C’était le samedi 18 août de 1917 à 15:00 de l’après-midi quand un grand incendie a éclaté dans une modeste maison de réfugiés, les flammes se sont vite étendues à tout le vieux centre de Thessalonique. Pendant les 32 heures qui ont suivi, le feu a ravagé 120 hectares, c’est-à-dire une grande partie du centre de la ville de l’époque. Détruisant 9.500 bâtiments et laissant 70.000 personnes sans abri. Des institutions publiques, financières et religieuses étaient réduites en cendres, comme, entre autres, la Banque Nationale, les dépôts de la Banque de Grèce, une partie de l’église Saint-Démétrios, deux autres églises orthodoxes, le siège du Grand Rabbin et ses archives et 16 des 33 synagogues.
(Photo: incendie de Thessalonique-1917)
Une ville a été anéantie en deux jours et devait renaître de ses cendres. Le défi était énorme, à la même échelle que la catastrophe. Mais également une opportunité pour qu’elle devienne une ville moderne, suivant les nouveaux courants de l’architecture et de l’urbanisme en gardant en même temps l’atout des traces du passé.
Pour la reconstruction de la ville a été formée une commission internationale. Dirigée par le français Ernest Hébrard, architecte, urbaniste et archéologue, qui a conçu le nouveau plan de la ville, avec la construction des nouveaux espaces publiques, des grands boulevards et des rues verticales et diagonales, des places autour les anciens monuments de la ville qui ont été sauvés de l’incendie, des quartiers commerciaux ou résidentiels, et surtout le grande axe du centre de la ville. Il commence par la Place Aristote (Place Aristotelous), à la zone côtière, et fini à l’ l’Église Saint-Démétrios. La transformation de la ville et de la Place Aristote a quand même duré plusieurs décennies, des années ‘20 jusqu’aux années ’60. La place a pris le nom du grand philosophe grec, Aristote, né en Macédoine, dont la statue est posée sur la place.
La Place Aristote, et la rue piétonne du même nom qui mène à l’avenue Egnatia, constitue le cœur de la ville, avec ses belles arcades, galleries, passages et surtout avec cette grande ouverture vers la mer et le mont Olympe à l’horizon. Ernest Hébrard a eu comme modèle la place Piazzetta de Venise pour sa construction. Les façades de la place et de la rue Aristote ressemblent aussi beaucoup à celles de la rue Rivoli à Paris, bien que le style qui a été finalement choisi fût beaucoup plus complexe, reliant les tendances européennes avec un aspect néo-byzantin. Avec ses centres commerciaux, ses boutiques luxueuses, ses cafés et restaurants très fréquentés, elle reste un passage obligatoire pour tous les habitants de la ville et les touristes. Comme la plus grande place de la ville accueille aussi les manifestations et les fêtes de Mairie, les rassemblements politiques ou certaines expositions en plein air.
Sur la place donne le fameux cinéma Olympion, qui reçoit chaque année le Festival International du Film de Thessalonique et l’hôtel Electra Palace, un de plus luxueux de la ville. Avant la construction de l’hôtel, au même endroit, se trouvait le siège de l’Alliance Universelle Israelite, qui a joué un rôle essentiel pour l’éducation de la communauté juive de la ville, très importante à l’époque. Au croisement de la rue Aristote avec l’avenue Tsimiski (où ne s’y lasse jamais à balader) se trouve une horloge solaire, avec des fleurs qui ont substitué les chiffres.
Tout près de la place se trouve le marché Modiano, construit par l’architecte Eli Modiano en 1922. Il s’agit d’un grand bâtiment couvert par une verrière avec plusieurs passages où l’on trouve de petits magasins, des bars et des tavernes, qui gardent l’air de la vieille ville. Même atmosphère, mais beaucoup plus populaire, on trouve au marché Kapani au croisement de la rue Aristote avec l’avenue Egnatia. Il n’y a rien qu’on ne peut pas trouver à Kapani disent les habitants de la ville et ils ont plus au moins raison. Des produits frais, des vendeurs de fruits et légumes, des épices, des ustensiles, des petits meubles, et des dizaines d’autres marchandises qui viennent de toute la Grèce et du monde entier.
L’espace au-dessus de la rue Egnatia est un ensemble vaste et distincte, mais en relation immédiate avec la rue Aristote. Il appartient au même axe déjà cité. Les architectes de la ville avaient l’intention d’y construire le centre administratif, un centre des institutions publiques. C’est pour cette raison que la place était nommée initialement Place des Tribunaux (Plateia Dikastirion), comme l’appellent encore aujourd’hui les habitants malgré l’annulation du projet à cause de la découverte de l’ancienne agora romaine. Il s’agit d’un site archéologique impressionnant dont les fouilles ont mis en lumière la vie, l’architecture et le quotidien du IIème siècle de notre ère.
Ce complexe des bâtiments qui constituait le forum romain commençait par l’avenue Egnatia moderne, l’ancienne Via Regia, par un Portique, ornée avec des pilastres représentant des figures mythologiques. Ces pilastres, les fameuses « incantadas » («enchantées») se trouvent aujourd’hui au musée du Louvre. L’agora romaine ou le forum romain, assez bien préservé, surtout après la restauration des plusieurs monuments, comprenait des places et des bâtiments publiques, des bains publiques, d’une bibliothèque et d’un Odéon, qui servait surtout pour les combats des gladiateurs. Dans le site a été construit récemment un musée souterrain, qui comprend des chefs-d’œuvre de cette époque.
En dehors du site archéologique on distingue surtout l’église Notre-Dame de Chaldée (Panayia Haldeon) qui date du 11ème siècle de notre ère et les hammams Bey Hamami (les bains du Paradis) construit en 1444 après J.C. pendant l’occupation Ottomane. Les bains ont fonctionné jusqu’en 1968. Cet ensemble de monuments est entouré par de parcs verdoyants et divers petites places.
Entre les deux ensembles urbains, celui de la place d’Aristote et celui de la place des Tribunaux est posée la statue du premier ministre, Elefthérios Venizélos, dont le rôle était décisif pour la libération de la ville par les Ottomans le 26 octobre 1912.
Enfin il y a une petite place charmante tout près de la rue Aristote, connue comme Louloudadika (Marché aux Fleurs). Des fleuristes y donnent la couleur du quartier. Au centre de la place existe un vieux hammam, le Yahudi Hamami (les bains des Juifs) construit au 16ème siècle. Il est transformé aujourd’hui en centre culturel. Plusieurs cafés et restaurants autour de la place et des rues pavées, restent ouverts pendant toute la journée et la nuit, donnant du repos aux habitants, dans une ambiance merveilleuse, surtout pendant les journées chaudes et humides de l’été.
Texte écrit par Lazaros Kozaris
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