George-Icaros Babassakis (avril 1960) est poète, traducteur, écrivain et chercheur des mouvements Futurisme, Dada, Surréalisme, de la Beat Génération et du courant pour le « dépassement et l’incarnation de l’Art » (CoBrA, Lettristes, Situationnistes). Il a fondé et dirigé la revue Propaganda (1997-2002). Il est écrivain des livres sur William Burroughs et Guy Debord. Actuellement, il dirige la revue/projet KOREKT (éditions Nepheli) et la série littéraire Documentaires Inattendus   (éditions Gavriilidis). 
 
George-Icaros Babassakis a parlé à GrèceHebdo* et à Greek News Agenda/Reading Greece de ses rapports avec Athènes et le voyage urbain, des lieux « sacrés » où les amis se réunissent ainsi que la possibilité de créer des petites îlots de poésie sous les pavés de la ville.
George – Icaros Babassakis, © Marili Zarkou
 
Vous êtes constamment préoccupé par le souci de l’esthétique, de l’art de la vie et de la poésie comme des pratiques quotidiennes, comme des tentatives persistantes vouées à la création des « situations » au sens que Guy Debord donne à ce terme. Quels sont les moyens utilisés pour faire apparaitre les fissures, les niches, les aspects magiques des choses au sein d’Athènes ?
 
J’erre continuellement dans le paysage urbain, gardant les yeux ouverts, les yeux et les narines en alerte, comme un chien prêt à reconnaître le petit miracle devant lui. Ceci peut éventuellement se retrouver dans le regard d’un inconnu ou face à une vieille porte magnifique à la rue Thiras (Patissia), voire dans la  combinaison inattendue d’un cendrier avec un verre de vin et une fleur sur la table d’un café autour de laquelle se réunissent des clients ayant plus de soixante dix ans. Mais aussi, le miracle devient visible pendant des réunions avec des amis, à travers de longues conversations dans nos bars préfères où nous découvrons des choses cachées issues des rues et des ruelles de la ville.
 
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© Marili Zarkou

Vous avez écrit des livres ayant comme titres les noms de vos deux bars préférés (Enoikos, Au Revoir) et d’un café (Ouzomafsoleion Kapetan Michalis). Qu’est-ce que les lieux de rencontres représentent pour vous ?

Les lieux de rencontre constituent mon souffle, et en même temps le prolongement de mon atelier / bureau. Mes amis et moi, nous nous y rencontrons, dans ces lieux sacrés, sanctifiés par le temps, tout au long des années, voire des décennies, où des innombrables heures sont consommées à leur intérieur. Dans ces endroits nous nous y sommes reposés du travail quotidien, nous y avons fait énormément de projets concernant des livres, des films, des disques et tout autre que vous pourriez imaginer. A Enoikos, la bande d’amis comprenait, parmi d’autres, Kostis Papagiorgis, Christos Vakalopoulos et Ilias Lagios qu’ils ne sont plus à la vie, et l’auteur poétique Evgenios Aranitsis. Nous écoutions de la musique jazz, tout en battant des records successifs dans la  consommation de whiskey. Chez Capetan Michalis, lieu de nos rencontres même aujourd’hui, une bande d’écrivains, poètes, peintres, photographes et philosophes, se réunit toujours sous la « présidence » de l’écrivain Tassos Goudelis.

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Vous affirmez: « La ville est l’usine qui suscite des mémoires. » Pourquoi croyez-vous que la mémoire se produit uniquement dans la ville et non pas dans la nature aussi ?

La mémoire est omniprésente, tant dans la ville que dans  la nature. Le fameux Walden de Thoreau est la mémoire de la nature. Les romans de Thomas Bernhard constituent de leur part la mémoire de la ville. Il  incombe a la ville de nous proposer l’ouverture a l’énigme, selon Maria Mitsora, et pour ce qui me concerne, depuis des décennies, je m’adonne aux énigmes de la ville, a ses surprises successives et aux retrouvailles fascinantes que celle-ci nous offre.

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 © Marili Zarkou

Vous affirmez que vous êtes adepte de la flânerie urbaine et de la dérive au sens situationniste du terme, sans pour autant effectuer vous-mêmes des voyages. Expliquez-nous pourquoi.

Auparavant le voyage faisait partie de mes intérêts. Pour donner un exemple, le voyage Athènes-Paris était une sorte de banalité pour moi, comme un trajet régulier qui fait le tram athénien. J’adorais errer dans la ville d’André Breton, de Jacques Prévert et de Guy Débord pendant des heures. A la place d’une carte  de la ville, j’utilisais comme guide certaines de mes œuvres littéraires bien-aimées comme « La fête éternelle » d’Hemingway et le « Tropique du cancer » de Henry Miller. En me baladant je me perdais souvent, ce qui constituait une situation très agréable. Toutefois, au cours des dix dernières années, ce qui me fascine le plus est de voyager sans cesse  dans la ville d’Athènes. Ici, je me trouve vraiment chez moi, comme si Athènes est une extension de mon séjour ou de ma cuisine. Aujourd’hui, ce sont des endroits familiers qui m’attirent le plus, accompagnés par des personnes proches et bien aimées qui m’intéressent et que j’aime revoir, en approfondissant ma relation avec eux ce qui permet de découvrir chez eux de nouveaux aspects.

Donc, La vie est belle, et facile ?

Tout ce que nous avons dit auparavant demeure toujours valable. Oui donc, la vie est belle et facile. Il suffit de rester fidèles à nos obsessions, d’être loyales à nos convictions et d’honorer les choses qu’on aime.

Quels sont les livres (les vôtres ou d’autres) à recommander à quelqu’un qui veut faire la découverte d’Athènes d’aujourd’hui ?

Je propose les livres d’Eugenios Aranitsis et de Christos Vakalopoulos, notamment  Détails pour la fin du monde  (E. Aranitsis, éditions Nepheli) et  Nouvelles histoires d’Athènes (Ch. Vakalopoulos, éditions Estia). Quand à mes livres, je pense que dans le  Dénigrement (éditions Estia) et A travers nos paupières  (éditions Bibliothèque), on peut profiter d’un regard oblique sur le paysage athénien.

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Collage: Street Art, Athènes © GrèceHebdo 

Si vous avez le choix, quel serait l’œuvre musicale et l’image avec lesquelles vous voudriez accompagner cette interview ?

Musique: San Michele de Thanasis Papakonstantinou. Photos: les photos de Marili Zarkou dans le livre Hidden Track/ Les niches de la ville  (éditions Gavriilidis).  

* Entretien accordé à Magdalini Varoucha (GreceHebdo) et Ioulia Livaditi (GreekNewsAgenda). Traduction du grec : Magdalini Varoucha

M.V.

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