Camille Romagnani* est une artiste et designer d’origine franco-chinoise, agée de 29 ans. Elle grandit à Paris et dans différentes villes d’Asie. Au bout de ses études parisiennes, à l’ENSAAMA Olivier de Serre en design produit (diplomée en 2013), puis à l’ENSCI Les Ateliers en design textile (diplomée en 2018), elle déménage en Grèce, à Athènes, dans le but de découvrir un nouveau territoire. C’est en Grèce précisèment, au contact des musées d’archéologie et de potiers locaux, qu’elle découvre la céramique. Elle se passionne pour cette matière qui permet une exploration libre de forme, textures et couleurs. Elle développe en parallèle, une recherche autour de la cire d’abeille. Ses créations explorent la notion de paysage de l’échelle panoramique à l’échelle microscopique. Elle s’inspire des éléments naturels qu’elle collecte et photographie. Elle travaille actuellement entre Paris et Athènes.
Dans son entretien avec Grèce Hebdo**, Camille Romagnani nous parle de ses projets et la vie au sein de la scène artistique athénienne.
Design textile, photographie, sculptures en céramique, collaborations avec des manufactures de mode et artistes médiatiques. Votre travail est multidimensionnel. Quel est le fil qui unit vos projets ?
Cette pratique pluridisciplinaire s’est construite toute seule. Je ne suis pas capable de me limiter à un champ de discipline. J’ai toujours suivi mes intérêts, au gré des envies, des rencontres, des opportunités. Je suis passionnée d’artisanat depuis toujours, et curieuse de tous les savoirs faire. Mon centre d’intérêt dans chaque discipline qui pourrait relier mes projets est une représentation d’un paysage, un détail, un moment qui a suscité en moi une émotion, que j’ai eu envie de retranscrire. C’est ainsi que j’ai auto- édité un livre de photographies « Botanikos » sur les roches et les plantes croisées lors de marches en Grèce.
Vous avez vécu à Paris et dans différentes villes d’Asie telles que Pékin, Taipei et Hanoi. Vous travaillez actuellement entre Paris et Athènes. La question qui en résulte est en quoi consiste l’apport que chaque ville a ramené en ce qui concerne votre regard artistique ?
Dans le cadre des Ateliers Médicis vous avez développé un projet de recherche autour de la notion d’architecture textile, dans une école élémentaire du département de Seine-Saint-Denis. Quelles conclusions en avez-vous tirées pour ce qui est du rôle des arts appliqués sur le renouvellement urbain ?
Ce projet a été réalisé pendant la période de pandémie, dans un climat très spécial en classe, où je n’ai pas connu le visage entier des élèves. L’idée était de les évader de leur quotidien, ouvrir leurs horizons, travailler avec des matériaux inhabituels comme la paille, la toile de parachute, expérimenter des méthodes de création collective, apprendre à travailler en groupe, à faire des compromis…
J’ai trouvé très intéressant d’essayer de sortir les élèves d’un cadre scolaire, tout en restant dans une salle de classe, pour apprendre autrement, réfléchir, « penser avec les mains ». Ce travail expérimental ne doit pas être mis au second plan par rapport aux cours en classe. S’autoriser à faire n’est pas facile.
Athènes était souvent considéré comme « le nouveau Berlin » pendant les années de la crise. Ce lieu de bouillonnement artistique existe-il vraiment selon vous ? Quels sont les éléments qui font d’Athènes un endroit unique pour les créateurs et quels sont les plus grands défis pour une jeune artiste qui décide de s’installer ici ?
Oui, le bouillonnement artistique athénien est réel ! Avec un grand nombre d’artistes venant s’y installer de tous horizons, tous âges, toutes origines, avec des univers très différent. Cette diversité est très enrichissante. Je pense qu’Athènes est pour cela un endroit unique, très formateur.
Il y a une grande diversité de métiers et d’artisans avec qui collaborer. La scène locale est motivée, et dispose d’espace et de liberté pour s’exprimer. Le plus grand défi pour vivre ici en tant qu’artiste est financier.
Je trouve difficile de s’intégrer auprès des grecs en tant qu’étrangère, et c’est un sentiment partagé par de nombreux étrangers. Être d’origine asiatique de cette ville peut amener un sentiment de solitude, qui j’espère s’estompera dans une plus grande diversité. Personnellement, j’ai du mal à m’inscrire dans l’esthétique locale, ce qui a pu être problématique. C’est difficile de trouver sa place sur une scène au caractère très affirmé. J’espère que différentes pistes esthétiques et thématiques pourront coexister et chacun prendre de l’ampleur, que toutes les voix pourront s’exprimer.
Quel est le TOP 3 de vos lieux préférés pour se balader à Athènes ?
Le Phillopapou est mon parc préféré, peut-être au monde ! C’est une sensation merveilleuse de se sentir isolé dans la montagne, avec les bruits de la ville en fond. Les collines en général sont des lieux uniques et magiques, elles ont d’ailleurs inspiré un livre de photographie par Nicolas Melemis, sur lequel j’ai travaillé ;
La place Merkouri est pour moi la plus belle place d’Athènes, à l’ambiance indéfinissable et charmante. J’aime que la place soit un lieu public, où tout le monde peut s’asseoir, jouer de la musique, discuter, avec des chiens, des enfants, des jeunes, des vieux … Un lieu où on peut simplement être ensemble ;
Les laiki ! (Voire mon livre photo, « Laiki ») Je peux observer des heures les produits, les couleurs, les odeurs, les sons, les producteurs et les habitants du quartier, j’adore ce bouillonnement de vie intergénérationel.
*Site internet de l’artiste : www.camilleromagnani.com
** Propos recueillis par Lina Syriopoulou | GreceHebdo.gr