Athènes telle qu’elle a été saisie par l’objectif de Fred Boissonnas en 1920. Le temple d’Héphaïstos au premier plan. En arrière-plan, Vrysaki grimpe vers le haut de la pente de l’Acropole.

L’Agora d’Athènes, ou agora classique, un des plus importants sites touristiques de la ville d’Athènes, située au nord-est de l’Acropole, n’a pas toujours été un grand espace ouvert avec des anciennes ruines. Jusqu’ aux années 1930 ce centre commercial et administratif d’Athènes classique, créé au VIe av. JC, se trouvait au-dessus du tissu urbain de la ville moderne et notamment au-dessus d’un quartier au centre de la capitale grecque qui s’appelait Vrysaki. Situé près du quartier de Plaka, Vrysaki était l’un des quartiers les plus densément peuplés, encombrés et vivants de la “vieille Athènes”.

Rue Eponymon, 1931 (avant les fouilles)

Tirant son nom d’une fontaine (« vrysi » en grec) ou – plus probablement – d’une corruption du nom d’Evrysakis, fils d’Ajax auquel un ancien sanctuaire local était dédié, le quartier était un véritable creuset de personnes, de classes sociales et d’activités, un fait qui a façonné à la fois son caractère et son apparence. À côté des Athéniens de la classe moyenne, des cols blancs et des professions libérales, qui y ont principalement construit leurs maisons et leurs entreprises à partir de 1860, des réfugiés et toutes sortes de représentants de la classe ouvrière et des pauvres de l’entre-deux-guerres s’y sont installés, construisant à côté des maisons néoclassiques et d’autres maisons urbaines de nombreux taudis, bidonvilles et cabanes. Un quartier – un patchwork sans ordre considéré comme dégradé, mais qui constituait en même temps l’une des parties les plus vivantes et les plus animées d’Athènes.

Dès qu’Athènes est devenue la capitale du nouvel État grec, les Grecs et les étrangers ont voulu découvrir l’Athènes antique, alors les travaux de fouilles de l’Agora, berceau de la démocratie dans la Grèce antique ont pris une grande ampleur. Pour effectuer des fouilles dans la région, il fallait exproprier Vrysaki et indemniser les propriétaires et les locataires, comme il y avait là des maisons et des commerces.

Côté ouest de l’Agora, l’après-midi du 25 mai 1931, premier jour de fouilles dans la section. Source : American School of Classical Studies / ASCA archives (https://agora.ascsa.net)

En 1930, l’Agora antique n’ayant pas été découverte, l’École américaine d’études classiques d’Athènes (American School of Classical Studies / ASCA) a été chargée de fouiller la zone pendant les dix années suivantes, de localiser l’Agora antique et de construire un musée. Entre 1931 et 1939 la quasi-totalité du quartier a disparu et ses habitants ont été contraints de l’abandonner, lorsque l’État a décidé d’exproprier la zone afin de faciliter les grandes fouilles de l’Agora antique. Des centaines de bâtiments, dont 348 répertoriés dans les archives de l’École américaine, ont été systématiquement démolis et plus de 5 000 locataires et propriétaires d’entreprises ont été déplacés après avoir été indemnisés.

Photographie aérienne de Vrysaki, prise le 5 juillet 1933. La zone située à l’ouest de la rue Eponymon a été excavée.

Vrysaki, qui s’étendait du temple d’Héphaïstos à Thision à l’ouest jusqu’à la Stoa Attalos à l’est, et de l’église des Saints Apôtres Solakis au sud jusqu’aux lignes de chemin de fer électrique et à la rue Adrianos au nord, a été rayé de la carte de la ville. Des baraques de réfugiés, des magasins, des usines, des cafés, des maisons folkloriques et néoclassiques ont été démolis.

Vryssaki ne comptait que deux grandes places : la vaste place Thiseion, qui tirait son nom du temple voisin de Thiseion – parce que les métopes étaient décorées de représentations de Thésée – et la longue place de la Stoa des géants, créée à la suite des fouilles effectuées autour des statues colossales.

L’église des Saints Apôtres de Solaki,le seul bâtiment non antique conservé dans le site archéologique de l’Agora. Source : George E. Koronaios, CC0, via Wikimedia Commons

Avant les fouilles, deux églises paroissiales étaient encore préservées. La plus ancienne était l’église des Saints Apôtres de Solaki, une église byzantine de style athénien simple en forme de croix concave à quatre branches, datant du XIe siècle, avec un ajout néoclassique du XIXe siècle à l’ouest. C’est le seul bâtiment non antique conservé dans le site archéologique de l’Agora, car c’est la plus belle église byzantine d’Athènes. Après les fouilles du site, elle a été restaurée dans sa forme originale en 1956 et est depuis lors utilisée comme musée. Elle contient des fresques des églises démolies de la région.

L’un des changements les plus importants dans le tissu de la vieille ville a eu lieu en 1890, lorsqu’une grande tranchée de 15 mètres de large a été creusée pour prolonger la ligne de chemin de fer entre Thiseion et Omonia.

Le portique (ou Stoa) d’Attale a été construite et ouverte au public dans les années 1950. Source: Pedro P. Palazzo, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons

La fouille de l’Agora antique est considérée aujourd’hui comme une œuvre originale du début du XXe siècle, car elle s’est déroulée dans le tissu urbain d’une ville. Elle a également été enregistrée à chaque étape, grâce à la méthode de la photographie. Avant la démolition des maisons, les archéologues ont photographié et recensé les propriétés, de sorte que nous disposons aujourd’hui d’une très bonne image de la zone avant sa disparition. Les archives photographiques de l’American School of Archaeology, qui comprennent environ 35 000 photographies et 6 000 dessins, sont conservées au musée de l’Agora antique, dans la Stoa d’Attalos. L’ampleur du projet et le niveau de documentation le rendent unique dans l’histoire de l’archéologie grecque.

Les fouilles de l’Agora antique ont été interrompues en 1940 en raison de la guerre. Le contrat prévoyait des fouilles depuis les voies ferrées de Thiseion jusqu’à l’Acropole. En 1945, les travaux ont repris et le portique (ou stoa) d’Attale a été construite et ouverte au public dans les années 1950. Lorsqu’on a découvert que l’Agora antique s’étendait au-delà des estimations initiales, d’autres maisons ont été expropriées.

 Le temple d’Héphaïstos, vu de l’ancienne Agora, Athènes, Grèce. Source: Jebulon, CC0, via Wikimedia Commons

Au début de l’année 1999, le ministère de la Culture et des Sports a pris une initiative importante pour sauver et mettre en valeur une petite partie du quartier situé à l’est du portique d’Attale, qui avait survécu à la démolition mais avait été abandonnée aux ravages du temps pendant des dizaines d’années. Il s’agit des 18 bâtiments qui constituent le musée de la Culture grecque moderne qui font revivre des aspects importants de l’histoire culturelle plus récente d’Athènes mais aussi de la Grèce.

Exposition “Vrysaki : la renaissance d’un quartier à travers les archives de l’École américaine d’études classiques d’Athènes”

Ces jours-là, une exposition sur les travaux originaux de la fouille de l’Agora antique est organisée par l’École américaine d’études classiques d’Athènes (du 18 juin au 3 août et du 4 septembre au 17 novembre 2024), racontant l’histoire du quartier de Vrysaki qui a été sacrifié pour mettre en lumière le berceau de la démocratie grecque et donner vie à l’Acropole. L’exposition temporaire intitulée “Vrysaki : la renaissance d’un quartier à travers les archives de l’École américaine d’études classiques d’Athènes” met en lumière l’histoire des fouilles et fait revivre une partie d’Athènes oubliée.

L’histoire du quartier de Vrysaki est ravivée à travers six sections thématiques avant et après les fouilles l’École américaine d’études classiques d’Athènes en 1931 de la période ottomane à l’après-guerre. La forme et l’architecture des bâtiments, les rues, les places, les ponts, les églises, des scènes de la vie quotidienne, les camps de réfugiés et les fouilles archéologiques sont présentés. Les expositions comprennent des éléments architecturaux des maisons qui ont été démolies, des pièces archéologiques provenant des fouilles, des objets de la vie quotidienne des habitants, dont certains étaient également utilisés pour le stockage des antiquités, tels que des boîtes à chaussures, des boîtes à cigarettes et des canettes.

Lire plus sur l’exposition :
https://www.ascsa.edu.gr/events/details/vrysaki-revival-of-lost-neighborhood

IE

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