Philippe Ray, le Consul général de France et Directeur de l’Institut français de Thessalonique parle à GrèceHebdo* des particularités de la “cocapitale” grecque, Salonique ainsi que de ses projets pour les années à venir.

1. Salonique, ville provinciale, balkanique ou cosmopolite ? Quelles sont vos impressions?

Inutile de rappeler son titre de « cocapitale » (Συμπρωτεύουσα en grec) pour indiquer que Salonique, Thessalonique, n’est pas provinciale.
Cosmopolite, certainement. Byzantine, ottomane, juive, cette ville garde les traces d’un passé pluriel qui la place au cœur de l’histoire de l’Europe, y compris dans ses pages les plus sombres. Une ancienne et forte présence française fait également partie de cette histoire.

C’est aussi une ville avec une longue tradition d’hospitalité, elle est une terre d’immigration comme l’illustre encore ces derniers mois l’accueil de réfugiés du Proche et du Moyen-Orient ou d’Afrique. Aujourd’hui, Thessalonique est une ville moderne et tournée vers l’avenir. Haut lieu culturel, animée jour et nuit, cette ville et ses environs offrent au visiteur une multitude d’événements et de sites historiques ou naturels exceptionnels. C’est une ville surprenante et attachante qui mérite d’être mieux connue, en particulier des Français.

2. Αu bout d’un an de présence à Thessalonique, est-ce que la crise économique et sociale demeure perceptible pour vous?

Il est facile de constater combien les Grecs souffrent des conséquences économiques et sociales de la crise qui les touchent certainement plus durement que les autres Européens confrontés à une situation comparable. Ni la Grèce du nord, ni Thessalonique n’y échappent. C’est évidemment perceptible au quotidien à travers mes rencontres et échanges. La plupart des familles grecques sont touchées soit par la baisse des revenus et des retraites, par la précarité, le chômage ou par le phénomène d’émigration des jeunes. En même temps, une forte tradition de solidarité familiale permet d’atténuer ces situations douloureuses.

A présent, les derniers indicateurs économiques positifs sont encourageants et représentent les premiers signaux de sortie de crise, même s’ils restent encore peu visibles par les Grecs au quotidien. C’est l’occasion de rappeler que la France a toujours été aux côtés de la Grèce et l’a soutenue, au sein de l’Union européenne comme sur le plan bilatéral. Elle continuera à l’accompagner sur le chemin de la reprise.

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A ce titre Thessalonique dispose d’atouts considérables et d’un grand potentiel. Premier centre universitaire du pays, elle est dotée d’un tissu d’entreprises innovantes et de chercheurs de haut niveau. Je pense par exemple au centre EKETA qui, avec ses 700 chercheurs, place la Grèce au premier rang de la recherche européenne et mondiale.Avec sa position stratégique et différents projets d’infrastructures, comme la modernisation du port, Thessalonique est en voie de devenir un grand hub du transport maritime, une interface entre les Balkans, l’Europe centrale et nordique et le reste du monde.

3. Le français est en déclin, alors que l’anglais ne cesse de gagner du terrain un peu partout dans le monde. Quelle est la réception du français à Thessalonique?

En Grèce le français est la deuxième langue la plus apprise après l’anglais, et sa position est stable. Elle est moins favorable dans le nord du pays, face à l’apprentissage de l’allemand. Il y a toutefois de nombreux francophones, très attachés à la culture française et au développement de l’apprentissage du français. Avec eux, avec les professeurs de français et les associations francophones,nous mettons en œuvre un plan pour la promotion de langue française, en particulier à destination des jeunes, dans les établissements scolaires de la Grèce du nord. Nous travaillons également sur différents projets pour mettre la francophonie à l’honneur lors des différentes manifestations emblématiques de Thessalonique, comme les différents festivals culturels, le Festival international du film, le Salon international du livre.
La première action concrète à Thessalonique est l’ouverture le 28 août dernier d’une librairie française (« Le livre ouvert »), que nous hébergeons dans les locaux de notre Institut français. Une première depuis la fermeture définitive de la célèbre librairie Molho en 2008. Au-delà de la francophonie, il est aussi important de promouvoir et défendre le plurilinguisme, en premier lieu auprès des jeunes. Cela signifie qu’il faut veiller à ce que, dans chaque école et collège, la possibilité soit offerte à chaque élève d’apprendre la langue de son choix.
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4. Quels sont vos projets pour les années à venir.

En premier lieu, en tant que Consul général, je vais poursuivre mes déplacements en Grèce du nord, entre les régions d’Epire, de Macédoine, de Thessalie et de Thrace, à la rencontre de leurs habitants et des membres de la communauté française, près de 2 000 compatriotes dispersés sur ce grand territoire.
Pour Thessalonique, l’ambition pour les prochaines années est de développer nos activités pour être à la hauteur des attentes des Thessaloniciens, qui sont à juste titre exigeants. Cela commence dès cette rentrée avec un programme rénové et enrichi. Par ailleurs, outre l’ouverture de la librairie française, est prévu en octobre prochain le lancement d’un cursus d’études universitaires Master 2 en partenariat avec l’université Paris XIII et l’IdEF d’Athènes. Nous avons aussi en projet l’installation d’une brasserie française dans nos locaux.
L’objectif est de transformer l’immeuble historique de la Mission laïque française -qui regroupe l’Institut, l’école française et le Consulat général- en une “Maison de France” offrant un large éventail des savoir-faire français.

* Entretien accordé à Costas Mavroïdis

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