Il y a un peu plus de 60 ans quand, en décembre 1963, le poète et diplomate grec Georges Seferis recevait le prix Nobel de littérature « pour son exceptionnel lyrisme, inspiré par un profond sentiment de l’hellénisme » comme l’a déclaré l’Académie suédoise. Cet anniversaire est une excellente occasion de revenir sur les écrivains grecs qui ont été nominés pour le prix Nobel de littérature, au-delà des lauréats bien connus que sont Georges Seferis et Odysseas Elytis.
Décerné annuellement depuis 1901, le prix Nobel de littérature met en honneur un écrivain ayant rendu de grands services à l’humanité grâce à une œuvre littéraire qui, selon le testament de l’industriel suédois Alfred Nobel, « a fait la preuve d’un puissant idéal ». A rappeler que le prix Nobel de littérature a été décerné 116 fois à 120 lauréats entre 1901 et 2023.
Source: Fondation hellénique pour la culture
Nominés uniques
Les écrivains grecs qui ont été nominés une fois pour le prix Nobel de littérature, sont les suivants :
Georges Theotokas (1906-1966) romancier, essayiste, avocat et l’une des figures les plus importantes de la génération des années 30, dont l’essai majeur intitulé Esprit libre (1929) est devenu le manifeste de cette génération, illustrant le désir de moderniser la littérature grecque, a été nominé pour le prix Nobel de littérature en 1945.
Georges Drosinis (1859-1951), auteur, poète, érudit, éditeur et l’un des cofondateurs de la Nouvelle école athénienne, c’est-à-dire la génération littéraire grecque des années 1880, a été nominé pour le prix Nobel de littérature en 1947. Grigorios Xenopoulos (1867-1951), romancier, journaliste et dramaturge de l’île de Zante, a également été nommé une fois pour le prix Nobel la même année.
Melpo Axioti (1905-1973), la seule femme de cette liste, qui a écrit une partie de son œuvre en démotique, et une autre en français, était membre de la Résistance grecque pendant la Seconde Guerre mondiale et exilée politique. Son premier roman, “Les nuits difficiles” (1938), avait introduit un style moderniste dans la littérature grecque et elle a été nominée pour le prix Nobel en 1956.
De gauche à droite: Georges Drosinis (Wikimedia Commons), Georges Theotokas (source), Melpo Axioti (Wikimedia Commons), Grigorios Xenopoulos (searchculture.gr)
Nominations multiple
Le dramaturge, polymathe, écrivain et professeur d’histoire Dimιtrios Bernardakis (1833-1907), dont l’œuvre la plus connue est “Fausta”, a été nommé deux fois, en 1904 et 1905.
Georges Souris (1853-1919), poète et journaliste, était considéré comme l’un des plus grands poètes satiriques de la Grèce contemporaine et qualifié par certains d’ « Aristophane moderne ». Il a été nommé cinq fois pour le prix, presque chaque année de 1907 à 1912.
Elias Venezis (1904-1973) est un écrivain dont les principaux romans portent sur sa vie en Asie mineure: Terre Éolienne (1943) décrit l’éden perdu des étés de son enfance, et Le numéro 31328 (1924), « La Grande pitié » en français, est un témoignage personnel des conditions de vie horribles dans les bataillons de travail turcs où des milliers de Grecs d’Asie mineure ont été retenus prisonniers, immédiatement après la catastrophe de l’Asie Mineure. Il a été nommé deux fois, en 1960 et en 1963.
Stratis Myrivilis, également originaire d’Asie mineure et autre figure importante de la “génération des années 30”, a été nommé trois fois pour le prix Nobel de littérature (1960, 1962, 1963). Son roman phare, La vie dans la tombe (1924), est l’œuvre grecque la plus célèbre sur le thème de la Première Guerre mondiale.
Le poète Kostis Palamas (1859-1943) qui parmi autres a écrit les paroles de l’hymne olympique et fut une figure clé de la génération des années 1880, a été nommé quatorze fois candidat pour le prix Nobel, presque chaque année entre 1926 et 1940.
En concluant cette liste, Angelos Sikelianos (1884-1951), dont les thèmes incluent l’histoire grecque, le symbolisme religieux ainsi que l’harmonie universelle, est considéré comme l’un des principaux poètes lyriques grecs du XXe siècle. En 1927, en collaboration avec son épouse, Eva Palmer-Sikelianos, il organisa le Festival Delphique dans le cadre de son effort général pour faire revivre « l’Idée Delphique ». Il a été nominé six fois pour le prix Nobel de littérature, chaque année de 1946 à 1951.
De gauche à droite, première ligne: Nikos Kazantzakis, Zurich 1918 (Musée Benaki/Archives Kazantzaki), Yiannis Ritsos, Stratis Myrivilis (Wikimedia Commons). De gauche à droite, deuxième ligne: Kostis Palamas (Wikimedia Commons), Angelos Sikelianos (Wikimedia Commons), Georges Souris (Wikimedia Commons), Elias Venezis (Wikimedia Commons).
Nikos Kazantzakis (1883-1957) est l’un des écrivains européens les plus importants du XXe siècle. Penseur influencé par Nietzsche et Bergson, dont il suivit l’enseignement à Paris, Kazantzakis a fait preuve d’une “éthique puissante où résonnent les mots lutte, refus des espoirs, quête d’une certaine immortalité à travers l’élaboration d’un surhomme qui s’incarnera dans l’Ulysse de son Odyssée”. Journaliste, homme politique, poète et philosophe, Kazantzakis a également écrit des pièces de théâtre, des carnets de voyage, des mémoires et des essais philosophiques, mais est plutôt connu au niveau international pour ses romans tels que Zorba le Grec (1946), Le Christ recruté (1948), Capitaine Michalis (1950, traduit par Liberté ou mort) et La dernière tentation du Christ (1955). Il reste l’auteur grec moderne le plus traduit dans le monde et a été nommé neuf fois pour le prix Nobel (en 1947, et chaque année de 1950 à 1957).
Yiannis Ritsos (1909-1990) est considéré comme l’un des plus grands poètes grecs du XXe siècle. Louis Aragon, dans la préface de Pierres, Répétitions, Grilles (1971), écrit sur Ritsos : « Tout se passe comme si ce poète avait le secret de mon âme, et qu’il sût, seul, vous m’entendez, seul, me bouleverser ainsi. Je ne savais pas d’abord de lui qu’il était le plus grand poète vivant de ce temps qui est le nôtre. Je l’ai appris par étapes, d’un poème à l’autre, j’allais dire d’un secret à l’autre ». Atteint de tuberculose, de malheurs familiaux et de persécutions répétées pour ses opinions communistes, il a passé de nombreuses années dans des sanatoriums, des prisons ou en exil politique, tout en produisant plus de 100 recueils de poèmes, 9 romans et 4 pièces de théâtre. Épitaphe (1936), Romiosini (1945-47) et La Sonate au clair de lune (1956) sont trois de ses œuvres les plus connues. Son œuvre trouve un écho populaire favorable notamment après la chute des colonels avec plusieurs de ses poèmes mis en musique par Mikis Theodorakis alors que sa réputation s’étend vers l’étranger. Il est nommé à deux reprises pour le prix Nobel, en 1971 et en 1979 quand l’Académie lui propose de partager le prix avec Odysseas Elytis, une offre qui ont tous les deux décliné.
Seferis et Elytis : les deux lauréats grecs du prix Nobel
Premier prix Nobel grec en 1963, Georges Seferis (1900-1971), nom de plume du poète grec Yorgos Seferiadis, occupe sans doute une des places les plus prestigieuses dans la littérature grecque.
Georges Seferis, Gerasa, Chypre, Ocrobre 1953. Source: MIET.
Nominé déjà deux fois pour le prix (en 1955 et 1961), Seferis est souvent comparé à T.S. Eliot, dont il a traduit et introduit l’œuvre en Grèce. Comme l’écrit Lacarrière, Seferis nous dit qu’il est difficile d’être Grec, ou plutôt, il est difficile lorsqu’on est Grec, de choisir ce que cela implique, dans l’époque de Seferis : l’exil et la solidarité, l’errance et l’enracinement. En octobre 1963, il reçoit le Prix Nobel de littérature « pour son exceptionnel lyrisme, inspiré par un profond sentiment de l’hellénisme » comme l’a déclaré l’Académie suédoise. Le 11 décembre 1963, il prononce en français son allocution de réception du prix Nobel, intitulée «Quelques points de la tradition Grecque, moderne», où il présente l’histoire de la poésie grecque moderne et ses poètes préférés, en faisant aussi référence à Makriyannis, Korais, Papadiamantis, Phéraios.
Odysseas Elytis (1911-1996), est l’un des poètes les plus importants de la Grèce et deuxième prix Nobel du pays en 1979. Peintre et traducteur en plus, il est l’un des personnages distingués de ladite Génération des années trente, profondément influencé par la poésie française et le mouvement surréaliste. Considéré comme le représentant par excellence du modernisme romantique et traduit en 29 langues (son œuvre majeure étant Axion Esti/ Il est digne, 1959). Le 18 octobre 1979, le prix Nobel de littérature est attribué à Elytis, « pour sa poésie qui, sur le fond de la tradition grecque, dépeint avec une force sensuelle et une clarté intellectuelle, le combat de l’homme moderne pour la liberté et la créativité. »
Odysseas Elytis chez son ami Tériade en France, 1951. Photo par Henri-Cartier Bresson. Source: Departement des Alpes Maritimes. Saint Jean Cap Ferrat.
Source principal du texte: Greek News Agenda | A look back at Greek writers nominated for the Nobel Prize in Literature
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M.V.
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