Pelagia (Pelly) Angelopolou est née à Athènes (Grèce) et a étudié la peinture, la mosaïque (ψηφιδωτό en grec) et l’histoire de l’art à l’Ecole des beaux-arts d’Athènes (EBAA) de 1969 à 1974. De 1984 à 1992, elle a enseigné l’art de la mosaïque au sein de l’EBAA.
Depuis 1995, elle vit et travaille à Bruxelles en poursuivant une carrière internationale. Les principales étapes de son parcours comprennent une série d’expositions personnelles au Japon en 1991 (à Tokyo et à Osaka), organisées par le groupe d’édition « Yomiuri Shimbun », en collaboration avec l’Agence nationale des affaires culturelles du Japon. En 2008, elle présente une exposition au Musées royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles Cinquantenaire. En 2012, elle est présente à la Biennale de Moscou avec « reliquaire », une installation de « mixed media ». Elle a aussi participé à des expositions en Grèce, en Allemagne, aux États-Unis, en Russie et aux Pays-Bas.
Les œuvres de Pelly Angelopoulou se trouvent dans des collections publiques et privées, ainsi que dans des monuments historiques en Europe, aux Etats-Unis, au Japon et en Russie [à titre indicatif : Gallerie nationale d’Athènes, musée Vorrès à Athènes, Odaquye musée de Tokyo, Yomiuri collection Shimbun Tokyo, Saint Pantaleon (église romane du 10ème siècle, Cologne, Allemagne), Saint Dimitrios Bassilica (église du 5e siècle, Thessalonique, Grèce), Sainte-Catherine (église byzantine du 10ème siècle, Athènes), Fondation Akhmetov, Russie.]
Dans son entretien avec GrèceHebdo* Pelly Angelopoulou evoque l’art de la mosaïque et son évolution depuis l’antiquité jusqu’ à nos jours, en mentionnant également son parcours personnel.
Mosaïques de Pelly Angelopoulou: “Dans le feu des illusions” ( à gauche), “Experience mystique ( à droite).
Comment définirions-nous l’art de la mosaïque et quelles sont ses périodes fondamentales de développement dans l’histoire ?
La mosaïque est un art visuel, et comme toutes les expressions artistiques, cela dépend de qui l’utilise et comment. Nous pourrions la définir comme une image cohérente dont chaque partie est constituée de petits ou de gros morceaux de pierre, de marbre, de verre, reliés avec du mortier. On trouve une forme de mosaïque d’abord sur les façades de construction sumérienne, fin du quatrième millénaire avant J.-C. Ensuite, pendant la période néolithique en Crète, des planchers de cailloux sont créés sans but précis.
Au 6ème siècle avant J.-C, à Olynthe (Chalcidique), on retrouve pour la première fois une mosaïque, d’une esthétique immature avec un schéma spécifique. Au 4ème siècle, nous avons déjà les excellentes mosaïques de Pella, lieu de naissance d’Alexandre le Grand aussi des galets, avec de belles couleurs qui font foi de la connaissance profonde et de l’intérêt de l’artiste à réaliser la plasticité des formes avec une excellente maîtrise. Le nom du créateur de ces mosaïques est « Gnosis » qui signifie « connaissance » en grec. A mentionner aussi qu’en 325 dans le temple de Zeus à Olympie, quelques pierres ont été coupées injustement et ainsi est apparue la base de la composition des icônes : les petits cubes.
A la fin du 2ème siècle, nous avons les célèbres mosaïques de Délos. Ensuite, on doit mentionner les sols noir et blanc, une réussite de la période romaine. En 350, à Stanza Costanza à Rome, on constate le premier changement évident des mosaïques grecques et gréco-romaines pour des mosaïques byzantines. C’est le début du millénaire de l’instrument au service de l’église. Les mosaïques qui au début avaient les lignes simples et couvraient les sols, occupent maintenant les murs et les dômes des bâtiments. Esthétiquement, cela pose un problème plus complexe, qui traite non seulement de la forme mais aussi du contenu et de la difficulté de la composition. A partir du 14ème siècle, le créateur et le réalisateur de l’œuvre ne sont plus la même personne, et ce fut la cause de la décadence de l’art. Une renaissance des mosaïques commence au début du 20e siècle, mais sans arriver aux résultats esthétiques d’antan.
Mosaïques, details (de gauche à droite): Justinianus I (Basilica San Vitale, Ravenna), Fille roma (Zevgma, Turquie) Jesus Christ (Haghia Sophia, Istanbul), Mosaic de Theodora (Basilica San Vitale, Ravenna), La Vierge Marie (Haghia Sophia de Thessaloniki), Rotonda de Thessaloniki.
Que peut apporter la mosaïque de plus par rapport a la peinture ?
Ce n’est pas la mosaïque elle-même qui montre quelque chose de différent, cela dépend de ce que l’artiste veut exprimer avec son travail. La mosaïque est expressément plus rigide et impose des formes plus abstraites que la peinture.
Vous avez développé des techniques et des thèmes modernes. Cependant, la mosaïque pour la plupart des gens est identifiable autour des thèmes religieux et de Byzance. Que signifie cet héritage pour vous ?
Mon héritage culturel et mon travail personnel sont deux paramètres parfaitement distincts. Je suis née dans la Grèce d’après-guerre, mon père était officier et j’ai eu l’opportunité de vivre dans différentes régions du pays, un pays regorgeant d’histoire. Mon grand père maternel était sculpteur et travaillait sur l’entretien du Parthénon. Pour moi, le patrimoine culturel grec faisait partie de mon quotidien, c’était mon jeu et ma propriété. J’avais un contact direct avec cet héritage et non une connaissance abstraite simplement à travers les livres. J’étais en contact avec l’âme de cet héritage qui m’a pénétré et est devenu une partie intégrale de mon esthétique.
D’autre part, à l’École des Beaux-arts d’Athènes, j’ai principalement étudié la peinture et pendant la quatrième et cinquième année de mes études, j’ai pris des cours de mosaïque. En commençant ma carrière, avec la naïveté et les aspirations d’une jeune artiste, je voulais être différente des autres. L’art de la mosaïque a connu une évolution jusqu’au 13ème siècle, c’était donc un art méconnu qui offrait des possibilités inédites d’expérimentation. Forcément, je devais apprendre les règles et les caractéristiques qui font de la mosaïque un art, et non de la décoration ou de l’artisanat. Pour cela, il fallait revenir aux chefs-d’œuvre de l’antiquité et de l’époque byzantine pour les étudier, les analyser et les comprendre à fond. Cette connaissance m’a donné une grande liberté pour relier le passé avec le présent et pour développer mon propre style. En ce qui concerne l’identification de la mosaïque exclusivement avec des thèmes religieux, cela est dû à l’ignorance, puisque il y a aussi d’excellents exemples de mosaïques antiques grecques et romaines. Cependant, les sujets étaient souvent choisis par les patrons de chaque période, et pour cette raison que durant la Renaissance de nombreux thèmes religieux ont été traités. En outre, la question de chaque projet doit être appréhendée de façon abstraite et symbolique. Andrei Rublev, par exemple, qu’aurait-il à envier aux autres peintres expressionnistes? Ou Domenikos Theotocopoulos (El Greco) n’a-t-il pas commencé comme hagiographe? Pourtant il a réussi à imposer – malgré les difficultés – son style personnel tout en laissant une œuvre qui avait 200 ans d’avance sur son temps.
Mosaïques de Pelly Angelopoulou: “Y a t il un pilote a la culture” (à gauche), “Images du Monde flottant” (detail).
Quel est le rôle des matériaux dans les mosaïques ? Quels matériaux préférez-vous, comment les développez-vous, et pourquoi ?
Le matériel est d’une grande importance pour le résultat final. Les matériaux classiques des mosaïques sont les pierres naturelles et les émaux produits par les méthodes byzantines à Venise. Personnellement, je n’ai pas de préférence pour les matériaux, ils varient toujours selon ce que je veux créer. Parfois, je cherche des matériaux spécifiques pour m’aider à matérialiser une idée particulière. D’autres fois, je trouve un objet et je vais dans la direction opposée, essayant de le valoriser en imaginant une histoire autour de cela. La difficulté est de parvenir enfin à un équilibre entre des éléments contradictoires. La tentative d’équilibrer ces différents éléments, sans compromettre l’unité esthétique du projet, nécessite une maîtrise particulière.
Mosaïques de Pelly Angelopoulou.
En plus de la mosaïque, vous abordez également le collage, un art qui utilise à nouveau de nombreuses pièces différentes. Pourquoi ces options ?
Traitant de la mosaïque déjà depuis 45 ans, je suis accrochée au charme de la déconstruction des matériaux et à la composition des images à partir de toutes les pièces. Alors, c’est en effet la même logique qu’il y a dans l’image numérique! La différence est que la mosaïque constitue un art monumental qui prend beaucoup de temps et nécessite de l’abstraction. J’ai voyagé grâce à mon travail dans de nombreux pays et j’ai eu l’occasion de connaître leurs structures sociales et culturelles. J’adore l’art de toute sorte et de tous les temps et je me sens préoccupée par les perspectives d’avenir de la société moderne. Je voudrais parler de tout cela et le collage est plus direct et flexible. Cela m’offre l’opportunité de m’exprimer sur toutes mes recherches.
Collages de Pelly Angelopoulou
Ayant enseigné dans une institution d’Etat grecque (Ecole des Beaux-arts), à votre avis, quel devrait être le rôle des acteurs étatiques à la fois dans l’éducation artistique et dans la promotion du dialogue entre le public et l’art ?
La chose la plus importante est l’apprentissage et de s’habituer à la beauté dès l’enfance. C’est important de concevoir la culture comme un jeu. Cela nécessite une attention particulière au sein de la famille, à l’école, mais aussi à travers les images qui nous entourent, dabs la rue et même à l’arrêt de bus. Par exemple, on voit que le métro d’Athènes est finalement respecté. Même les fêtes dans les rues cultivent l’esthétique, car la musique est d’une grande importance, elle devrait être entendue même à l’école. De plus, étant donné que dans l’antiquité, Athènes et toute la Grèce étaient ornées de statues, l’idée serait toujours de placer les œuvres d’art dans des lieux publics après une sélection basée sur des critères spécifiques. Les mécanismes étatiques sont souvent rigides, lourds et discriminatoires. Cependant, les individus et les petits groupes contribuent également à la création d’un environnement esthétique.
Pour finir, quelles seraient, selon vous, les dix mosaïques à voir absolument aujourd’hui en Grèce et dans le monde ?
Je pense avant tout aux œuvres suivantes: Le monastère Daphni, Aghia Sophia de Thessalonique, la Rontonde de Thessalonique, le mosaïque « Dionysos sur une panthère » (Délos), les mosaïques de Pella, Aghia Sophia à Istanbul, Nea Moni de Chora (connu sous comme Kariyemosquée) à Istanbul, les anciens sols grecs à Zeugma en Turquie, Basilica di San Vitale à Ravena, les mosaïques de Pompéi au musée de Naples.
* Interview accordée à Magdalini Varoucha
[Traduction du grec : Nicole Stellos]
Anciens mosaïques de Grèce: à gauche, mosaïque fait de Gnosis (Pella, 4ème siècle av. J.-C.), à droite, “Dionysos sur une panthère” (Delos, 2ème siècle av. J.-C.)
M.V.