Le documentaire «Le difficile chemin vers l’Europe» a été primé au 8e Festival international du film documentaire et du film d’animation de Leipzig. Un Prix lui a été décerné par le jury du plus grand syndicat allemand Ver.di (Vereinte Dienstleistungsgewerkschaft). Le documentaire est projeté au Festival du documentaire de Thessalonique (vendredi 18 mars). Avant sa projection aux salles grecques, sa réalisatrice Marianna Economou a répondu aux questions de Grèce Hebdo*.
Votre documentaire «Le difficile chemin vers l’Europe» c’est est une mini-chronique au sujet de l’emprisonnement de deux réfugiés dans les prisons pour mineurs de Volos. Pourriez-vous nous parler de la genèse du projet ? À quelle occasion avez-vous choisi de traiter la question de l’immigration? Comment avez-vous fait le choix des personnages? Avez-vous eu des nouvelles après leur mise en liberté?
Tout a commencé il y a deux ans, quand je suis tombée par hasard sur le livre ‘’A l’école, j’oublie la prison’’, livre avec des témoignages des prisonniers migrants mineurs qui décrivent leur voyage dangereux de l’Asie vers la Grèce. J’étais émue parl’immédiateté de leurs descriptions la sincérité de leurs témoignages et les conditions épouvantables auxquelles ils se soumettent afin de pouvoir quitter leur pays à la recherche d’une vie meilleure. Tant de questions me sont survenues, en particulier à savoir comment ces migrants mineurs arrivent en prison en Grèce, condamnés à de très longues peines. Pour longtemps, Je ne pouvais pas oublier leurs témoignages, ils me hantaient et mes questions s’accumulaient.
J’ai donc décidé de réaliser ce documentaire sans savoir quelle serait son histoire sans avoir déterminé mon approche. Après avoir connu des mineurs prisonniers et après avoir écouté leurs histoires, il était clair que les cas les plus tragiques étaient ceux des migrants mineurs, victimes d’exploitation par les passeurs, forcés de transporter des gens de la Turquie en Grèce et devenir, de cette façon, des passeurs eux-mêmes aussi.
Selon le Droit grec, le transfert des migrants clandestins est considéré comme une infraction pénale et est puni très sévèrement – 10 ans d’emprisonnement pour chaque personne transportée- peu importe l’âge du passeur. Ce phénomène commençait à prendre de grandes dimensions en Grèce, surtout depuis la construction du mur à Evros, et les prisons se remplissaient avec des enfants innocents, en même temps que les passeurs continuaient à opérer sans perturbations de l’autre côté. C’était très important pour moi de mettre en lumière le phénomène tragique de l’immigration clandestine et la manière dont je l’abordais, ce serait à travers les histoires de deux détenus mineurs.
J’ai choisi, finalement, ces deux jeunes parce qu’au moment où je les ai rencontrés, ils étaient détenus et en attente de leur procès et je voulais suivre leurs procès et leur futur. Jasim était le plus jeune et semblait totalement ‘’perdu’’ pour ce qui lui est arrivé. Alsaleh comptabilisait déjà 14 mois de détention et avait pris, en quelque sorte, Jasim sous sa protection. Ils sont devenus amis dans la prison et cela a fonctionné de manière positive pour le déroulement du film.
J’ai perdu, malheureusement le contact avec Jasim. Contrairement à Alsaleh avec qui je suis toujours en contact.
Quelles sont les difficultés que vous avez affrontées lors de la préparation de votre documentaire et pendant le tournage ? Avez-vous rencontré des problèmes/obstacles bureaucratiques, notamment à l’intérieur de l’établissement pénitentiaire de Volos ? Quel était le comportement des autres personnes incarcérées envers vous ?
Même si je savais que ce serait presque impossible d’obtenir une autorisation de filmer à l’intérieur d’un établissement pénitentiaire pour mineurs et surtout pour une si longue durée, je crois que le fait qu’on y a réussi, est dû, d’une partie, à ma propre persévérance de faire savoir l’histoire de ces deux jeunes immigrés et d’une autre part, à la grande chance que j’ai eue de rencontrer des gens auprès du ministère de la Justice et à l’ établissement pénitentiaire qui ont réalisé l’importance d’un tel film et qui ont, finalement, pris un risque personnel de le soutenir.
Au début, les restrictions pour filmer à l’intérieur de la prison étaient si restrictives que je n’étais pas du tout sûre si je pouvais ou s’il était logique de continuer le tournage. Mais, au fil du temps, une relation de confiance s’est construite avec le directeur de l’établissement pénitentiaire, l’assistante sociale et le personnel. Notre travail était assez libre et en bonnes termes de coopération. En général, je dirais que nos visites étaient un fait remarquable dans l’ennui et l’oisiveté de la vie quotidienne de la prison et la plupart des détenus recherchaient le contact et la discussion avec nous.
En 2015, plus de 761 000 réfugiés sont arrivés en Grèce et 413 passeurs ont été arrêtés. Pensez-vous qu’avec les conditions actuelles il y a moyen de lutter efficacement contre le trafic de migrants et éviter des phénomènes d’exploitation des migrants mineurs? Qu’en pensez-vous sur les retardements du système judiciaire en Grèce ?
Tant qu’il existe des raisons qui poussent les gens à quitter leur pays et que les frontières resteront fermées, il y aura des passeurs pour faciliter le ‘’voyage’’ de l’immigration clandestine et pour exploiter ce besoin. Je pense que rien ne peut les arrêter. Le besoin de survie et le rêve d’une meilleure vie emportent toujours, quel que soit le prix. Quand une frontière ferme, une autre reste accessible, même au péril de vie.
Les mineurs font parti des cibles les plus ‘’faciles’’ pour les passeurs, en raison de leur ignorance et de la peur. Les passeurs vont continuer à les exploiter, car ils connaissent bien les dangers et les lois des Etats et ils ne sont pas prêts à risquer leur propre vie. Il n’est pas toujours facile pour la police de distinguer qui est le véritable passeur et qui est victime du passeur.Quand un bateau arrive aux côtes grecques parfois, ceux qui sont arrêtés sont les victimes et pas les passeurs. Par la suite, c’est à la Justice de gérer les charges et quelles circonstances atténuantes, elle va reconnaitre. Dans cette situation désespérément complexe du problème des réfugiés, ce qui pourrait, éventuellement, protéger les mineurs par l’exploitation de la part des passeurs est de les informer sur les dangers du trajet, le rôle des passeurs et le régime criminel en Grèce.
Les retards interminables du système judiciaire sont un énorme problème en Grèce. Plusieurs personnes, comme Alsaleh, passent 18 mois incarcérés en prison avant leur procès. Est-ce qu’il y a là une question des droits humains? Surtout quand il se trouve qu’ils sont innocents?
Après «Le difficile chemin vers l’Europe», quels sont vos projets futurs ? Avez-vous déjà fixé la thématique de votre prochain travail ?
La question des réfugiés me préoccupe encore et j’ai encore des idées à implémenter. J’achève, entre-temps, le tournage d’un documentaire qui traite de la nécessité urgente et essentielle d’un changement de mentalité dans le secteur agricole en Grèce. Tout cela à travers des histoires humaines, toujours.
* Entretien accordé à Maria Oksouzoglou