Ἄνδρα  μοι ἔννεπε, Μοῦσα, πολύτροπον, ὃς μάλα πολλὰ
πλάγχθη, ἐπεὶ Τροίης ἱερὸν πτολίεθρον ἔπερσεν·

(L’Odyssée, a 1-2)

|Peinture:G. Gaitis, Ulysse et les sirens (source: nikias.gr)|

Le grand prix de lettres de l’Académied’Athènes (Prix Aristéion de Lettres) a été décerné à Manolis Hatziyiakoumis lors d’une cérémonie qui a eu lieu le 21 mars 2017. Le philologue a été récompensé pour sa traduction de lOdyssée en grec moderne et pour l’ensemble de son œuvre. Celle-ci, relativement méconnue du grand public, est essentiellement dominée par la poésie de Dionisios Solomos, la musique byzantine, la pédagogie et la traduction de l’Odyssée en grec moderne. La traduction de Hatziyiakoumis a été éditée en 2015 par les éditions «Centre des Recherches et des Editions».

Dans le dernier numéro de la revue athénienne des livres «Athens Review of Books» (Mai 2017, no 84), quatre professeurs de l’Université grecque, M. Copidakis, Chr. Haralampakis, D. Dimiroulis et I. Perisinakis, présentent la nouvelle traduction grecque de l’Odyssée par le philologue Manolis Hatziyiakoumis. Le texte qui suit est articulé sur les commentaires des professeurs susmentionnés. Disons-le d’emblée que tous se mettent d’ accord sur la reconnaissance de la démarche originale de Hatziyiakoumis; ce dernier étant également fidèle au style du texte homérique, prend soin de le transposer «naturellement» en grec moderne et fournit au poème homérique une orientation inédite. En deux mots, cette version de l’Odyssée en vers grec moderne représente un jalon important dans la réception du texte homérique.

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Al. Fassianos, Ulysse et les sirènes (source: nikias.gr)

Petite histoire de la traduction de l’Odyssée en grec moderne

Proposer une traduction en grec moderne de l’Odyssée constitue déjà une tâche énorme. Les premières traductions de la poésie homérique en grec moderne par Polilas, Eftaliotis, Sideris, étaient écrites dans une langue depuis longtemps dépassée et c’est pour cette raison qu’elles étaient considérées comme insuffisantes. En 1965, la traduction des Kakridis-Kazantzakis a mis à la marge les traductions anterieures malgré le fait que leur style littéraire éloignée du langage courant était considéré comme obsolète. Pourtant, cette traduction, grâce à la validité de ses auteurs a rempli le vide de la traduction de l’épopée grecque au niveau de la société et de l’éducation. Ensuite, à la fin du XXème siècle et au début du XXIème siècle, la traduction de Maronitis a remplacé celle des Kakridis-Kazantzakis et sa prédominance fut incontestable. En 2015, la traduction de l’Odyssée par Hatziyiakoumis fait son apparition et pour la première fois la démarche de Maronitis trouve un rival respectable. Pour Dimiroulis, le projet de Hatziyiakoumis est avant tout un défi lancé à la langue grecque moderne. Sa traduction fut une révélation et en même temps un défi qui a permis à Dimiroulis de retrouver le contact avec la poésie homérique. Selon lui, Hatziyakoumis utilise le langage courant et familier et crée des conditions nouvelles pour l’approche de l’épopée homérique (p.42).

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Hatzikiriakos-Ghikas, Ulysse et Nausicaa (source: nikias.gr)

Les commentaires de Copidakis, Haralampakis et Perisinakis

Selon Copidakis, la traduction de Hatziyakoumis est le fruit d’une aptitude scientifique et pédagogique liée à une riche expérience musicale dont il dispose. De plus, le traducteur, comme l’affirme de façon caractéristique Raymond Queneau dans son poème ‘Pour un art poétique’ fournit de «la sauce énigmatique» à son œuvre (p.28).

Charalampakis met l’accent sur la méthode établie par l’auteur pour préparer la traduction ainsi que sur le travail important réalisé par le traducteur qu’il a mis vingt cinq ans pour traduire l’Odyssée. La méthode de travail adoptée par le traducteur se caractérise par un cadre de référence stable dans lequel il bouge avec souplesse. Dans ce cadre, Hatziyiakoumis étant également fidèle au style du texte homérique, s’efforce de le transposer «naturellement» en grec moderne, tout en assurant la fluidité du récit, qui le rend accessible au plus large public. Il s’agit en effet d’une adaptation de l’ethos de la langue d’Homère à la langue grecque moderne (p.30).

Selon Perisinakis, cette traduction est destinée à faire revivre le sens, le rythme, et la musicalité du texte homérique (p.35). Hatziyiakoumis fait privilégier le rythme et la poésie du texte. L’auteur s’appuie sur réelle familiarité vis-à-vis du grec ancien. Il s’autorise aussi des variations dans la manière de traduire un même adjectif, de façon à s’adapter au style et au rythme du vers.

L’édition de l’Odyssée, comprend le texte en grec ancien, et cela permet de comparer la version originale et la traduction, afin de repérer les écarts éventuels. La traduction est accompagnée des notes. Là, le lecteur trouve des commentaires herméneutiques ainsi que des comparaisons avec d’autres traductions.

L’auteur précise, dans la préface du livre, que la traduction du poème homérique requiert un double acte poétique. Tout d’abord, il faut comprendre ce que le poète dit et ce qu’il nous laisse comprendre. À tout cela, il faut ajouter les manières qu’il utilise pour s’exprimer et la raison pour laquelle il les choisit . En d’autres termes, le but consiste à s’identifier avec le poète au moment de la création et s’approprier son univers poétique.

Hatziyiakoumis invite ainsi le lecteur à lire l’Odyssée comme un chant ouvert écrit par un auteur singulier, à savoir Homère!

Lire plus: Ithaque, C. Cavafy

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N. Egonopoulos, Ulysse et Pénélope (source: nikias.gr)

E.A.

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