Que j’enflamme des poèmes, que je brûle des mots, que j’éloigne
Le serpent vorace qui vient. Et qui siffle.
Que je coupe à ras les boucles de la mémoire. A quoi
me servent-elles ? Que le présent reste chauve, chauve
et gluant. Comme un vieux bébé.
Que je devienne niais. Idiot et imbécile. Que l’oubli
couvre de sa terre les dépouilles du ‘il était une fois’.
Que devienne tombeau des jours. Que je refleurisse
sur le tombeau et que je fane. Tombeau sans croix
et sans ‘’ci-gît’’. C’est très important. Il ne faut pas que
je l’oublie.
Que je l’oublie. C’est seulement comme ça que je m’en souviendrai.
Que je dorme les grands yeux ouverts. Pour voir la
défaite de la lumière. Pour voir et savoir comment
j’imagine. Que je laisse les petits chevaux des
sensations et le fiacre continue immobile et l’infini
voyage. Puisque je l’ai dit, le voyage sera sans
fin. Puisque le fiacre c’est moi.
Que j’aprenne que je ne suis pas. Que je pense
passionément que je n’existe pas. Puisque si j’
existais, sûrement, je ne penserais pas. (Pourquoi ?)
Que je dresse l’oreille au silence du rien. Pour
Entendre le profond ronflement ; le chrrr de Chronos.
Que je ne m’effraie pas – que je ne me réjouisse pas.
Que j’écrive des poèmes avec un seul mot. (Lequel ?)
Que je change et reste le même. (Lequel ?)
Que je nettoie mon cerveau de sang, que je lave les morts
de l’Histoire.
Que je dresse des plans pour le passé.
Traduction: Kostas Nassikas et Démosthène Agrafiotis ‘’Anthologie de la poésie grecque 1975-2005’’ Ed. L’Harmattan
Peinture: Alekos Kontopoulos ‘’Abstrait’’ source nikias.gr
Le poème original en grec sur notre page facebook