Alexandros Papadiamantis, né à l’île de Skiathos en 1851, auteur de nombreuses nouvelles et de romans qui ont profondément marqué la littérature grecque, est considéré comme le fondateur des lettres modernes en Grèce. Il est d’ailleurs surnomméle Saint des lettres grecques, ce qui renvoie également au rapport spécifique qui maintient avec la tradition orthodoxe.
Papadiamantis quitte Skiathos en 1873 et il se rend à Athènes où il fréquente le Lycée de Varvakeio. En 1874, il s’inscrit à la Faculté de Philosophie, où il suit des cours de Lettres, toute en s’ intéressant à l’ apprentissage des langues étrangères.
Auteur de quelques romans et surtout de près de cent quatre vingt nouvelles dont la plupart ont pour cadre Skiathos, Papadiamantis utilise dans ses écrits la forme savante du grec et la plupart de ses récits sont moralistes et profondément marqués par l’élément religieux. Papadiamantis exprimera son hostilité envers la vie monastique tout au long de son œuvre, mais aussi son attirance, comme on peut le déduire de la récurrence de héros cherchant à rentrer dans les ordres. Dans son roman ‘’La Fille de Bohême’’ (ἩΓυφτοπούλα), il reprendra l’esquisse du monastère en institution irréligieuse et espace carcéral tout en le peuplant de névrosés et de sociopathes dépeints de manière bouffonne.
Chez Papadiamantis, les références à l’omniprésence de la religion orthodoxe sont fréquentes, et pas seulement parce qu’elles font partie du quotidien, mais aussi parce qu’elles participent à une certaine forme de compréhension du monde et d’interprétation du réel. La présence de nombreux lieux de culte se retrouve dans presque toutes ses nouvelles.
La rédaction et la publication des nouvelles s’étendent sur presque toute la vie d’écrivain de l’auteur, qui s’est d’abord intéressé au genre romanesque, avant de devenir rapidement un nouvelliste de premier plan. Dans ses nouvelles, Papadiamantis utilise les deux langues : la kathéverousa pour la narration, et la démotique dans les dialogues. Écrivain de l’insularité, portraitiste des milieux populaires, en décrivant son milieu d’origine, il utilise une langue qui le situe d’emblée hors des siens, l’isole, lui interdit presque d’être lu par ceux dont il parle. Alexandre Papadiamantis puise son inspiration à plusieurs sources: de l’histoire récente de la Grèce, complétée d’allusions au passé plus lointain, de l’univers de la religion, baigné de mysticisme chrétien, mais aussi de l’univers du quotidien et de la culture populaire.
En ce qui concerne les protagonistes de ses œuvres, selon Odysséas Elytis « Les personnages de Papadiamantis concentrent en eux les éternelles passions humaines – amours, jalousies, ambitions, haines, meurtres et malheurs – dans un mouvement hiératique, pareil au rythme de chœur de la tragédie antique, à peine perceptible mais suffisant pour suggérer la nature la plus pure et la plus intime du monde. » En racontant l’histoire propre à chaque personnage, Papadiamantis met à l’avant-scène un éventail complet des grandeurs et des faiblesses de l’être humain. Mensonges, moqueries, intimidations, cupidité, lâcheté, et irresponsabilité règnent, même si de temps en temps, un personnage se montre digne de louange.
Dans l’une des ses œuvres les plus connues ‘’Les petites filles et la mort’’ (1903) (ΗΦόνισσα en grec), il décrit l’histoire de la vieille Yannou, une sage-femme prise de pitié par l’inégalité du statut social des femmes, voyant que les filles représentaient un fardeau pour les familles pauvres. La vieille Yannou est au chevet de sa petite-fille, âgée de quelques jours à peine et déjà gravement malade. Au fil des heures de veille durant lesquelles elle se remémore sa vie passée, elle découvre qu’elle n’a jamais vécu que dans la servitude. Elle se persuade alors que son devoir est de délivrer – par tous les moyens – les petites filles de l’enfer qui les attend. Dans ce livre, Papadiamantis invente une langue somptueuse et propose une réflexion sur la condition féminine.
Atteint d’une pneumonie, Papadiamantis meurt en janvier 1911. Sa maison paternelle, rachetée en 1954 par l’État grec, est transformée en musée. La maison de Papadiamantis à Skiathos, une maison traditionnelle simple et discrète, à quelques mètres du port, donne au visiteur l’impression qu’elle est sortie directement de ses nouvelles. Quelques objets personnels de Papadiamantis complètent l’ameublement simple de la maison et sont la seule propriété matérielle que le grand auteur nous a laissée.
photo de couverture: http://mouseiopapadiamanti.blogspot.com/
m.o.
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