφης 1948 Αυγοτέμπερα σε ξύλο 40 x 30 εκ Συλλογή Ιδρύματος Ωνάση
Nikos Engonopoulos, Cavafy (1948), collection de la Fondation Onassis

Les surréalistes grecs mélangent la langue savante (katharévousa) avec la langue populaire (démotique), l’élément byzantin avec le moderne, le baroque minoen avec El Greco, des personnages antiques avec des contemporains, l’Occident avec l’hellénisme, les Albanais avec les Grecs, etc. Cette utilisation du passé basée à la transformation et à la décontextualisation des objets permet aux surréalistes de diriger vers des nouveaux objectifs la charge symbolique que les personnages de la Grèce antique pèsent sur la Grèce moderne (Badell 2019). En ce qui concerne la poésie d’Engonopoulos, elle évoque toujours l’Autre, qui survit parmi nous, et surgit par moments, pour redisparaître aussi énigmatique et lointain (Valaoritis).

Nanos Valaoritis, dans l’interview qu’avait accordée à Grèce Hebdo en 2016, note que les surréalistes grecs n’ont jamais formé un groupe; c’était plutôt des pensées personnelles, c’est pour cela qu’il n’y a pas eu de collectif à l’époque. En décrivant l’accueil réservé aux surréalistes grecs dans l’entre-deux-guerres, Valaoritis affirme : « on avait une poésie conventionnelle dans les années ‘30 qui était très grave, qui a créé des remous même, beaucoup d’hostilité surtout de la part des journalistes. Comme Embirikos avait publié des textes automatiques qui n’étaient pas de textes compréhensibles du point de vue conventionnel. C’était des textes incompréhensibles pour les grecs éduqués avec Palamas et d’autres poètes traditionnels, alors nous avons fait du bruit avec cette nouvelle tendance. Il y a tout un livre qui décrit les réactions du point de vue des journalistes également, contre le surréalisme. Cependant, nous étions un pays avec des adhérents très fervents ». 

Nico hora ruit le peintre Olympia
 De gauche à droite : Nico hora ruit (1939), collection privée. Le peintre et son modèle (1970), collection privée. Olympia (1970) collection D.N.P
 
INFOS PRATIQUES
Durée : 09/03/2022 – 19/06/2022
Horaires : lundi-dimanche 10:00 – 18:00 ; jeudi 10:00 – 20:00
Commissaire : Takis Mavrotas
 

LIRE PLUS SUR GRÈCE HEBDO

 
L.S

TAGS: Culture | expo | Grèce | peinture | poésie