Arte Povera au cinéma grec. Stavros Tornès (1932-1988) brouille les pistes et fait passer la (sa) vie poétique au grand écran. Flâneur lui-même de l’art et de la vie, fait toutes sortes de petits boulots avant de se jeter dans l’étude du cinéma en 1957. Il travaille dans les années ‘60 sur de nombreux tournages en tant que technicien et acteur dans le Ciel de Kanelopoulos et Bloko d’Ado Kyrou et fait avec Kostas Sfikas son premier court métrage intitulé “Thiraikos orthros” (Matines à l’île de Thera), documentaire sur Santorin.
La dictature des colonels le pousse à quitter le pays pour gagner l’Italie. Les grands réalisateurs italiens de gauche aux styles divers l’accueillent dans leurs films, comme le maître de la “Commedia all’ Italiana” Mario Monicelli, avec “Nous voulons les colonels” (1973), parodie de la dictature grecque, ou Francesco Rossi avec, entre autres, “Le Christ s’est arrêté à Eboli” (1979) basé sur le roman de Karlo Levi. Il reste surtout à la mémoire la figure de Tornès dans le grand film des Frères Taviani “Allosanfan” (1979).
Le goût de la peinture ne lui échappe guère et cela est visible dans la réalisation du film Coatti (1977) qui interprète avec sa compagne Charlotte Van Gelder. Voyage au quotidien où Stavros choisit des gens du peuple (camionneurs, paysans, etc.) alors que lui-même tient des propos mêlant christianisme et marxisme. Les rues de Rome, ses trattorie et les visages des habitués y sont présents à coté des expressions des Napolitains dans les rues de Naples.
Stavros ne revient en Grèce qu’en 1982 et il continue son parcours solitaire et poétique avec le film Balamos. Il décrit de la façon suivante ce terme : “Balamos, est un homme toujours en voyage, qui s’extasie devant le monde. Il marche sans but défini, à l’aventure, plongé dans son rêve, et entre de plain-pied dans les situations qui se présentent […].”
Vient ensuite Karkalou, titre qui renvoie au petit village de l’Arcadie. Le rêve et les visions mystiques hantent ce film étrange qui rompe encore une fois avec les conventions de la narration linéaire. (Prix de l’Association panhéllenique de la Critique).
Danilo Treles est son avant dernier film. Le grand critique du cinéma grec Giannis Bakoyanopoulos nous donne sa propre description de ce film: “Danilo Treles, ressemble à un jeu dadaïste, conduit par le vieux Volpone, l’homme-renard qui incarne la ruse, la dépravation et le sarcasme. Le film tout entier est une mise en scène de l’égarement, un conte humoristique sans véritable trame. Les personnages les plus hétéroclites, les races et les langues se rencontrent dans les montagnes et les fleuves d’Épire”.
Un héron pour l’Allemagne, c’est son dernier film (1987) fait presque de rien, mais adoucit par la musique du grand Manos Hadjidakis. Rêve contre réalité, imagination contre quotidienneté et références à l’histoire sont les ingrédients de ce film.
A voir également Le Pauvre Chasseur du Sud, documentaire de Stavros Kaplanidis (1994), qui constitue un voyage dans le monde et les images de Stavros Tornès et à retenir surtout cela à propos l’œuvre de Stavros: l’art ne nécessite pas forcement les grands budgets et les gigantesques campagnes publicitaires.