GrèceHebdo a interviewé l’artiste visuel grec Nikos Gyftakis* qui a déjà à son actif plusieurs participations aux expositions individuelles et collectives en Grèce et à l’étranger. Il parle de son travail, de ses portraits d’innombrables lignes courbes, de ses assemblages, du niveau de la production artistique en Grèce et de la musique.
Nikos Gyftakis|Self portrait V Oil pastel on canvas 190 X 150 cmQuel regard portez-vous sur les arts en Grèce aujourd’hui? Considérez-vous que le niveau de la production artistique constitue un avantage concurrentiel en Grèce par rapport à d’autres pays?
La production artistique en Grèce, qu’il s’agisse des Beaux-Arts ou des Arts Appliqués, est d’un niveau très haut. Du théâtre à la peinture, la scène grecque moderne propose une offre culturelle très riche au rayonnement international. Les problèmes quotidiens créent la nécessité de recourir à ce que les psychanalystes appellent «safe places», dans la mesure où l’art est sans doute le refuge le plus sûr dont on dispose …. De plus, l’absurdité à plusieurs niveaux que nous vivons au cours de ces dernières années, alimente encore plus l’imagination et la nécessité pour effectuer des commentaires à travers l’art.
La fluidité des lignes et la turbulence qui donne du mouvement et de la vivacité aux personnes sont deux caractéristiques visibles dans vos portraits. Pourquoi ce choix artistique?
Il y a longtemps, au cours de mes études à l’école des Beaux-arts, je me suis retrouvé dans un moment où s’imposait la nécessité de trouver mon identité, mon style personnel… tant au niveau artistique qu’au niveau personnel. C’est à ce moment précis que j’ai commencé à lire la philosophie, à écrire et à faire beaucoup de dessins et croquis. La fluidité donc et la turbulence dont vous parlez sont le résultat de tout ce qui est précédé. Si par exemple on regarde un doigt du près, on voit l’empreinte digitale qui n’est rien de plus qu’une synthèse d’innombrables lignes courbes qui donnent chaque fois un effet unique. Si on regarde la même chose d’un peu plus loin on arrête de voir les lignes et on voit le doigt … et de plus loin, on voit la main, etc. … ou autrement dit, comme l’écoulement de l’eau creuse le sol et génère des paysages particuliers, moi, je sélectionne la couleur et la ligne courbe pour dessiner la psyché de la personne que je choisis à peindre afin de mettre en avant son caractère unique.
Nikos Gyftakis|Midsommar An homage to Manet and Bow wow wow Detail 55 X 115 cmVous utilisez d’une manière inattendue les significations et les matériaux afin de créer vos collages/assemblages. Que cherchez-vous par cette forme d’expression artistique?
La série de mes collages / assemblages combine la peinture avec de nombreux matériaux hétérogènes. J’utilise de vieux cadres, des images, des disques, des puzzles, des jeux et des Gobelins (tapisserie) que j’ai trouvé dans les marchés aux puces et aux boutiques d’antiquités en Grèce et à l’étranger. Je fais cela parce que ces matériaux portent en eux une histoire et me donnent la possibilité d’intégrer dans mon travail l’Espace et le Temps- les deux éléments les plus importants pour ma recherche artistique. Puis, je les utilise d’une manière qui permet un dialogue un peu surréaliste avec mes portraits. Ainsi, les portraits témoignent, non seulement de leurs histoires personnelles, mais font aussi un commentaire social, politique et historique (entre le présent /le passé, l’Europe du Nord et du Sud, etc.).
Vous avez un site internet pour la projection de votre travail, vous êtes actif sur facebook. Que pensez vous du rôle que jouent dans la peinture les réseaux sociaux; Sont- ils des outils de travail ?
En effet, j’ai créé le premier site et j’ai commencé à être actif sur les réseaux sociaux, il y a environ 10 ans. Je pense que ceux-ci sont des «outils» très importants pour mon travail car ils offrent la possibilité de s’adresser à un très large public, de manière facile et rapide, un échantillon de mon travail. Bien entendu, c’est tout à fait autre chose la jouissance tirée par le contact de l’œuvre d’art exposée devant nous et autre chose la jouissance que procure le contact de l’œuvre d’art quand on la voit en ligne. Toutefois, si un artiste veut communiquer son œuvre au public, même à l’échelle mondiale, les réseaux sociaux offrent désormais de multiples possibilités qui n’existaient pas auparavant. Il est par exemple magique de pouvoir -à travers le Web- “inspirer” un étudiant des Beaux-arts à New Delhi ou à vendre une œuvre d’art à un collecteur à Séoul ou à Los Angeles … Il y a quelques années, faire une chose pareille, serait trop difficile, sinon impossible.
Nikos Gyftakis|WoMan? Oil on canvas and old BW photograph 34X41cm
Quelle est votre relation avec la musique? Comment votre peinture est affectée par la musique?
J’ai commencé à apprendre le piano classique dès l’âge de 6 ans. La musique –à la fois bonne compagnie et forme d’expression- m’a enseigné le sens du rythme. Ma perception des choses -jusqu’à maintenant- a été construite sur la musique. La musique, étant la forme d’art la plus abstraite, m’a indiqué le chemin à suivre et m’a donné des réponses utilisées à plusieurs reprises dans ma peinture. Un accord sur le piano pourrait être une combinaison de couleurs sur la toile et le rythme, le mouvement, le timbre- le tout- composant une œuvre à part entière. Il n’y a pas de différence entre l’œuvre visuelle et l’œuvre auditive.
Que préparez-vous en ce moment et quels sont vos projets pour l’avenir?
J’enseigne actuellement les arts plastiques aux enfants et aux adultes, je fais de répétitions pour mon prochain «live» et bien sur je peins. De plus, je suis en préparation des œuvres pour mon exposition solo qui aura lieu au mois de septembre prochain à Fribourg, en Suisse. Je participerais aussi aux événements de la capitale européenne de la culture – Paphos 2017– via un projet fascinant de Dr Efi Kiprianidou, sous le titre “Weaving Europe: The World as Meditation” (novembre – décembre 2017).
Nikos Gyftakis|Edwige Oil on canvas 117 X 89 cm
* Nikos Gyftakis est né à Athènes, en 1981. Il est diplômé de l’École nationale des beaux-arts de Thessalonique. Il a réalisé trois expositions personnelles et il a participé à de nombreuses expositions collectives en Grèce et à l’étranger (ArtAthina 2016 Platforms project “The waiting room”, “Compassion: on the phenomenology of being ill” à Bethanien Projektraum à Berlin, “Portraits and landscapes of Greece” à Europahuset et “Ante Mortem” à Palazzo Duchi D’Acquaviva à «Atri-Italy».
En 2014, il a participé au 5ème Festival International d’art à Baku, Azerbaijan “Maiden Tower” et en 2012, il a été l’un des 30 finalistes de la compétition internationale “Surrealism Showdown”, organisée par Saatchi Gallery.
Il vit et travaille à Athènes.
Interview accordé à Irini Anastopoulou
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