« La réponse, c’est l’homme, quelle que soit la question »
André Breton
Yiannis Behrakis, élu photographe de l’année par The Guardian, est chef du département photographique du bureau de Reuters à Athènes. A l’occasion de l’événement qui se tiendra mercredi, 10 février 2016 à 13h, à la salle des Conférences du Secrétariat général pour l’Information et la Communication, il a répondu en anglais* à une série de questions posées par GrèceHebdo, GNA, PanoramaGriego, PuntoGrecia, GriechenlandAktuell.
Vous êtes photojournaliste depuis 25 ans. Comment tout cela a-t-il commencé?
Tout a commencé par ma curiosité de connaîte le monde en faisant son tour, et de découvrir des lieux et des cultures étrangères. Pour ce faire la photographie dont je commence l’étude à l’âge de 24 ans s’avère l’outil idéal. Au début je fais carrière en tant que photographe commercial. Puis un jour, j’ai vu au cinéma le film “Sous le feu” avec Gene Hackman et Nick Nolte, basé sur la vraie histoire d’un journaliste et un photographe qui couvrent les événements au Nicaragua dans les années ‘80. Dans ce film, le photographe avait pris des photos des soldats qui avaient tué son collègue. Ayant risqué sa vie à plusieurs reprises, le photographe réussit à faire sortir ses photos vers les États-Unis où elles trouvent la voie de la diffusion par la télévision nationale. Cette histoire avait joué un rôle significatif au changement de la politique étrangère des États-Unis vers le Nicaragua et un mois après la diffusion télévisée le dictateur Somoza a été renversé et la Justice en a fait le reste. Quand je suis sorti du cinéma ce soir-là en 1984, je savais finalement ce que je voulais faire dans la vie. Je le crois de tout mon cœur que le photojournalisme et le journalisme en bonnes mains peuvent rendre le monde meilleur.
Y a t-il une seule image ou un seul jour dans votre vie professionnelle qui prend le pas sur tous les autres? Et comment a t-il changé votre regard personnel?
Il y en a beaucoup de moments. Et je l’espère bien qu’il y aura beaucoup plus dans les années à venir.
Vous avez été en première ligne dans des zones de guerre à travers le monde et témoin des crimes voire des génocides. Avez-vous jamais pris la décision de ne pas capturer un moment d’atrocité?
Ma mission consiste à témoigner et faire partager tous les moments soit humains soit inhumains.
Vous avez été témoin à plusieurs reprises du drame des réfugiés dans des endroits différents un peu partout dans le monde. Maintenant, l’histoire se déroule dans votre pays et le prix du photographe de l’année vous a été attribué par «Guardian». Εn quoi consiste-t-elle la difficulté principale afin de cerner une telle histoire? Quelle est votre opinion pour ce qui est de l’initiative de l’attribution du prix Nobel de la Paix aux habitants des Îles grecques?
L’impact émotionnel a été énorme pour moi. Je souffrais des cauchemars et de l’insomnie pendant longtemps. Parfois, je me sentais coupable de ne pas être en mesure de faire davantage pour aider ces gens. J’ai été témoin de l’exode des réfugiés partout dans le monde au cours des 25 dernières années et je sais bien qu’il est très difficile de s’efforcer d’échapper à la guerre, à la pauvreté et à la persécution. Mon expérience concernant la crise des réfugiés cette année a été, au bout du compte, très enrichissante: j’ai la chance, encore une fois, de découvrir le visage humain des gens. Des centaines de volontaires grecs et étrangers ont afflué sur la Grèce pour apporter leur propre soutien. Des millions de personnes partout dans le monde ont voulu aider d’une façon ou d’une autre. Beaucoup de ceux qui ont soutenu les réfugiés ont reconnu que mes photos et celles d’autres collègues les ont incitées à vouloir aider. L’Europe traverse sa plus grande crise de migration depuis la Seconde Guerre mondiale, selon les Nations Unies, et le nombre des personnes déplacées de force dans le monde est susceptible d’avoir dépassé les 60.000.000 en 2015. Je crois que ces déplacements de masse est une évolution très importante avec des conséquences significatives pour le monde entier, tant pour les gens ordinaires en Asie, que pour les grandes entreprises en Europe. Un mouvement de cette ampleur fait changer le paysage humain et culturel de notre monde.
Comment réagissez-vous aux critiques adressées parfois aux photojournalistes qui, au lieu d’aider les gens nécessiteux, se concentrent sur leur mission photographique? Est-ce qu’il y a un code de déontologie applicable au photojournalisme? Où fixez vous personnellement la ligne?
Si je crois que je peux aider les gens, je le fais sans hésitation; je crois que c’est le cas pour la majorité de mes collègues. Si par exemple un radeau arrive à terre, et des bénévoles et des gardiens de la vie sont là pour aider les réfugiés, si en somme les circonstances sont normales et les gens ne sont pas en danger immédiat, je peux tout simplement prendre des photos. Je sais bien que ces photos ont inspiré de nombreuses personnes à venir de l’aide, ceci est ma mission. Mon travail est fondé sur mes valeurs personnelles et sur les valeurs du journalisme.
Ça vous arrive parfois d’avoir l’impression de marcher sur “des eaux inexplorées”? Avez-vous jamais pensé de quitter votre mission?
J’aime marcher sur “des eaux inexplorées”. Je devrais arrêter un jour, malheureusement, mais je l’espère bien d’avoir entretemps inspiré des autres à continuer cette voie.
* Traduction de l’anglais: Magdalini Varoucha
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